Silvermoore

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Le complexe médical était composé de deux parties: Les urgences et le reste. Les urgences se situaient dans des bâtiments vers le centre du village. Des bâtiments en bois. C'était là que je m'étais retrouvée avant d'aller au domaine des bannis. Le reste des enseignements médicaux se tient en bord de ville, enfoncé sous la forêt. Au sol. Ce sont de grosses bâtisses en béton qui ont été construites par les hommes. Avant que les elfes ne reprennent le territoire, évidemment. Les bâtiments de bétons rectangulaire s'étendaient devant nous. Le reflet de la lune souligne leur contour. Quelques spot sont accrochés à flanc de bâtisse pour éclairer les cheminements de rue entre les complexes. De hauts murs entourent l'agglomération d'hangars. Il y a également des barbelés qui couronnent les hautes remparts. C'était le combo mortel pour une infiltration terrienne. Nous observons tout ça depuis la plateforme. Nous sommes assez loin. Il nous faut descendre à terre, gravir une colline qui se dresse juste avant le complexe et s'introduire dans l'hôpital. Nous descendons donc l'échelle dans l'obscurité. Plus précisément, nous nous laissions glisser le long de l'échelle jusqu'à arriver sur le sol. Nos main fraîchement égratignées commençait déjà à guérir; encore l'un des avantages des elfes. La fraîcheur de la nuit ne faisait que s'accroître. Willow m'entraîne à sa suite. Nous courons dans l'herbe humides, évitant arbustes et buissons. La colline se dresse devant nous, fière et nous cache la vue du complexe médical. Nous gravissons la pente à une allure plus modérée, il ne faut pas s'épuiser maintenant. Il nous faut économiser nos forces, se préparer à détaler si on se fait prendre et il faudra courir vite, très vite. Je ne sais pas quelles peines sont réservées à ce genre de bêtises. Ce ne doit sûrement pas être un simple avertissement. 

Le vent nous envoie des rafales à intervalle régulier. Sur le haut de la colline, le vent souffle plus fort, l'air est plus mordant et le fait d'être en printemps ne change rien. Les détails des édifices médicaux se dessinent de plus en plus au fur et à mesure qu'on se rapproche. Les toits, plats et gris, supportent parfois une antenne de communication ou de vieilles bouches d'aérations. Une dizaine de mètres seulement nous séparent du bâtiment. Le mur paraît assez bas d'ici, mais la chute, douloureuse. 

-On entre comment, t'as un plan? je demande en fixant toujours le sol une quinzaine de mètres plus bas, un début de vertige naissant.

Elle sourit. Un sourire qui signifiait "tu m'as prise pour qui?" ou encore "si tu penses que je n'ai pas de plan, tu me connais mal!"

-C'est le moment de tester si l'agilité des elfes et tout ce qui va avec n'est pas une plaisanterie, annonça-t-elle resplendissante. 

Nous étions toutes les deux couchées dans l'herbe fraîche, le regard pointé vers notre destination. Tapie dans l'ombre rassurante de la colline, nous n'osons pas parler à voix haute. 

-Ça n'annonce rien de bon.. Et cela consiste en quoi précisément? je demande toujours aussi sceptique.

Elle se relève, et je fais de même. Mon amie me regarde, prend ma main, étend ses bras et ferme les yeux. Nous sommes au bord de la colline qui se termine abruptement comme si les hommes avaient coupés net la montagne pour y installer les édifices de béton. Une chute aurait été facilement mortelle. Mon regard va du vide à Willow et de Willow au vide sans que je ne réagisse. Qu'allait-elle faire!? 

Elle lâcha ma main, sembla prendre de l'élan et ouvris les yeux avant de me lancer:

-Maintenant tu sautes!!

Et elle s'élança. Je la regarde tomber horrifiée. D'abord elle semble voler, les bras écartés, on aurait facilement pu la comparer à un oiseau. Puis son envol se change en chute. Son corps chute telle une pierre. Un caillou. Elle allait s'écraser sur le sol de béton. Je ferme les yeux. Je ne peux pas assister à ça. Pourquoi a-t-elle fait ça!? 

Un bruit sourd. Pas un craquement d'os, ni un bruit visqueux qui se serait apparenté à du sang. Non, rien de tout ça. Juste un bruit sourd. Je me risque à ouvrir un œil, me préparant au pire. Willow est debout sur le toit de béton, un sourire aussi grand qu'un croissant de lune sur son visage. J'en suis abasourdie.

-Co..comment as-tu fais ça? je demande encore sous le choc.

-C'est simple, j'ai sauté! s'exclama-t-elle toute joyeuse. Allez essaye, tu verras, c'est marrant!

Marrant!? C'est "marrant" de sauter dans le vide!? 

-Comment t'es tu réceptionnée? je la questionne incrédule.

-Plis les jambes pour anticiper l'impact! C'est tout simple! Je ne te cache pas qu'à l'arrivée un petit picotement se fait ressentir dans ton dos, mais tu verra, ça chatouille! 

Elle a l'air si enthousiaste.. Et moi je reste pétrifiée à l'idée de sauter dans le vide et, peut être, précipiter ma mort. Il faut que je vois ce faë. Il faut que je saute dans le vide. Je n'ai pas le choix.

À l'intérieur de moi, une petite voix me susurre "on a toujours le choix". Mais je ne l'écoute pas. Je voulais lui répondre "pas cette fois", mais mon courage est enfin rassemblé en moi et je tends mes bras. Je recule, prend mon élan et saute. 

Tout tourne. Les bâtiments, leurs lumières, Willow, la colline, la forêt toute entière semble vibrer autour de moi. Je ferme les yeux pour chasser cette sensation de tournis. Mes bras, toujours tendus, fendent l'air avec vivacité. Je vole. Plus pour longtemps. Je sens à quel point mon corps pèse dans l'air léger quand il commence à tomber comme une roche. C'est une trajectoire rectiligne qui m'écrasera au sol. J'entends presque déjà mes os se briser. Je plie les jambes et attends l'impact. Je vais m'écraser. Je vais me casser les os. J'ouvre les yeux. Je cris.

Le picotement naît dans mes talons. Il remonte ma jambe et dépasse mon bassin. Il se loge dans ma colonne vertébrale et la longe jusque dans ma nuque en faisant le détour dans mes bras jusqu'au bout de mes doigts. Le picotement s'échoue à la racine de mon crâne. 

J'ai réussi.

Je suis debout sur le toit du bâtiment.

Je ne suis pas blessée.