Devant nous, au cœur de la forêt, était installé un camps avec de petites maisonnettes nichées en haut des arbres. Celles ci, tout de bois, étaient reliées par des ponts de singe. Au milieu du campement, un grand feu crépitait. Des dizaines de garçons dansaient autour, ils poussaient des cris tels des sauvages, exclus de toute civilisation. Ces garçons n'étaient pas des enfants mais plutôt des adolescents. Ils semblaient tous avoir plus ou moins mon âge et étaient vêtus de vêtements semblables à ceux de Peter. Tandis que j'observais en détail, le spectacle qui se jouait devant moi, Peter m'attrapa par le bras en ordonnant:
- Ne restes pas plantée là. Viens.
Nous nous trouvions maintenant au cœur de ce petit village. J'étais très mal à l'aise d'avoir autant de regards sur moi. Tous m'examinaient, à la fois méfiants et curieux. À en croire l'expression de leur visage, ils n'avaient pas vu d'Homme civilisé depuis des lustres.
- Les gars, voici Eden, me présenta Peter.
Il marqua une pause avant d'annoncer:
- Et ce soir, c'est elle qui va nous divertir.
Je me figeai à l'entente de cette annonce. Où étais-je tombée ?
- Eden, tu vas te battre contre..., réfléchit-il en balayant les Garçons Perdus du regard, contre moi.
Son sourire. Ce sourire malsain scotché à ses lèvres. Qu'est-ce que je donnerais pour le lui faire ravaler. Je le défiai du regard avant de l'affronter:
- Mais c'est quoi ton problème au juste ? T'es un vrai cinglé.
Il me fixa quelques secondes sans rien dire puis lâcha tout à coup :
- Tu es vraiment pitoyable. Regardes-toi. Pourquoi es-tu toujours seule à ton avis? Personne ne veut de toi Eden !
Une claque. Je venais de me prendre une énorme gifle. Du moins, c'était l'effet que ça me faisait. Et pourtant, je ne le connaissais pas. Cela ne devait pas m'atteindre autant. Je n'aurais pas dû être blessée. Cette boule dans ma gorge, mes yeux qui s'humidifiaient. Tout ça était la preuve que j'avais mal. Il avait touché la corde sensible. Il avait raison, et au fond, c'est ça qui faisait le plus mal.
Je séchai rageusement cette larme qui s'était échappée. Il était hors de question qu'il m'atteigne. Il fallait que j'arrête d'être aussi faible, aussi fragile, aussi pathétique. Presque immédiatement, cette douleur que j'avais ressentie disparu, laissant place à la colère. Comme un feu qui prenait, tout doucement.
Il en rajouta:
- Personne ne veut de toi Eden. Comment pourraient-ils vouloir d'une fille aussi pathétique que toi ? Tu n'es jamais contente. Tu te plains constamment de ce que tu as, alors que certains tueraient pour avoir la même chose. Tu ne mérites pas tout ça. Tu crois que le problème vient des autres, mais le seul problème ici, c'est toi Eden.
S'en était trop. Qui était-il pour me juger sans me connaître réellement ? Bon, il est vrai qu'il en connaissait un minimum à mon sujet puisqu'il avait su quoi dire pour me mettre hors de moi. Mais devant son sourire satisfait je perdis le contrôle et mon poing heurta sa mâchoire.
Je regrettais très vite mon geste et le scrutais, craignant une réaction de sa part. Après tout, il faisait bien une tête de plus que moi, et même si il était fin, il faisait largement le poids face à moi. D'autant plus que nous étions entourés de ses disciples, qui n'attendaient qu'un ordre pour ne faire qu'une bouchée de moi.
Mais Peter restait immobile et muet. Sûrement sous le choc. Ou peut-être qu'il se préparait à contre-attaquer.
Les secondes s'écoulaient au ralentis. Sans un bruit. Personne n'osait bouger. Peter finit par lever les yeux vers moi et me scruta, d'un regard noir. Puis, il frotta avec rage ses lèvres enflées et ensanglantées.
L'un des Garçons Perdus brisa enfin ce silence pesant:
- Allez Peter, tu ne vas quand même pas laisser cette gamine faire la loi ici.
Peter se tourna tout doucement vers l'intrus, l'attrapa par le col, et l'envoya valser contre un arbre.
- Je t'interdis de me dire ce que je dois faire, dit-il d'un calme qui contrastait avec la force de son geste.
Soudain, mes pieds se décollèrent du sol et mon dos heurta un tronc d'arbre. Sous le choc, j'essayais de me détacher de cette emprise invisible et surtout de comprendre ce qui se passait. Peter ne m'avait même pas touché. Il l'avait fait d'un simple geste. Serait-ce de la magie ? Après tout si nous étions bien au pays imaginaire, c'était possible. Plus rien ne m'étonnait maintenant. Je ne pus me pencher davantage sur la question que Peter s'approcha dangereusement de moi, tel un fauve s'apprêtant à bondir pour dévorer sa proie.
Il fallait que j'agisse si je voulais sortir vivante de ce duel. Tout à coup, je sentis l'emprise se desserrer et mes pieds retrouver le sol. Je pris mon courage à deux mains et essayai de lui mettre un coup de poing qu'il esquiva sans problème en s'éclipsant. Ses petits tours de magie m'agaçaient déjà. J'étais clairement en position de faiblesse.
Il apparut soudainement dans mon dos et me poussa. Je tombai à plat ventre sur le sol. S'en était trop. Il fallait que je me reprenne. Il avait un avantage mais je ne devais pas paraître faible devant lui ni devant les Garçons Perdus. J'allais me faire marcher sur les pieds. Je me relevai tant bien que mal et me plaçai vivement devant lui avant de lui lancer un coup de pied. Essayer serait un terme plus approprié puisqu'il me refit tomber sans effort.
La rage montait progressivement en moi. Plus je voyais son air hautain et son sourire malsain et plus j'avais envie de les faire disparaître. Je serrai de plus en plus le poing avant de le lui écraser en plein visage. Peter, à peine pris de court, se rua vers moi et me donna un coup dans le ventre, m'arrachant un cri de douleur.
Très vite la colère qui était déjà bien présente, prit le dessus sur la souffrance. Elle m'aveugla à tel point que je fonçai tête baissée et le fis tomber. Je me trouvais maintenant à califourchon sur lui et lui assaillais le visage de coups sans me rendre compte que les larmes coulaient abondamment sur mes joues.
J'eus un moment d'inattention et me retrouvai en-dessous de lui. Il me tenait fermement les poignets au sol, de part et d'autre de mon visage, en me fixant. Je le scrutais aussi en essayant de retrouver une respiration plus régulière. Je repris alors mes esprits lorsque tous les garçons applaudirent en acclamant leur chef :
- Bravo Peter, t'es le meilleur !
Peter retrouva soudainement son sourire narquois et m'aida à me relever :
- Pas mal. Pour beaucoup de personnes, la sensibilité est une faiblesse, mais pour toi c'est une force, c'est ce qui te donne de la puissance. Ça te permet de supporter la douleur.
Je le regardais, ébahie, avant de revenir sur Terre lorsqu'une intense douleur me tirailla le ventre. J'eus à peine le temps de grimacer avant de m'écrouler sur le sol.
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Le Véritable Peter Pan (En Réécriture)
Fanfiction17 ans. Un âge plutôt difficile pour Eden. À la veille de la majorité, c'est effrayant de devoir plonger dans ce monde si compliqué qu'est celui des adultes. Si seulement il en existait un plus simple où les rêves rythment le quotidien. Rêver et ne...