Roque, le frère par alliance d'Elena, croisa les jambes et adressa à la jeune femme un sourire mauvais. Cette dernière déglutit, choquée par la vision d'un être qu'elle craignait et haïssait tout à la fois. Rentrée à la marche de Serafin, la jeune Barbastre avait eu le sentiment d'appartenir enfin à un avenir heureux. L'apparition démoniaque de don Roque avait fait tomber un voile de mort sur ses illusions.
- Alors, petite sœur ? J'admets être déçu, je ne pensais pas que tu reviendrais vivante... Avoue qu'un reniement va détruire toutes tes chances d'avenir ! César et moi te réservons un accueil...
- Que faites-vous ici ?
Elena se détendit presque immédiatement : la voix tonnante de don Serafin avait fait vibrer les vitraux de la grande salle. Roque serra les poings.
À grandes enjambées, Alejandro se hâta de rejoindre la jeune Barbastre. Il connaissait Roque, et il savait que le frère d'Elena était un petit tyran. La jeune femme restait calme, concentrée et si Maryam, la servante mise au service de son épouse, n'avait jamais confié à son maître que la jeune fille cauchemardait très souvent au sujet de Roque, don Alejandro ne se fût pas douté de l'angoisse que celui-ci infligeait à sa sœur.
- Je suis arrivé ce matin. Je n'ai pas pu m'empêcher d'accourir, en apprenant la déchéance de ma pauvre sœur... ainsi que la rupture du contrat royal.
Un sourire torve se dessina sur les traits pâles du jeune noble. Don Serafin fronça le sourcil : comment se faisait-il que Roque connût cette information ?
- Ce n'est pas ce que m'ont dit mes serviteurs. Vous êtes ici depuis une semaine. L'hospitalité vous a été accordée, ce dont je me réjouis. En revanche, je crains que vous ayez été mal informé en ce qui concerne...
- Parle, parle, Serafin, tu n'es plus qu'un hidalgo. Ce n'est qu'une question de temps avant que la rupture soit officialisée et...
- Vous manquez de respect au marquis de Serafin, monsieur ! souffla soudain Elena, outrée et honteuse d'un tel comportement.
- Je ne dois aucun respect à un parjure. Car n'as-tu pas parjuré, Serafin ?
- Jamais. Un Serafin tient sa parole ou meurt.
- Alors que fais-tu encore ici ? Selon le contrat du mariage, une rupture entraîne la totale acquisition des biens et des titres du responsable de la rupture à la famille de la personne lésée.
Don Alejandro ne répliqua rien. Il avait renié Elena, c'était vrai, mais il n'avait pas eu le temps d'officialiser la chose et il pensait que l'information ne serait pas ébruitée sans son accord. De plus, il s'était passé tant d'événements depuis la fugue de la jeune femme, et le marquis avait éprouvé des sentiments si nouveaux envers la jeune Barbastre qu'il eût aimé pouvoir parler calmement avec elle de leur avenir et de ce qu'elle désirait réellement. Mais à présent, face à Roque, il était impossible de s'entretenir dans l'intimité. Aussi, ignorant ce que Elena voulait, don Alejandro ne put se permettre d'affirmer ou d'infirmer ce que le noble venait de lui cracher au visage.
- Roque, avez-vous une preuve de ce que vous dites ? questionna don Serafin d'une voix apaisante.
Sa jeune épouse osa seulement alors lever les yeux sur lui. Le marquis restait maître de lui-même, au-delà de toute expression. Sa seule présence à ses côtés rassurait la noble, et son regard perçant semblait suffire à tenir Roque à distance. Une fois de plus, Elena admira la beauté rude des traits du marquis et elle ne put s'empêcher de ressentir une attirance étrange à son endroit. Elle avait envie de le toucher, de lui prendre la main. Elle avait envie qu'il l'embrassât, comme dans ces romans de fin'amore qu'il lui plaisait de lire lorsqu'elle en avait le temps. Avec amertume, elle songea qu'elle s'était par trop compromise par son attitude, et qu'elle ne pourrait pas s'imposer au marquis qui avait déjà été assez bon pour lui sauver la vie.

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Faena Cumbre
Ficção HistóricaUn mariage arrangé entre deux êtres que tout sépare. Ils ont dix ans d'écart, elle le hait et lui doit sans cesse parer à ses fugues et ses pièges. Découvrez une histoire d'amour tumultueuse, qui donnera naissance au plus terrible des pirates des An...