PREMIÈRE PARTIE : OUVRIR L'ESPACE
CHAPITRE 1. Question d'espace
On raconte que Galilée fit tomber un boulet de canon et une sphère de bois du haut de la Tour de Pise, et que les deux objets touchèrent le sol en même temps. Comment interpréter ce phénomène? Une « force » mystérieuse semble « forcer » les objets à traverser l'espace qui les sépare du sol. On l'appelle la force de gravitation. Mais alors pourquoi l'objet sur lequel la « force » de gravitation s'applique le plus fortement, le boulet plus lourd, n'accélère-t-il pas plus rapidement que la sphère de bois, plus légère? La « force » de gravitation semble être contrebalancée par une autre « force » non moins mystérieuse. On l'appelle la force d'inertie.
En 1971, l'expérience de Galilée fut reproduite à la surface de la lune par David Scott lors de la mission Apollo 15. Mais, au lieu d'un boulet de canon et d'une sphère de bois, c'est un marteau et une plume qui touchèrent au même instant le sol lunaire dépourvu d'air.
Il est étrange que la masse pesante d'un objet soumis à la « force » de gravitation soit toujours très exactement équivalente à la masse inerte résistant à cette « force ». Cette coïncidence inattendue ne nous cacherait-elle pas quelque chose de plus profond?
En 1907, Albert Einstein eut, selon ses propres mots : « l'idée la plus heureuse de [sa] vie : [...] Pour un observateur tombant en chute libre [...], il n'existe aucun champ gravitationnel ». Autrement dit, le boulet de canon et la sphère de bois (ou le marteau et la plume) n'ont pas traversé l'espace en même temps; c'est l'espace lui-même qui s'est modifié pendant ce temps (espace-temps). Par conséquent, ce ne sont pas les objets qui accélèrent dans l'espace, mais l'espace qui accélère ou, comme on dit aussi, se courbe dans une quatrième dimension. Ainsi la théorie de la relativité générale d'Einstein donna-t-elle une toute nouvelle dimension au mot : espace. Celui-ci n'avait plus 3, mais 4 dimensions.
Mais l'élaboration de la théorie de la relativité générale était-elle à peine achevée (1915) qu'Einstein se fixait déjà un autre but : unifier sa nouvelle théorie de la gravitation avec la théorie de l'électromagnétisme de Maxwell. Or, voilà que, en 1919, le physicien Theodor Kaluza envoie une lettre à Albert Einstein pour lui faire part de son étonnante découverte : il avait retrouvé les équations de l'électromagnétisme de Maxwell en ajoutant une cinquième dimension aux équations de la relativité générale.
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L'espace dans lequel nous croyons nous mouvoir possède trois dimensions (ou degrés de liberté) : avant / arrière, gauche / droite, haut / bas. Ce n'est pas nécessairement l'espace « dans » lequel l'univers lui-même se meut (à vrai dire, c'est l'espace lui-même qui est en mouvement).
Quant au temps, nous avons pris l'habitude, depuis Einstein, de le penser comme la quatrième dimension. Qui n'a jamais entendu parler d' « espace-temps »? L'idée que nous vivons dans un espace quadri-dimensionnel (x, y, z, pour l'espace, et t, pour le temps) nous est devenue familière. Mais qu'en est-il de la cinquième dimension de Kaluza? Si cette cinquième dimension existe, où se trouve-t-elle? Et pourquoi est-elle jusqu'ici demeurée cachée?
La réponse à ces questions pourrait bien être celle-ci : nous vivons depuis toujours dans un espace à plus de trois dimensions (hyperespace), mais nous ne pouvons pas l'expérimenter comme tel parce que les « particules » qui composent chacun de nos corps ne peuvent pas quitter leur espace tri-dimensionnel respectif.
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Lorsque fut publié, en 1543, le fameux livre Nicolas Copernic, Des révolutions des sphères célestes, qui plaça le soleil au centre du monde, on fit aussitôt l'objection suivante : si la terre se meut, pourquoi ne ressentons-nous pas son mouvement? Notre planète tourne autour du soleil à la vitesse de 107 640 km / h et effectue dans le même temps une rotation complète sur elle-même en 23 heures, 56 minutes et 4 secondes; mais puisque tout ce qui se trouve sur terre se déplace à cette même vitesse, tout ― ou presque tout ― se passe donc pour nous comme si la terre elle-même était immobile. « Et pourtant, elle se meut! », s'exclama Galilée.
Or l'espace aussi se meut. Si nous pouvions nous libérer d'une manière ou d'une autre de nos contraintes tri-dimensionnelles, nous verrions que nous vivons en réalité au sein d'une multitude d'univers parallèle(s) en mouvement : le multivers.
Sans doute ne serons-nous jamais capables de voyager dans de tels espaces multidimensionnels, mais nous serons sans doute bientôt en mesure de construire des ordinateurs quantiques. En 2001, une équipe du Centre de Recherche IBM d'Almaden à San Jose, en Californie, est parvenue à produire un premier calcul quantique. « This proved that quantum computing works, dit John Gribben, [...] and makes it very difficult to doubt the existence of the Multiverse (1). »
La convergence de l'informatique et de la génétique en une unique révolution technologique et commerciale va modifier les fondements mêmes de notre vie. En fait, puisque cette révolution rend déjà possibles les organismes génétiquement modifiés (OGM), on peut déjà dire que nous avons déjà commencé à faire corps avec elle. Il se pourrait bien qu'elle nous expulse bientôt hors de notre propre corps ― le seul que nous ayons. Aussi, à moins de vouloir nous métamorphoser en cyb-org (organisme cybernétique), devons-nous nous décider enfin à faire nôtre cet espace multidimensionnel où nous ― toi, moi ― vivons vraiment.
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(1) Gribben, John, In Search of the Multiverse, London, Penguin Books, 2009, pp. 73-74.
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VERS L'AUTRE MONDE
SpiritüelLe monde s'est assombri. Pollution, réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles et manipulations génétiques menacent l'avenir de l'être humain. Or, l'être humain, c'est nous, donc toi et moi. Pouvons-nous envisager un autre monde...