CHAP 1

13.1K 506 110
                                    

J'allais sur ma quinzième année et, malgré la jeunesse de mon corps, j'avais l'impression que mon cerveau était déjà fatigué de ce qu'il avait eu à endurer. Tellement d'événements s'étaient produits depuis ma plus tendre enfance, que je ne pouvais pas raisonner comme une jeune fille de mon âge. J'avais perdu ma naïveté depuis si longtemps déjà que je ne me souvenais même plus de mes années d'insouciance.

Elles avaient pourtant existé. J'avais connu des moments de total bonheur où je n'avais eu d'autre préoccupation que celle de grandir dans la joie et l'harmonie d'une famille unie : des parents aimants et un grand frère protecteur. Des moments simples et heureux qui résumaient à eux seuls le cours de nos vies.

Simples et heureux, sans histoire, mais si brefs que je les avais enfouis dans un coin de ma mémoire et, pour être honnête, je ne cherchais pas à m'en rappeler car cela me faisait plus de mal que de bien.

Qui aurait pu prédire, à l'époque, que ce bonheur serait si éphémère ? Mais surtout que je serais la cause de tout ce désastre ?

Les conséquences furent implacables. Mon frère, Celso, fut placé dans un internat durant plusieurs années, je ne le revis que durant les vacances scolaires ; ma mère, Meryl, mit fin à ses jours, me laissant seule avec mon père et mes grands-parents. Mais ces derniers, très choqués et affaiblis par ces tragiques évènements, ne tardèrent pas à la rejoindre. D'abord mon grand-père, qui fit un arrêt cardiaque, puis ma grand-mère, qui ne supportant pas la disparition de son mari, se laissa tout simplement mourir...

Mon père, Jacky, s'occupa alors de moi et nous restâmes, isolés, à Abraysie jusqu'à ce qu'il me jugeât prête pour affronter le monde extérieur. Ce ne fut qu'à partir de là que mon frère revint vivre avec nous. Nous retrouvâmes alors notre maison de Mesmina, petite commune dans laquelle nous vivions avant que le malheur ne nous frappe et nous fîmes notre entrée au collège : en quatrième pour Celso et en sixième pour moi.

Cette rentrée scolaire fut chaotique. C'était la première fois depuis bien longtemps que je remettais les pieds dans une école, la dernière remontant à mes cinq ans, en maternelle...

Je suivais le mouvement, sans vraiment comprendre ce qui se passait autour de moi. Si je connus un grand moment de solitude durant cette interminable matinée, je ne fus pas longtemps perdue pour autant. Mon calvaire prit fin en faisant connaissance avec ceux qui allaient, sans le vouloir, me rendre la vie nettement plus supportable.

Cette scène mémorable s'était passée durant le repas du midi, au self. J'avançais seule, avec mon plateau repas, cherchant l'endroit où je pourrais le poser, sans gêner les groupes qui s'étaient déjà formés mais surtout, où je pourrais manger dans l'ignorance de tous.

Au moment où justement j'avais repéré une rangée de tables inoccupées, tout au fond du self, j'avais été bousculée par une fille, dans mes âges, qui venait elle-même d'être poussée par un garçon beaucoup plus grand que nous. Elle n'avait pas eu le temps de s'excuser auprès de moi que son plateau lui avait été arraché des mains et jeté à quelques mètres de nous.

Rouge de colère, mais sachant qu'elle n'était pas de taille contre lui, elle s'était contentée de bougonner. Le garçon avait pris un air supérieur en lui demandant si elle avait un problème. Comme elle n'avait pas répondu, je l'avais fait à sa place :

— Oui, c'est toi le problème, avais-je dis à voix haute et très sûre de moi.

Il m'avait jaugée des pieds à la tête, avait été pris d'une crise de rire, puis, après s'être assuré qu'il n'y avait pas de surveillants autour de nous, m'avait arraché aussi mon plateau et l'avait envoyé valdinguer à l'autre bout du self.

LES AILES DE MA VIE - L'initiationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant