Chap I: Interdit

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Je voyais à travers les murs transparents en « Verranium », des goutes d'eau tomber au ralenti, sur le sol du dehors La tristesse du ciel en accompagnait une autre. 

Je pausai lourdement la tête contre ce mur si performant, nous protégeant du vent glacial et de son compère, la pluie. La nuit était aussi noire que mes cheveux. 

Des nuages  monstrueusement épais barraient la route à toutes lumières. Pourtant la lune était là: avec sa pâleur habituelle et son visage déformé par les cratères. Elle avait éclairė toute ma chambre en un court instant. C'ėtait avant que toutes ces ondes négatives n'ėlectrisent l'air.

Je regardais la pointe de mes chaussettes en laine artificielle, écoutant chaque goutte qui s'écrasait sur le sol à la même vitesse que les battements sauvages de mon cœur. J'avais l'impression d'être le centre du monde, que celui-ci ne dépendait que de moi. Que devais-je faire ? 

Je me retournais et je pus retenir mes pas me guider vers ma mère. Elle n'avait pas le droit de pleurer. Elle ne pouvait pas se le permettre. Pourtant, moi-même en avais l'envie. Je me sentais vide à être ainsi, sans sentiments. Comment vivre sans?

 Il fallait que je la dénonce. C'était la loi. Nous n'avions pas le choix. Non? Vraiment? Je l'aimais. Je devais seulement la consoler et ne rien faire d'autre. Pourtant, depuis que j'étais dans notre salon, elle ne m'avait pas accordé un regard... Ses bras mouillés par ce liquide salé, étaient croisés sur la table, sa tête enfuis à l'intérieur.

 Je me rapprochais à petits pas d'elle. J'étais humaine. Je la consolerais. 

Mais comment empêcher de faire revenir cette image de ma petite enfance? Empêcher l'image d'une petite fille trébucher sur un minuscule caillou et s'étaler sur le sol rugueux? La douleur avait traversé tout son petit être dans une microseconde. Et elle avait gémie, tenant son genou égratigné. Un adulte passant dans la rue s'était approché d'elle d'un pas décidé à la corrigé. Elle n'avait pas relevé la tête mais l'apercevait entre ces cils. Au mieux de se calmer, elle continua à pleurnicher de plus belle. 

Cette adulte, que je ne reverrais plus jamais à cause du sommeil éternel qui l'avait emmené, lui avait gentiment demandé l'endroit où elle sentait le plus profondément la douleur. Dans des paroles incompréhensibles, elle lui avait indiqué la blessure et il avait sorti un canif de sa veste.

 Il la fixait sans détacher son regard de ses yeux et elle ne pouvait pas se tirer non plus de ce regard. Un cri lui sortit de la bouche, un cri presque animal : il avait enfoncé une lame aussi fine qu'un cheveu à l'endroit même de la blessure. 

« A partir de ce moment, je t'interdis de pleurer. Tout le monde te surveillera du coin de l'œil. Alors tu ne t'imagineras pas ce qu'il t'attendra. » Son ton était très sérieux. 

Il n'y avait pas d'humour la dedans. Elle savait qu'il ne rigolait pas et que c'était valable pour tout le monde et non qu'à elle seulement, malgré sa petite tête. Sa menace lui faisait une horrible boule dans le ventre quand elle y repensait.

Cette petite fille, elle était bien moi.

Et là, c'était terrible, terrifiant ! J'avais peur pour ma mère. Elle ne pouvait pas faire ça ! 

Je lui avais malgré tout enroulé un bras autour du cou. Cela n'avait l'air de ne lui faire aucun effet, à mon grand désarroi et regret. Aucune parole ne sut sortir de ma bouche, mon palais étant aussi sec qu'une rivière asséchée. 

Elle s'était soudainement levée, tel un ressort, en faisant tomber sa chaise dans un grand bruit. Je m'étais reculée, suivant l'instinct qu'on a tous. Elle m'avait saisi les bras et je sentais tous ses tremblements s'imprégner en moi. Elle était d'une nervosité peu commune d'elle.  Elle serrait mes bras à m'en faire mal. 

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