Elena se réveilla allongée sur une paillasse qui avait été rembourrée très récemment. Un bon feu crépitait près d'elle et elle était cernée par trois couvertures. Sa tête résonnait un peu et elle avait encore froid, mais ce ne fut rien comparé au moment où elle réalisa quel était l'endroit où elle se trouvait... Un sanglot monta dans sa gorge et cela lui provoqua une douleur intense : à sa grande surprise, la jeune femme avait pris froid.
- Comment va-t-elle ? fit la voix, lointaine, d'une vieille femme.
Des pas se firent entendre, se rapprochant de la paillasse d'Elena. Elle crut reconnaître les bottes de don Serafin et se crispa instinctivement, peu sûre de faire la distinction entre ce qu'il s'était réellement passé la veille – ou plutôt le matin même... – et ce qu'elle avait pu imaginer dans ses cauchemars. Elle vit apparaître une main dans son champ de vision, une grande main déjà rendue rude et calleuse par les combats et l'art militaire, et cette main vint se poser doucement contre son front.
Elena réalisa seulement alors qu'elle bouillait de fièvre : la main d'Alejandro, en comparaison, était si fraîche ! Une faible plainte s'échappa des lèvres de la jeune femme, qui se sentait de plus en plus malade au fur et à mesure qu'elle se réveillait. La voix, lointaine elle aussi, du marquis lui parvint, douce et chaleureuse :
- Tout va bien, Elena, je suis là.
Du pouce, il caressa les cheveux de jais de la jeune Barbastre, tout en gardant sa main sur le front de son épouse.
- Tout va bien, répéta-t-il. Vous êtes souffrante, nous allons nous occuper de vous.
- Dites-lui qu'son ch'val va ! lança l'hôtesse du bout de la pièce.
Elena eut un sourire de remerciement. Sa gorge lui faisait de plus en plus mal, mais elle ouvrit la bouche, pour parler.
- Non, taisez-vous, l'interrompit la voix de don Alejandro. Ce n'est pas une prière, c'est un ordre, et je me montrerai féroce si vous ne le respectez pas.
La jeune femme obéit, mais un sourire fatigué vint encore illuminer ses traits. Et comme Alejandro pouvait aimer ce sourire... !
- Voilà, l'encouragea-t-il. Reposez-vous. Luna est saine et sauve, je me suis bien occupé d'elle. Rodrigue va bien également : il a pu boire un bouillon ce matin.
Don Serafin se mordit les lèvres, paniqué : à la seule mention de son jeune page, les yeux d'Elena s'étaient remplis de larmes.
- Non, non ! Il va bien, c'est une bonne nouvelle !
La voix rauque, sans timbre, la jeune femme lâcha :
- Je vous demande... pardon...
- Réservez-ça à votre lit de mort je vous en prie ! se récria don Alejandro. Je vais vous redresser un peu. Mais calmez-vous, calmez-vous, je vous en conjure. Nous sommes à l'abri de tout, ici, et dans une semaine il n'y aura plus de raison de demander pardon, je vous l'assure. Allons.
Elena sentit les doigts du marquis s'immiscer dans sa chevelure. C'était pour elle une sensation nouvelle et ô combien agréable...
- Fermez les yeux, commanda don Serafin en tentant de ne pas laisser percer dans sa voix l'attendrissement qui s'était emparé de lui. Et dormez, vous n'avez plus à vous inquiéter de rien. Laissez-moi me charger de vous.
La jeune Barbastre obéit et s'évanouit plutôt qu'elle ne s'endormit.
Rodrigue, don Alejandro et Elena durent rester dans ce hameau une dizaine de jours. Si l'état de Rodrigue s'améliora bien avant la fin de ce délai, celui d'Elena resta problématique et il fallait la veiller nuit et jour pour l'aider parfois à respirer. Le marquis fut surpris de constater qu'aucun habitant des environs n'était venu se renseigner sur eux, mais il s'avéra que la maison close de la Muslo avait un tel empire sur le petit hameau que personne n'avait voulu approcher les « ennemis » de la tenancière... tenancière qui s'était enfuie dès qu'elle l'avait pu !
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Faena Cumbre
Fiksi SejarahUn mariage arrangé entre deux êtres que tout sépare. Ils ont dix ans d'écart, elle le hait et lui doit sans cesse parer à ses fugues et ses pièges. Découvrez une histoire d'amour tumultueuse, qui donnera naissance au plus terrible des pirates des An...