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Nous nous retournons tous trois pour nous retrouver nez à nez avec le chef du réseau ouvrier. 

-Suivez-moi! poursuit-il.

Nous obéissons et il nous mène jusque dans son foyer. Il nous offre de quoi nous restaurer.

-Que faites vous loin de votre réseau? commence-t-il.

-Comment savez-vous à quel réseau nous appartenons? je lui réponds.

-Vous êtes recherchés, réplique-t-il.

-Depuis combien de temps sommes-nous recherchés? je demande.

-Deux jours, ce qui veut dire que votre bannissement est terminé, nous annonce-t-il. Que vous est-il arrivé durant ce délai?

-Vous allez jamais nous croire! lance Willow en rigolant. En fait, nous sommes des bannis et il y a eu une attaque au domaine des bannis. Nous nous sommes enfuis et cachés dans une grotte. Les gobelins nous ont capturés et enfermés. Alex nous a libérées et menées à la sortie. Pour finir, nous nous sommes réfugiés dans votre partie du village. Nous appartenons au réseau Sentinel Bêta 3, explique-t-elle.

-Et moi, Delta 5, j'ajoute.

-Moi je suis un emaileari, précise Alex. Avant, j'étais dans la section gamma 8. Et dans votre réseau, le réseau ouvrier.

-Tu vas recevoir une sanction pour absence à ta vocation, annonce le chef de réseau.

-Mais, j'ai retrouvé et ramené les recherchées! proteste Alex.

-Ce n'est pas faux. C'est le roi qui décidera. Mais toi, qui es-tu? Parles-moi de toi, demande-t-il en me désignant.

-Euh...Moi?

-Oui, toi! me souffle Alex, exaspéré.

-Ben, Nayru. Nayru Hinata. Mady, enfin Madeleine, c'est ma mère et je n'ai pas de père. Je suis un peu cassante parfois et je n'aime pas qu'on m'impose un mode de vie. Plus tard je vais voyager, découvrir la forêt, rencontrer des humains et retrouver mon père. Je ne sais pas quelle vocation je vais choisir, mais je ne veut pas faire peritum car il faut défendre des gens qui, parfois, n'en valent pas la peine. Je ne suis pas non plus attirée par les travaux des champs, donc je ne ferais pas emaileari. Il n'y a pas assez de liberté dans ce métier. Il faut exécuter des tâches complexes et toujours donner plus que l'on reçoit. Il ne faut pas avoir un ego démesurément grand, ni une fierté trop présente. Moi, j'ai une grande estime de moi-même, je suis égoïste et prétentieuse. Je ne pourrai pas travailler dans des métiers qui exigent une tenue parfaite et une lignée de bonnes manières. Je veux être libre et n'obéir qu'à moi. Je sais, je suis exigeante et égocentrique, c'est vrai, je ne pense qu'à moi. Mais je suis comme ça et vous m'acceptez comme je suis ou vous ne m'acceptez pas du tout. Si vous m'acceptez tels que je suis, il faut que vous sachiez que tout ne va pas être rose, je vous mènerai la vie dure et me comporterai en princesse. Je n'ai aucune pitié. Au moins, vous êtes prévenus; soit vous vous en foutez de moi et vous menez une vie simple, soit vous prenez le risque de me supporter et votre vie sera éprouvante. Ne me demandez pas de changer, je suis comme ça; égoïste et sans cœur. 

-Ce n'est pas vrai, intervient Willow. Tu as un cœur et de la pitié, sinon, tu ne serais pas là. Si tu ne m'avais pas sauvé, tu serais tranquillement chez toi. Tu n'aurais pas rencontré Alex. Tu ne m'aurais pas rencontré. Je serai morte sur ce ponton, achevée par des orques. Tu t'en serais voulu. Preuve que tu as un cœur. Et moi, je prends le risque. Je veux rester à tes côtés, que tu me soutiennes. J'ai besoin de toi. Tu te vois comme un monstre prétentieux, mais pour l'instant, tu ne m'a jamais insulté ni raconté d'énormes romans sur ta beauté incomparable. Tu n'as pas fait tous ça et c'est pour ça que je tiens à toi.

-Ok, on assiste à une révélation d'amour ou c'est quoi le truc, j'ai pas tout suivi..., casse Alex en rigolant.

-Tu es exigeante. Ce ne sera pas toujours facile de te supporter. Je peux te le dire alors que je ne te connais que depuis quelques minutes. Tu as un caractère bien à toi, mais ici, au village, il faut que tu te plies aux règles. Il faut que tu obéisses. Au fait, je ne me suis pas présenté. Je suis Elwë, le chef du réseau ouvrier. Le choix de la vocation a été retardé à cause des attaques récentes. Il aura lieu le premier jour de l'été. Maintenant que nous avons fait connaissance, je me vois dans l'obligation de vous ramener chez vous. Je ne vous accompagnerai pas. Je vous gratifie de deux soldats et vous fais mes adieux, dit-il en faisant une révérence.

-Adieu, lâche Willow.

Nous sortons. Il fait nuit. Les lattes de bois du ponton craquent sous nos pas. De petites lanternes éclairent le village d'une faible lumière. Les créatures de la nuit se sont réveillées et ne se cacheront qu'à l'apparition du soleil. Deux sentinelles vêtues d'une légère armure, d'une lance et d'un bouclier nous encadrent. Nous prenons le chemin de bois qui nous ramène chez nous. Personne n'ose braver le silence qui demeure. Les pas rythmés des sentinelles sont les seuls bruits perceptibles ainsi que le chant des criquets. Quelques autres bruits étrangers surviennent de temps en temps, mais vaut mieux ne pas y penser... Personne ne sait ce qui est tapis dans l'ombre. Nous nous éloignons du village et la lumière s'éloigne de plus en plus. La nuit, comme c'est reposant. Ce calme. Cette obscurité. Cette bonne odeur de pin. Tout semble dormir. Une légère brise berce les derniers animaux encore éveillés. Cette atmosphère est si délicieuse que personne ne veut l'arrêter. On voudrait la prolonger encore un peu plus longtemps. Cela change du rythme effréné de la journée. J'ai l'impression que je ne me repose plus. Et ce silence me donne envie de m'allonger sur le ponton et de dormir. Courage, nous sommes à mi-chemin. La cadence des soldats n'a pas ralenti et nous traînons, épuisés. Nos pas traînants font un son discordant, inappropriés à la situation. Des lumières venant de notre village, enfin! 

Je quitte mes amis et nos protecteurs et me dirige vers mon chez moi. J'entre et m'allonge directement. Je n'ai même pas le temps de penser, je m'endors tout de suite.  









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