Prologue

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Il neigeait depuis l'aube.

J'ai posé ma main manucurée sur la baie vitrée et inspiré longuement.
Les rues plongées dans l'obscurité étaient encore animées malgré l'heure très avancée et le ciel était d'un noir d'encre.
Le reflet de la vitre me renvoya mon visage, mes yeux sombres perdus sous les anglaises brunes qui dégringolaient sur mes épaules dénudées, ma robe sombre et vaporeuse.

-Mademoiselle ? Vos invités vous attendent, murmura Pierre.

Le domestique avait l'air contrit de me déranger mais dans son regard se lisait l'affection qu'il me portait.

-Je m'accorde encore quelques instants. Merci Pierre.

Il inclina la tête et disparut dans les couloirs immaculés.

J'ai attrapé mon gilet de soie qui gisait sur une chaise et l'ait enfilé avant de fermer les yeux pour me concentrer sur la fraîcheur nocturne.
Ma mère m'attendait certainement en serrant les dents dans la salle de réception, tâchant de faire bonne impression pour excuser mon absence.

Elle devait certainement être en train d'insister sur les trois bons résultats que j'avais obtenus en quinze ans de scolarité et de vanter mon "talent indécent" de danseuse.
La réception d'hiver étaient l'une des plus prestigieuses de l'année et la phobie de ma chère maman.
Durant cet événement, nos voisins avides d'êtres vus auprès de la famille présidentielle étaient invités à partager un dîner tout en causant futilités, évitant soigneusement la politique.
Ou plus précisément, invités à faire l'éloge de mon père durant toute la soirée.

Des talons aiguilles claquèrent avec rythme sur le parquet de la terrasse.

-Wendy ! Rugit la première dame du pays.

Je me tournais vers ma mère en levant les yeux au ciel, c'était reparti pour un tour.
Cette dernière m'attrapa le bras, que je m'empressai de dégager.

-Je n'arrive pas à croire que tu m'infliges une telle honte !

Ses traits d'habitude si impeccables étaient tirés par la rage. Rien de tragique, je la connaissais assez pour savoir que sitôt retournée près des convives, son sourire éblouissant aura refait surface.

-Je suis navrée de vous déshonorer à ce point, maman. Mais je me vois obligée de vous confier que ce repas m'est insupportable.

-Et pourquoi donc ? Je sais que tu ne supportes pas que l'on cesse de parler de toi un instant, mais ce n'est pas une raison pour déserter la réception !

Sentant la colère me submerger, je fermai les yeux en priant le ciel pour que ma mère reparte vers ces idiots de voisins qui étaient sûrement en train de photographier chaque mur de la villa, étranglés par la fierté d'être les convives de Monsieur le Président.

-Tu ne t'en tireras pas si bien, petite insolente ! La punition sera sévère cette fois, promit maman en tournant les talons avec toute la grâce dont elle était capable.

Je m'appelle Wendy Prissera et ai la chance incommensurable d'être la fille aînée du président.

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