Chapitre 26

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Je m'étais endormie sur Oliver jusqu'à ce que Thomas vienne en hurlant dans ma chambre me faisant sursauter. 

- Oliver dégage de là. 

- Pourquoi ? 

- T'es mon meilleur ami mais là je peux pas t'encadrer, sors de cette chambre. 

Oli regarda mon demi-frère, choqué avant de se pencher pour me regarder. Je hochais la tête et il sortit s'arrêtant devant Thomas qui le regarda dans les yeux sans dire un mot. 

- Sors de cette chambre Sykes. 

- Qu'est-ce que t'as ? demandais-je dès que nous fûmes plus que deux. 

- Toi qu'est-ce que tu as ? Tu peux m'expliquer en quoi tu deviens en manque ?! 

- Je suis pas en manque !

- Et moi je suis une pandicorne, chacun son truc ! hurla-t-il avant de baisser la voix, sûrement pour éviter de rameuter les adultes ici. Plus sérieusement, c'est pas avec les doses qu'on prenait ensemble que t'as pu devenir accro si rapidement. T'aurais pas essayé autre chose par hasard. 

- Seulement ce que j'ai pris avec Oli, je t'ai déjà tout raconté et t'avais pas a le virer comme ça ! 

- Je fais ce que je veux. 

- Pas dans ma chambre, maintenant tu le fais revenir, s'il-te-plaît ? 

- Pour que vous baisiez alors que je suis dans la chambre d'en face ? 

- Thomas ! 

Il rit doucement avant de se reprendre :

- Tu sais qu'on va pas en rester là hein ? On va régler le problème. 

- Il n'y a pas de problème, répondis-je. 

Il me lança un regard "oh que si" mais je préférais l'ignorer pendant que Oliver rentrait de  nouveau. Thomas était allé dans sa chambre et avait allumé sa radio, diffusant sa musique dans toute la maison. 

- Il m'en veut. 

- Dis pas de connerie et viens là, souris-je. 

Il me rendit un sourire et se mit sur le ventre, la tête enfoncée dans mon oreiller. Il passa son bras sur mon ventre, me ramenant près de lui. On resta comme ça pendant un long moment, à vrai dire jusqu'à ce que ma mère vienne nous chercher pour manger. Oliver lui s'était assoupi et elle lui chuchotait à l'oreille et le secouait doucement pour ne pas le brusquer. Il grogna, enfonçant encore plus sa tête dans mon oreiller y frottant son nez. Je lui repris ma possession d'un seul coup, le lui arrachant de mains. 

- Pas touche à Pilly ! 

- Mais !! Attends Pilly ? 

- Oui. 

- Tu donnes un nom à ton oreiller ? rit-il. 

- Chut, t'as pas le droit de dénigrer Pilly. Excuses toi ! 

Je lui tendais l'oreiller devant le visage et il me lança un regard désabusé voir blasé. Il se leva, partant de ma chambre pour descendre les escaliers. Alexis était déjà attablé dans des vêtements plus civils. Je m'assis en face de lui, Oliver à mes côté. Henri et ma mère se placèrent à chaque bout de table. Thomas lui était en face de Oliver, à côté de mon frère. 

- Alors comment c'est passé votre journée ? demanda Henri. 

- Bien, répondit Thomas.

- Alors Alexis ? Comment s'est passé le retour ? intervint ma mère.

- Les avions de l'armée ne sont pas les plus confortables et quitter l'Afghanistan pour revenir en France, ça nous a fait un changement de température assez soudain, la plupart des gars ce sont enrhumés. J'ai passé quelques jours chez un ami à Paris avant de prendre un billet pour venir ici. Merci de m'accueillir d'ailleurs. 

- Je suis heureuse que tu sois revenu à la maison, dit ma mère ne posant la main sur la sienne.

Elle me jeta un regard, comme si elle voulait que je dise quelque chose à mon tour. Etais-je heureuse de le revoir ? Oui évidemment, c'est mon frère mais je ne peux pas lui pardonner si facilement. Il a préféré fuir l'enfer. Je me promis de faire des recherches sur l'Afghanistan   ce soir et hochais juste la tête en continuant de balader a fourchette dans mon plat. Je ne mangeais que trois petites bouchées avant de m'excuser et de me lever de table. Je pris mon ordinateur et l'alluma, tapant dans la barre de recherche "Afghanistan, intervention militaire". On me proposa des images que je ne regardais pas, elles me donnaient envies de vomir, enfin je trouvais un article.

Je lus les témoignages, les rapports militaires, tous plus horrible les uns que les autres. Je ne pouvais accepter de croire que mon frère est participé ou vu ça. Ces visions d'horreur qui me venaient au visage, tous ces noms, toutes ces familles, tous ces noms inconnus, et tous ces morts.

- Ils me hantent chaque jour. 

Je me retournais et vis mon frère adossait au chambral de la porte. Il me regardait avec cette lueur qui semblait ne jamais vouloir le quitter. La culpabilité. 

- Je me souviens de ce garçon sur un marché, on faisait notre ronde habituelle mais on s'est très vite concentré sur lui parce qu'il portait des vêtements larges. Rachid m'a demandé de ne pas le quitter du regard et c'est ce que j'ai fait. J'étais un casque bleu, j'étais là pour maintenir la paix, c'était ma mission. Je l'ai vu aller d'échoppes en échoppes, il était connus sur le marché, c'était le garçon qui traînait toujours ici et a qui on donnait un peu de nourriture pour qu'il puisse la partager avec sa famille. J'allais abandonner l'idée de le suivre quand il s'est arrêté en plein milieu du marché et qu'il a retiré son vêtement, il a ordonné à tout le monde de fuir. Il avait une bombe collait au torse. J'ai armé mon arme et je me suis approché de lui alors que Rachid me disait de courir loin. D'ordinaire je le fais, je cours mais pas ce jour-là. Ce jour-là je me suis approché de ce garçon parce que ses yeux... Ils reflétaient la peur. Il pleurait, me suppliait de le tuer. Des personnes avaient pris sa famille et lui avait posé cette bombe, lui disant que s'il ne la faisait pas exploser, ils tuaient toute sa famille. J'ai essayé de désarmer la bombe, j'ai essayé de trouver les bons fils à décrocher. 

La voix d'Alexis s'était faite pressante et les larmes étaient au bord de ses yeux, je le voyais menaçant de s'effondrer devant moi. Mais il n'était plus là, il était avec ce pauvre garçon.

- Je n'ai pas réussi, il me disait qu'il ne voulait pas mourir comme ça, il a pointé le canon de mon fusil sur son coeur me hurlant de tirer. Alors je l'ai fait, je lui ai tiré dessus à bout portant avant de courir hors de porté. Je l'ai vu s'effondrer me soufflant un "merci"; puis le souffle de la bombe m'a couché au sol. Dans les jours qui ont suivis, je ne suis pas allé aux entraînements ni à la cantine, dès le levé, je partais chercher la famille de ce garçon dont je ne connaissais même pas le nom. Je demandais aux marchands qui lui donnaient à manger et j'ai réussi à retrouver son prénom : Ingimba, ça veut dire "Petit garçon" en kinyarwanda. Quand je suis arrivé dans sa maison, j'ai eu envie de pleurer, parce qu'il était mort pour rien. Sa maison avait été brûlé et il y avait des ossements à l'intérieur. On les avait tué même si la bombe avait explosé.  

Je me suis approchée de mon frère et posais ma main sur son épaule. Il sembla revenir dans le moment présent et me regarda :

- J'ai détesté la manière dont j'ai été impuissant, et j'ai détesté la façon dont nous étions en parti responsable de ça. Á partir de là je me suis entraîné deux fois plus, je me levais plus tôt que les autres pour courir le plus loin possible du camp avant de revenir. Mes supérieurs étaient heureux de me progrès et je suis monté en grade mais j'étais détruit à l'intérieur. La nuit je faisais des cauchemars et je pleurais en me réveillant. Rachid restait toujours près de moi et me réconfortait comme on le fait pour un gamin. Quand le général en a eu vent, il m'a convoqué et m'a fait passer des tests avec des psychologues. Ils ont décidé de me renvoyer à Paris quelques temps pour que je me repose. Après ils m'ont fait revenir en Afghanistan mais même les quelques mois de repos, je ne pouvais arrêter de penser à Ingimba Ils ont dit que je n'étais plus stable émotionnellement et que je devais rentrer chez moi. 

Je pris mon frère dans mes bras essayant de me faire pardonner. Il avait fuis l'enfer certes, mais il en avait trouvé un autre. 

Save me from myself (avec Oliver Sykes de Bring Me The Horizon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant