CHAPITRE 21. 2030 après J.-C.

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DEUXIÈME PARTIE : S'ENFERMER DANS SA PROPRE LANGUE

CHAPITRE 21. 2030 après J.-C.


Avons-nous encore un avenir? Ou entrevoyons-nous déjà : « Pourquoi le futur n'a pas besoin de nous» (1)? Le titre du célèbre article de Bill Joy publié en avril 2000 dans la revue Wired sous-titrait : les plus puissantes technologies de 21e siècle ― robotique, génie génétique, et nanotechnologie ― menacent de faire de nous une espèce en danger. En effet, écrit Joy, ces technologies nous «menacent différemment que les technologies qui les ont précédées. Plus précisément, les robots, les organismes génétiquement modifiés et les nano-robots partagent un dangereux facteur de croissance : ils peuvent se reproduire. Une bombe n'explose qu'une fois ― mais un robot peut devenir plusieurs; et rapidement devenir hors-contrôle».

Mais ces nouvelles technologies ont aussi une autre chose en commun : le langage qu'elles utilisent. Le numérique est la nouvelle lingua franca du XXIe siècle. « C'est par le numérique que le réel se transforme et nous échappe. C'est par le numérique que ce monde s'éloigne chaque jour un peu plus de la réalité biologique, de la dimension organique de la planète. Le numérique, dit Ollivier Dyens, est l'épidémie de la civilisation. »


Nous ne parlons plus simplement des langues humaines, nous ne manipulons plus simplement des symboles et représentations humaines, nous manipulons aujourd'hui d'innombrables couches symboliques et représentationnelles qui procèdent du langage machine. Qu'est-ce à dire? Que si le langage humain est présence de l'absence, les langages humains/informatiques sont l'absence de la présence puisqu'il y a régression infinie des symboles sans véritable lien au référent. [...] Le mot que je tape à l'écran de mon ordinateur est traduit par le langage de programmation de mon logiciel de traitement de texte, la structure de ce logiciel est traduite par le système d'opérations, lui-même dépendant d'un langage de programmation dont toutes les fonctions et commandes n'ont qu'un seul effet : produire du langage binaire, c'est-à-dire produire une série de pulsions électroniques. Bref, le référent du mot que j'écris est une série de pulsions électroniques. (Ollivier Dyens)


Le débit des pulsions électroniques ne cesse d'augmenter. La densité de transistors sur un circuit intégré double ― c'est la loi de Moore ― tous les dix-huis mois. « À partir de 2030, dit Bill Joy, nous serons à même de construire, en quantité, des machines un million de fois plus puissantes que les ordinateurs personnels d'aujourd'hui. » 2030 sera-elle notre date butoir ― la fin de ce qui reste ― le temps qui reste ― de nous?


« [La loi de Moore] prédit d'ailleurs le renversement de notre monde dans quelques années à peine, soit en 2030. » (Ollivier Dyens)

« [Les ordinateurs étaient à l'origine des machines très grossières ― bientôt, nous n'hésiterons pas à les mettre dans notre corps.] Aux alentours de 2030, selon la plupart des futurologues, l'histoire aura vérifié et même prolongé cette trajectoire. » (Jean-Michel Besnier)

« Avant 2030, chacun, sauf les plus pauvres, sera connecté en tous lieux à tous les réseaux d'information par des infrastructures à haut débit, mobiles (HSDPA, WiBro, WiFi, WiMax) et fixes (fibre optique). [...] Chacun étant ainsi connecté dans l'espace et dans le temps, l'ubiquité nomade s'inversera, vers 2030, en une hypersurveillance qui sera, on le verra, la caractéristique de la forme suivante de l'Ordre marchand. » (Jacques Attali)

« Des experts ont calculé que si la tendance des fusions-acquisitons se maintient, il ne restera plus dans le monde, en 2030, qu'un seul conglomérat contrôlé par un mégaholding extrêmement efficace parce que débarrassé des aléas de la concurrence. » (Jacques B. Gélinas)

« Nous connaissons une situation totalement inédite dans laquelle il semble qu'une très grande partie de nos défis d'ordres économiques, environnementaux, scientifiques et sociaux se donnent précisément rendez-vous en 2030. [...] Nous serons arrivés à l'horizon 2030 à un double point de rupture. La sixième extinction des espèces coïncidera au moment même où l'Homme sera en mesure de muter. » (Geneviève Ferone)

« [...] the climate crisis could be upon us [©2002] within thirty years ― that is, around 2030 ― [...]. » (Robert Hunter)

« The poles have been encased in ice for million of years, but now our scientists say that by 2030, "we may have no ice at all in the Artic Ocean in summer". » (Jeremy Rifkin)

(Voir aussi le rapport de l'OCDE, La Bioéconomie à l'horizon 2030. Quel programme d'action?, 2009)

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(1) Voir Bill Joy, « Why the Future Doesn't Need Us » in Wired, avril 2000.


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