Allongée sur le canapé, près du feu de cheminée, je flemmardais pendant que mon père terminait le montage du nouveau lavabo dans la salle de bains. Je me sentais lasse, mais infiniment détendue, bien plus encore que lorsque mon Aigle me sondait le corps. J'avais l'agréable sensation de flotter, conséquence d'une journée complètement magique, si proche de l'impossible mais au combien si réelle...
Je n'avais pas eu envie de rentrer quand Raoul avait pris le chemin du retour, j'étais si bien dans les airs. Je n'étais pas la seule, l'Aigle avait grandement appréciéde battre des ailes, de planer, de voir de ses propres yeux et non pas au travers des miens. J'avais clairement identifié la satisfaction qu'il avait éprouvée de pouvoir agir à sa guise en n'étant plus emprisonné dans mon corps. Tout ce qu'il avait ressenti, je l'avais aussi ressenti. Tout comme j'avais compris la frustration qui avait été la sienne, d'être maintenu contre son gré à l'intérieur de moi et de voir et penser sans pouvoir agir par lui-même, car si la plupart du temps j'avais réussi à le guider, il y avait eu des moments où il n'avait pas voulu accéder à mes demandes. Il avait réussi à me faire enrager plus d'une fois...
En arrivant sur le terrain, j'avais eu l'agréable surprise de voir mon père et Jump attendre notre retour. Le plus humain des deux n'avait pas pu résister à la curiosité de voir sa fille en Aigle noir...
— Je viens constater l'étendue des dégâts ! avait-il dit en souriant.
— Et bien, c'est gentil de ta part de te donner ce mal, lui avais-je répondu sur le ton de la plaisanterie.
— Je ne pouvais pas rater ça !
J'avais été interloquée quand j'avais réalisé qu'il n'avait pas ouvert la bouche pour parler. J'avais capté ses pensées exactement comme je captais celles de Raoul.
— C'est fou ça ! avais-je lancé sans être totalement remise de ma surprise.
— Comment tu crois que nous communiquons ton père et moi ? Avait très justement relevé Raoul.
— À dire vrai, je n'avais pas pensé qu'un jour, moi aussi, je pourrais le faire avec papa de cette manière là, m'étais-je excusée un peu honteuse.
— Lorsque tu auras repris forme humaine, les transmissions de pensées s'arrêteront entre ton père et toi. Cela ne marche que grâce à l'Aigle ! avait-il précisé.
Quand Jump s'était approché de moi en reniflant exagérément, une angoisse avait surgi brutalement. Et si l'Aigle attaquait mon chien ?
— Cela n'arrivera pas, ils sont de vieilles connaissances ! avait dit Raoul avant que je n'aie eu réellement le temps de formuler ma pensée. Il avait eu raison, aucune agressivité n'était ressortie ni de l'un, ni de l'autre.
Lorsque mon père était reparti, Raoul m'avait proposé de le suivre :
— Il faut que tu rentres maintenant, ton corps a besoin de repos !
Alors que la transformation avait été extrêmement douloureuse, à l'inverse, reprendre mon apparence humaine avait été un jeu d'enfant. Pour redevenir mon MOI initial, il m'avait suffi de le décider, en me concentrant sur ce que je voulais. L'Aigle n'avait opposé aucune résistance car d'après Raoul, lui aussi avait besoin de repos. Une fois réussi, ce qui pour moi tenait quand même du miracle, j'avais vérifié scrupuleusement tous mes membres, ma peau, mes cheveux, mes oreilles. Rien ne manquait, tout était à sa place, mis à part une plume qui était restée coincée dans mes cheveux et un incommensurable fouillis dans ma tête...
Tout se bousculait dans mon esprit. Trop de choses nouvelles à emmagasiner, analyser, trier et ranger...
Raoul m'avait affirmé que quelques jours devraient suffire pour tout remettre en ordre parce que je m'habituerais vite à ce nouvel état.
VOUS LISEZ
LES AILES DE MA VIE - L'initiation
FantastiqueLili a quinze ans, sous ses airs d'adolescente ordinaire, elle dissimule pourtant un lourd secret. Mais l'approche d'inévitables bouleversements et l'arrivée de Gino vont venir contrarier sa vie. Comment va-t-elle s'y prendre pour gérer ces cataclys...