Silvermoore

chapitre 5

  Elle s'est habituée à ce que je la tienne fermement et elle a bien compris que c'était moi ou rien. Je pose le premier pied dans notre nouvel abri, puis le deuxième et je glisse. Le trou est une pente qui nous emmène loin sous la terre. Nous crions toutes les deux de surprise quand nous glissons. Enfin, notre toboggan s'arrête. On arrive dans une grotte sombre éclairée seulement par le boyau d'où nous venons.      

-Salope! crie Willow.

-Enchantée de t'avoir sauvé la vie, je dis en faisant une révérence.     

-Astaldo va mourir par ta faute et je ne pourrai jamais le revoir!

-Premièrement, ce ne sera pas de ma faute mais celle des ennemis et deuxièmement on ne tombe pas amoureuse de quelqu'un en deux jours!

-Trois...

Nos voix résonnait tandis que nous nous disputions. 

-Bon, pour l'instant, on est à l'abri! je conclue.

-Ouais! Super! On va rester ici jusqu'à la fin de notre vie!

-Pourquoi tu dis ça?

-Euh, on n'est pas descendues par des escaliers, à ce que je sache?

-Non, pourquoi?

-Parce qu'à mon avis, il n'y a que les araignées qui peuvent marcher sur des parois à la verticale et qu'y a pas l'air d'avoir grand monde qui passe par là!

-Eh merde!

Sa réflexion n'était pas bête étant donné que la seule issue apparente était la même que pour entrer. La prochaine fois, je réfléchirai à deux fois avant de prendre une décision importante. 

-On n'a qu'à essayer de trouver une issue...je propose.

-C'est ce qu'on a de mieux à faire, murmure Willow avant de se mettre à scruter les alentours et palper les parois. 

Je fais de même et le silence règne. Seules nos mains qui grattent résonnent dans la pièce sombre.

- Astaldo voulait dire "le Vaillant", murmure Willow après un long temps de silence. 

-Il aura bien porté son nom, je réponds sur le même ton.

-Il me manque déjà...

-Tu l'oublieras.

-Oui, mais dans combien de temps?

-C'est mathématique, la moitié du temps que vous avez passé ensemble.

-Comment peux-tu te fier à une formule aussi basique pour quelque chose d'aussi complexe qu'un chagrin d'amour? 

-À mon avis, les tragédies ça fait partie de la vie, on va pas baisser les bras parce qu'on est malheureux. Je me suis rendu compte d'une chose, quand on vous brise le cœur, il faut se battre de toutes ses forces et s'accrocher à la vie, parce qu'elle continue quoiqu'il arrive et cette douleur qui vous déchire fait partie de la vie aussi tout comme la peur et le mal-être. Toutes ces sensations qui sont là pour nous rappeler que les choses s'arrangeront, ça vaut le coup de continuer à se battre.

-Oui, mais ça fait mal...

-Je sais, mais tu t'y habitueras car l'amour fait passer le temps et le temps fait passer l'amour.

-Pourquoi tu me dis tout ça? Tu pourrais très bien me laisser dans mon coin, après toutes les insultes que je t'ai déjà balancées...

-C'est comme ça, j'essaie de te réconforter...

-Eh bien, ça ne marche pas!

-Pour être direct...

Et on éclate de rire toutes les deux ensemble. La pauvre, franchement, j'espère ne jamais vivre quelque chose du genre. 

Ça fait plusieurs heures que nous sommes coincées ici et que nous cherchons une sortie en grattant la terre de nos doigts. Nos paupières veulent recouvrir nos yeux, mais nous luttons pour rester éveiller. 

-On fait une pause? demande soudain Willow, sa voix pleine de fatigue.

-Je ne suis pas contre m'allonger quelques instants... je lui réponds en m'étirant.

- On va dormir un peu... Bonne nuit! Enfin, je ne sais même pas si c'est la nuit! dit Willow.

-On s'en fout, dort!

En on rigole encore un instant avant de sombrer dans le monde infini du sommeil. 

~~~~

Il fait froid. De la neige tombe du ciel. Je suis dans la même robe déchirée que d'habitude. De la neige s'accumule autour et sur moi. Elle enveloppe mes bras nus et me fait frissonner. Mais c'est tellement beau! Il n'y a aucun bruit. Je me détends dans cette étendue gelée. La neige apaise tout, on dirait qu'elle porte en elle le silence ou, plutôt, que dans l'espace qui sépare deux flocons, entre les flocons, il y a le silence. Oui, le silence. 

~~~~

Une source de lumière me chatouille le visage. Je me retourne et entraîne avec moi un bruit de chaîne. Pourquoi ce bruit métallique surgit-il maintenant? La terre ne fait pas un bruit comme ça! Maintenant que j'y pense, je suis allongée sur quelque chose de beaucoup plus froid et dur que de la terre! J'entrouvre mes yeux et aperçois un mur de pierre face à moi. Je tourne la tête et une porte munie de barreaux se présente à ma vue. Une boule se forme dans mon ventre, quelque chose me dit que je ne vais pas aimer ce que je vais voir quand je vais me lever... Je bouge une main qui tire immédiatement la deuxième. Je regarde; je suis enchaînée. Mes mains sont accrochées ensemble par des anneaux métalliques et une chaîne relie mon pied au mur. Je m'affole. Qu'est-ce que je fais là? Où est Willow? Qui nous a amenées ici? Je me mets sur mes pieds avec l'aide du mur et comprends enfin l'ampleur de ma situation. Je suis enfermée, seule dans une cellule, un bloc de paille est poussé dans un coin et des barreaux devant moi laissent apparaître un mur de terre muni d'une torche enflammée. Je suis où? Et pourquoi de la paille? Ils croient que je suis herbivore? J'ai peur... Où est Willow? Elle me manque... Je suis seule maintenant. Je commence à sangloter et au milieu de mes larmes, je crie. Je crie le prénom de mon amie. Et je jure. 

-Ce n'est pas bien de jurer, c'est une preuve de manque de vocabulaire... susurre la voix de Willow.

-Et en plus, j'hallucine! Je ne pensais pas qu'elle me manquerait au point que j'entende sa voix en pensée! dis-je encore en larmes.

-Eh oh! C'est vraiment moi! crie Willow.

-Willow?

-Non, le roi des elfes! Bien sûre que c'est moi!

-Tu es où?

-Dans la cellule à côté de toi, à gauche. 

-Et tu m'as laissé pleurer pour toi?

-Oui, je trouvais ça drôle!

-Tu es un monstre! dis-je en rigolant et pleurant en même temps.

-Euh...Tu pleures ou tu rigoles?

-Les deux...

Là, je rigole pour de bon. J'essuie mes larmes et m'assois sur le bloc de paille.