Le jour où...

Chapitre 1 : C'est elle.

- C'est elle.

Kentin regarda Castiel, un sourcil levé. Son ami lui désignait une jeune fille qui passait un peu plus loin, livres en main, l'air préoccupé.

- Non.
- Quoi non ?
- Pas elle. Trouve quelqu'un d'autre.

Castiel soupira, passablement agacé. Il se passa la main dans les cheveux, parcourant la cour d'un regard sombre.

- Non mais...oh allez Kentin, je vois personne d'autre qu'elle !
- J'ai dis non.
- Réfléchis mec, insista le rockeur en herbe. C'est LA nana populaire par excellente, ni trop coincée, ni pas assez, mignonne, plutôt intelligente, tout le monde l'apprécie, mais personne ne sait rien d'elle à part cette fichue Rosalya. Tu seras le premier mec à la faire...enfin quoi, c'est Julie ! Ajouta Castiel à court d'arguments.
- NON !

Cette fois, Kentin en avait marre. Il avait élevé la voix. Les yeux flamboyants. Hors de question qu'il joue avec cette fille en particulier. Incrédule, Castiel hocha la tête, visiblement irrité. Quand la sonnerie retentit, il haussa les épaules, découragé. "Ok ok, comme tu veux."
Les deux garçons se dirigèrent vers leur salle de classe en silence. Kentin s'était renfrogné, perdu dans ses pensées, et Castiel respectait la distance mise en place par son ami. Il ne comprenait pas son comportement, mais il se doutait que la jeune fille était importante pour Kentin.

Depuis le début de l'année, les deux amis se livrait à un jeu morbide : sortir avec une fille choisie par l'un ou pas l'autre, la faire tomber amoureuse, et la laisser en plan comme une vieille chaussette. Même Ambre réputée pour son tableau de chasse s'était faite avoir.

Alors que leur professeur commençait son cours, Castiel ne semblait pas vouloir lâcher l'affaire. Kentin ne voulait peut être pas jouer, mais lui, si. Et c'est ainsi que sous l'œil désapprobateur de son ami, le rockeur envoya un papier chiffonné en direction de Julie. Si la jeune fille parut surprise au premier abord, elle reprit bien vite son masque D' impassibilité, griffonna une réponse et lui renvoya le papier sans un sourire. Impatient, Castiel ouvrit le mot et demeura interdit. Voyant la réaction de son ami, Kentin se pencha par dessus son épaule et jeta un coup d'œil.

"Hey ! On a jamais eu l'occasion de discuter et pourtant, ça fait trois ans qu'on est dans la même classe. On se rejoint après les cours pour boire un café ?"
"Non merci. J'ai autre chose à faire."

La réponse était claire, simple et directe. Kentin ne put s'empêcher de rire sous le regard noir de Castiel. C'était la première fois qu'on lui disait non. Amusé, Kentin jeta un coup d'œil vers Julie, et se sentit déstabilisé par son regard. Il y avait....comme un voile de tristesse dans ses pupilles grises. Mais elle reporta rapidement son attention sur le tableau, et l'ignora comme à son habitude. La situation n'avait pas changée depuis la rentrée. Il était peut être temps d'arranger les choses.

La vérité que Castiel ignorait jusqu'à présent, c'est que Kentin et Julie se connaissaient depuis longtemps. Depuis la maternelle en fait. D'aussi loin que Kentin se souvienne, ils avaient été ensembles. Il était son meilleur ami, son confident, comme un frère. Il n'avait jamais compris l'intérêt qu'une aussi jolie fille comme elle lui portait. À lui, ce petit garçon frêle et maigrichon, affublé d'horribles lunettes rondes, toujours habillé comme un sac. Il était heureux de cette amitié, de cette protection et de ce réconfort qu'elle lui apportait. Elle était devenue la personne la plus importante de sa vie. Jusqu'à l'année dernière, lorsque son père, lassé de le voir dépressif à cause des moqueries des autres, l'envoya dans un camp militaire afin de l'endurcir. Là bas, Kentin avait apprit à s'endurcir, à aimer son corps transformé par les heures d'entraînement tyrannique. Il était métamorphosé. Adieu le Kentin timide et en manque de confiance. Il était à présent un grand garçon à la musculature discrète mais bien présente. Il avait abandonné ses vieille lunettes ridicules pour des lentilles de contact, et son visage était devenu celui d'un homme. Ses cheveux bruns autrefois coupés au bol retombaient négligemment sur son front, et ses grands yeux émeraudes autrefois si apeurés étaient devenus moqueurs et narquois. Kentin était beau. Très beau. Et même s'il le savait, il avait encore du mal à se voir tel quel. Mais il se sentait en confiance à présent. Il pouvait faire face à n'importe qui. Mais étrangement, il se sentait mal face à Julie. Était ce à cause de la réaction qu'elle avait eu en le voyant débarquer au lycée ? Il aurait espéré qu'elle lui saute au cou, heureuse de le revoir, qu'elle le félicite pour le chemin qu'il avait parcouru, qu'elle s'intéresse à lui, comme avant. Au lieu de quoi, elle l'avait fui. Simplement fui. Ignoré. D'abord dans l'incompréhension, la colère avait vite prit le dessus, et Kentin avait choisi de répondre de la meilleure des façons. Il l'avait ignoré à son tour. Son amitié avec Castiel avait facilité les choses. Mais il était las de tout ça, fatigué de ce lourd silence. Il voulait retrouver la Julie qui l'avait tant soutenu par le passé, celle avec qui il avait tissé une amitié incommensurable.