[ Chapitre 7 ]

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Joseph avait dix-neuf ans, seulement deux années de plus que moi, bien qu'il en paraissait au moins cinq. Ce garçon était le premier débutant à qui j'avais adressé la parole et je me réjouissais d'être tombée sur quelqu'un d'aussi sympathique.
Élias nous envoya commencer les duels immédiatement.

-Place tes épaules comme ça. Et tes jambes... voilà. Non, plus droites. Plus droites Joseph !

Le professeur ramena la jambe gauche de Joseph contre l'autre, afin de réduire l'angle de sa position.

-Tu n'auras pas assez d'équilibre si tu continues d'essayer de te tenir comme une danseuse classique, maugréa Élias.

Aussitôt, me revinrent immanquablement en tête mes propres cours de danse classique.
Tous les samedis, je me rendais avec Charlie au gymnase que notre père avait mis à notre disposition afin que nous devenions de vrais athlètes dont il puisse être fier.
J'avais droit à des cours privés de danse et d'athlétisme. Ajoutez à cela des cours à domicile et une chambre trop grande, et vous obtiendrez une gamine égocentrique et asociale.
Pour me défendre, Marin, mon professeur de danse, était un vrai énergumène.
Le brave homme me voue une haine sans limites. Il est persuadé que son talent incommensurable est gâché auprès de l'empotée que je suis, et qu'après avoir enseigné aux plus grandes étoiles, il ne méritait certainement pas de s'occuper de catastrophes dans mon genre.
Âgé d'une trentaine d'années, la peau lisse comme celle d'un chérubin et les jambes aussi fines que mes poignets, ce gars-là était mon cauchemar tout comme j'étais le sien.
Depuis trois ans, il tente de me faire retenir d'innombrables figures et placements, et tout ce que je retiens, c'est qu'il soupire en moyenne 71 fois sur un cours d'une heure, j'ai compté.
Si il restait à notre service, c'était évidemment parce qu'il était grassement payé, et qu'il pouvait se vanter auprès de ses collègues d'être employé par Monsieur le Président.

Joseph approcha son poing enveloppé dans un gant de boxe jusqu'à moi et toucha doucement mon épaule.

-Ton dos est trop courbé, le répimanda Élias. Et rentre davantage ta tête.

Après une autre pluie d'ordres, notre professeur s'en alla vers un autre groupe sans même poser les yeux sur moi et sur ma position de jambes ridicule.
Le groupe vers lequel il se dirigea était composé d'un garçon à l'air endormi et d'une fille qui jeta vers Élias un regard charmeur.
Des cheveux noirs coupés à la garçonne, des lèvres charnues et roses à souhait, elle souriait en se penchant vers son binôme, montrant sa position de bras à Élias.
J'attendais impatiemment que ce dernier l'inonde de réprimandes comme il l'avait fait pour Joseph mais, il n'en fit rien.
Élias posa sa main sur le dos de la jeune femme et inclina cette dernière jusqu'à que la ligne de sa colonne vertébrale soit parfaitement droite.
Son prénom me revint en tête. Adèle. C'était elle qui avait été placée avec son binôme juste avant moi.
Élias hocha la tête et partit placer les jambes de l'adversaire d'Adèle. Non pas que j'y accorde de l'importance, bien sûr, mais je n'ai pas réussi à m'empêcher de froncer les sourcils.

Le cours se déroula vite, malgré tout. Joseph me présenta brièvement quelques amis. Gentils, accueillants, j'étais rassurée.

Je me pris à regretter que Mélodie ne soit pas avec moi. Elle aurait ri devant mes maladresses ou m'aurait complimenté pour ma repartie implacable devant Élias.
Je me demandai toutefois ce qu'elle penserait de lui. Elle le trouverait certainement beau, puisqu'elle avait des yeux, beau mais trop casse-pieds. Elle tenterait peut-être de se rapprocher de Joseph.
Après une heure de cours, j'étais un petit peu déçue de ne pas pouvoir frapper mon punching-ball à ma guise, mais je dus admettre que les techniques données par Élias m'avaient été utiles pour les duels, même si elles étaient données avec dédain.

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