14. Première fois

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Contrairement au cauchemar que don Alejandro de Serafin avait cru vivre en avouant à Elena son secret le plus grave et à la fois le plus précieux, la jeune femme ne fit que poser beaucoup de questions sur les conséquences que ce secret pouvaient avoir sur lui, et sur leur vie commune. Elle fit preuve d'une sagesse et d'une compréhension rares pour une personne de son âge. Elle impressionna même le père Rasquera lorsqu'elle demanda comment elle pouvait agir pour alléger ce secret. Ni rancœur ni déception n'habitaient Elena, uniquement de l'inquiétude, et la volonté de tout faire pour aider. Elle aussi savait ce que signifiait faire une erreur.

Camilo Rasquera officia donc avec joie lors de la cérémonie de mariage du couple. Maryam et Rodrigue y assistaient en tant que témoins, et le prêtre avait fait venir l'un des orphelins à qui il apprenait à lire et écrire pour lui servir d'enfant de chœur.

De retour dans l'hôtel particulier de Madrid, enfin mariés selon leur cœur, Elena et Alejandro donnèrent congé à Maryam, et le marquis conduisit son épouse jusque devant sa chambre. Bien entendu, don Serafin avait, en arrivant, cédé à la jeune Barbastre la plus grande chambre de la demeure sans qu'elle même s'en souciât.

Elena, devant sa porte, adressa un sourire timide à son mari, qu'elle voyait déjà partir :

- Et bien ? Je ne sais que peu de choses sur la nuit de noces, mais j'imagine que vous devriez rester avec moi dans cette chambre ?

- Le voulez-vous ? demanda le marquis, le cœur battant. Le voulez-vous vraiment ?

- Oui, répondit simplement Elena, sentant une chaleur agréable monter de son ventre et parcourir tout son corps.

Ils entrèrent tous deux et, dès que don Alejandro eût refermé la porte, la jeune femme osa lâcher :

- Don Alejandro, j'ignore tout de la nuit de noces. Je... Je sais seulement que cela... que cela... fait mal.

Le marquis resta longtemps interdit, car il était persuadé depuis le commencement que Elena savait ce que deux époux étaient tenus de faire durant cette nuit de noces. Il resta longtemps la bouche ouverte, avant de décider de se défaire de son pourpoint blanc, devant la cheminée crépitante. Avec grande gêne, il sentait ses joues chauffer quelque peu, ce qui ne lui était plus arrivé depuis l'adolescence.

- Ne voulez-vous pas me dire ? Qu'est-ce qui fait si mal ? Roque assurait que...

- Elena, je vous en prie, c'est une chose délicate... Laissez-moi le temps de trouver une façon de présenter les choses.

Don Alejandro, ô combien embarrassé, fit s'asseoir la jeune femme sur l'épais tapis persan, devant la cheminée, et, s'asseyant avec elle, lui expliqua comment un homme et une femme s'unissaient charnellement. Il ajouta que la douleur, selon lui, n'était pas présente systématiquement. Qu'elle l'était lorsque les deux époux allaient trop vite, que l'amant se trouvait trop empressé ou tout simplement lorsque la femme ne voulait pas véritablement de cet acte. Il était drôle de voir un capitaine-général du roi hésiter, revenir sur un mot, s'humecter les lèvres, bredouiller et rougir comme un courtisan...

Cependant, quand il eût fini, Elena ouvrait de tels yeux qu'il ne put s'empêcher de rire.

- Mais ne plaisantez pas, monsieur mon époux ! Je n'ai jamais eu personne pour m'expliquer tout cela !

- Elena, petite brindille, sourit don Alejandro en baisant les mains jointes de sa femme. Vous êtes plus aimable jour après jour. Mais puisque nous sommes aux yeux du monde mariés depuis des mois et des mois, nul besoin de presser les choses. Nous ferons cela lorsque vous le...

- Montrez-moi.

Don Serafin dut se forcer à ne pas poser une main sur sa propre poitrine. Oui, il avait envie de ce corps depuis longtemps. Il avait envie d'aimer le corps nu et chaud d'Elena depuis des semaines entières. Il voulait partager les plus brûlantes étreintes avec elle, mais jamais il n'avait cru qu'elle pût le désirer elle-même aussi vite. Il avait en fait été convaincu de l'effrayer en lui expliquant la vérité sur la fameuse nuit de noces...

Faena CumbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant