Lettre bien à toi

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Kentin,

Il est vrai que je n'ai pas été tout à fait honnête avec toi. Avant même que tu ne partes pour ton camp militaire, les choses avaient déjà commencées à se corser avec mon beau-père. Il a eu des propos déplacés, des gestes déplacés. Je ne t'en ai jamais parlé parce que tu avais déjà suffisamment de soucis au lycée. Et je pense aussi qu'au fond de moi, j'espérais que les choses s'arrangent. Lorsque l'on s'est dit adieu toi et moi, je savais que je perdais le seul allié qu'il m'est été donné d'avoir. Les choses ne sont pas allées en s'arrangeant. Elles se sont même empirées. Je commençais à rentrer de plus en plus tard le soir. Généralement, après les cours, je restais un long moment dans un café ou au parc à t'écrire. Puis j'allais en soirée, chez des gens que je ne connaissais pas. Tout était un prétexte pour échapper à...ce qui m'attendais à là maison. J'ai fait des conneries plus ou moins graves, mais au moins, j'échappais au pire. Je le croyais. C'était les seuls moments de répit que j'avais. Les seuls moments où je pouvais espérer être moi-même.

Entre-temps, mon beau-père avait réussi à faire croire à ma mère que j'étais devenu une adolescente en difficulté. Et pour cause, les choses étaient tellement difficiles à la maison que je n'arrivais plus à dormir, que je ne faisais plus mes devoirs, et que j'avais abandonné l'idée d'avoir de bonnes notes, que je faisais n'importe quoi en soirée. Je n'étais bien Qu'en cours, où je pouvais être mes amis, ou en soirée quand j'avais tellement bu que je ne rappelais plus de rien. Puis, un soir, ma mère est venue me chercher. Il y avait deux valises à l'arrière de la voiture. Les miennes. Je su que quelque chose se tramait trop tard. Elle m'a juste expliqué que les gens de cet établissement m'aideraient à aller mieux. Et elle est partie. Au début, j'avais des nouvelles une fois par semaine. Puis une fois par mois. Puis je n'en ai plus eu. Elle m'a abandonnée. Dans un foyer de jeunes filles en difficultés. Après ce que j'avais enduré avec mon beau père...c'était le seul traitement auquel j'ai eu droit. J'ai perdu mes repères, mes habitudes. Tout. J'ai essayé de lui expliquer à travers des lettres, des mails. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour qu'elle s'en rende compte. Mais je crois qu'elle ne m'a simplement pas écoutée, ou que mon beau père lui a tellement bourré le crâne que jamais elle n'a vu la vérité en face.
J'ai passée mon année seule, dans cet établissement minable. Rosalya m'a été très précieuse. Le jour de ton anniversaire, j'ai fugué pour te retrouver. Quelle a été ma déception quand j'ai appris que tu n'avais pas le droit d'avoir des visites ! J'ai été sévèrement punie pour avoir fugué. Mais je m'en moquais. Ça valait le coup d'essayer.

En soit, les bonnes sœurs de l'établissements ne sont pas méchantes. Elles sont profondément ancrées dans leur tradition, et je pense qu'elles sont fatiguées de mon comportement. Mais moi, je n'ai rien demandé. Tout ce que je voulais, c'était rester chez moi, et continuer ma petite vie de lycéenne pour faire mes études ensuite. Mais je n'ai plus de motivation. J'ai même plus de chez moi.. Que va t-il se passer quand je ferais mes dix-huit ans ? Je me retrouverais dehors? Sans soutien familial, sans rien ? Me baladant de foyer en famille d'accueil ou juste encore une fois abandonnée ? Je ne sais pas. Trop de questions sans réponses. Au foyer, les sœurs ne me répondent pas. Je ne sais pas ce que je vais devenir, et je suis terrifiée.

Alors oui, je te demande pardon pour avoir été froide envers toi, pour m'être méfiée de toi. Mais je ne savais pas où j'en étais. Le changement me fait peur, je ne savais pas comment t'aborder, ni comment réagir. Tu as été très patient avec moi, tu m'as laissé le temps d'y voir plus clair. Merci.

Je suis heureuse de t'avoir retrouvé.
Julie

Le jour où...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant