11. Repentir

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Passée la surprise, Elena sentit une grande chaleur lui brûler le ventre. Elle sentait tout contre elle le corps vigoureux de don Serafin, et ses lèvres sur les siennes étaient si douces qu'elle ne put que fermer les yeux et tenter de graver ce moment à tout jamais dans sa mémoire. Ce ne fut que lorsque don Alejandro rompit son étreinte qu'elle réalisa avoir cessé de respirer.

Comme s'il était lui-même choqué par son acte, le marquis cilla et murmura :

- Je... Je... Grand Dieu... Veuillez me pardonner.

Et il fit volte-face, disparaissant par la porte qu'ils allaient emprunter. Il laissa derrière lui une jeune Barbastre parfaitement confuse, ignorant totalement la signification de ce baiser, et de cette réaction pour le moins incongrue. Elle sentit soudain une main se poser sur son épaule : c'était Maryam, encore pâle mais souriante.

- Madame, je vous propose de monter dans votre chambre, je vais vous aider à...

- Ah, ça, non ! J'ai déclaré que j'allais prendre soin de vous, et c'est bien ce que je vais faire. Suivez-moi.

À la fois amusée et reconnaissante, la servante emboîta le pas de sa maîtresse. Cette dernière espérait retrouver don Serafin, mais le marquis semblait s'être littéralement volatilisé.

Elena baigna et pansa les contusions dont la jeune Sarasine souffrait. Roque, comme à son habitude, s'était montré violent et insolent envers tous les domestiques, mais Maryam, à cause de ses origines, était celle qui en avait le plus souffert. Pourtant, elle restait calme et souriante, ce qui ne manqua pas d'impressionner la jeune noble.

- C'est qu'il n'y a plus de danger, madame, à présent que vous et don Serafin êtes revenus. Qu'ai-je à craindre ?

Elena épingla le bandage qu'elle venait de terminer – Maryam avait deux doigts cassés – et ne répondit rien.

- Je vais m'occuper de votre œil.

- Ce n'est rien, madame, laissez. Cela disparaîtra avec le temps.

- Je vous en prie.

La jeune Barbastre se sentait responsable de ce que son frère avait fait. Mais, tout en réchauffant une huile près du feu, elle ne put empêcher le souvenir de ce baiser si puissant de revenir la tourmenter.

- Quelque chose vous tracasse, madame ? questionna Maryam avec un demi-sourire.

- Non, non ! se hâta de répondre Elena. C'est juste... que...

Elle se mordit les lèvres, puis lâcha :

- Je ne comprends pas... je ne comprends pas pourquoi don Serafin est parti ainsi. J'ai dû faire quelque chose de mal. Je n'aurais peut-être pas dû... Qu'y a-t-il ?

Maryam n'avait pu s'empêcher de rire doucement.

- Le seigneur Serafin respecte la liberté de tous. Et il vous respecte infiniment.

- Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas.

- Avec tout le respect que je vous dois, je crois que c'est lui qui vous a embrassée, et non le contraire. Il ne vous a rien demandé et a agi par instinct. Il a dû croire... et bien... qu'il vous avait volé un baiser.

- Mais c'est ridicule... commença Elena avant de voir une grave sévérité se peindre sur les traits de Maryam. Je veux dire...

- Je suis une femme, moi aussi, madame. Je sais ce qu'est être une femme en notre temps. Don Serafin ne traite pas les femmes comme les autres hommes le font. Ils nous traite comme ses égales. Et puisque vous avez toujours refusé de le recevoir, il paraît naturel qu'il pense vous avoir offensée en vous prenant un baiser.

Faena CumbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant