Chapitre 12

61 8 1
                                    




Cette nuit-là, Julie ne dormit pas bien. Elle n'arrêtait pas de se tourner, et se retourner sans cesse, en proie à un stress grandissant. Le dîner organisé par Castiel, le lendemain, l'angoissait au plus haut point.

Comment allait-elle annoncer à Kentin qu'elle allait devoir s'absenter ? Quel mensonge pourrait t'elle bien fournir ?

Elle se sentait atrocement mal, et elle était honteuse. Honteuse d'avoir accepté qu'une telle situation se produise, tellement qu'elle se sentait parfois trembler tandis qu'elle cherchait un peu de chaleur auprès de Kentin.

Finalement, elle renonça à dormir quand il fut six heures du matin.
Épuisée, et à contrecœur, elle finit par se lever, s'emmitoufla dans un gros pull et descendit dans la cuisine pour se préparer une tasse de café brûlant.
Dans l'espoir de se changer les idées, elle pianota sur son téléphone, et resta un long moment sur un des réseaux sociaux sur lequel elle était active. Seulement, un message de son colocataire acheva de la ramener à la réalité.

"Ce soir, 22h au Giovanni's. Tenue chic, princesse. C'est pas un dîner entre copines..."

Julie se laissa aller sur le canapé et releva ses genoux contre sa poitrine. Qu'avait elle fait ?
Elle ne sut dire combien de temps elle était restée ainsi, lovée sur le canapé, à regarder par la fenêtre l'aube qui pointait le bout de son nez.
Elle était tellement absorbée par les maigres rayons de soleil qui profilait à travers les carreaux givrés de la fenêtre qu'elle n'entendit pas Kentin descendre les escaliers.

- Déjà levée? S'étonna t'il en baillant.

Julien réagit enfin et leva ses yeux fatigués vers lui.

- Mmmh, souffla t'elle en lui déposant un chaste baiser sur les lèvres.
- Tu veux qu'on aille se balader aujourd'hui ? Proposa Kentin en allant se préparer à son tour un café.
- Euh...
- On pourrait manger en amoureux, ajouta le garçon en nouant ses doigts autour de ceux de Julie.
- D'accord, finit par accepter Julie, heureuse malgré tout. Mais...je dois m'absenter ce soir.

Devant le sourcil interrogateur de son petit ami, elle continua bravement.

- Ma patronne a besoin de moi, pour garder ses petits, inventa t'elle. Je dois y être pour 22h, Mais je pense être de retour pour une heure.
- T'es obligée d'y aller ? Soupira Kentin en se passant une main dans les cheveux.
- Oui, mais ce sera la seule fois cette semaine, promis !

Kentin soupira à nouveau mais capitula, de bonne foi, et lui adressa un sourire coquin.

- Très bien. Mais je te réserve pour le reste de la semaine.

Julie se logea dans ses bras, rassurée. Il ne serait jamais au courant, tentait elle de se persuader.

Le soir arriva bien trop vite à son goût. Elle avait passé une excellente journée avec Kentin. Après avoir mangé dans un snack, il s'était baladé main dans la main en faisant milles projets, tous plus fous les uns que les autres. Ils avaient l'air de deux enfants découvrent la vie.
Pourtant, l'heure tournait, et il fut bientôt l'heure pour Julie de partir.
Après l'avoir embrassé avec amour, elle se sépara de Kentin et se dirigea vers le taudis qui lui servait d'appartement, tandis que le garçon rentrait chez lui.
Sitôt arrivée dans le studio, elle se précipita sous la douche, et se lava rapidement en pestant encore après Castiel qui avait prit toute l'eau chaude.
Une fois propre, elle se dégota une robe de cocktail toute simple, noire, que Rosalya lui avait autrefois offert. Priant pour y rentrer encore, elle la revêtit, et se lissa les cheveux d'une main.
Sachant qu'elle aurait froid en ce mois de novembre, elle mit également des collants opaques noirs, et entreprit de se maquiller assez sobrement mais de façon chic.
Alors qu'elle se coiffait, le bruit de la porte d'entrée la fit sursauter mais elle se ressaisit bien vite. Ce n'était que Castiel.
L'ignorant royalement, elle s'empara de sa veste, vérifia le rouge de ses lèvres et esquissa un pas vers la sortie, mais il l'arrêta d'un bras sur l'épaule.

- Je suis désolé, souffla t'il. Désolé que tu doives subir ça.

Julie se dégagea amèrement, et le toisa, glaciale. Elle en voulait à Castiel, assurément. Il l'avait entraînée dans cette histoire, et ce n'était pas la première fois qu'il oubliait de compter le loyer dans ses dépenses.

- On peut s'arranger autrement, dit il alors d'un ton douloureux.
- Ah vraiment ? Railla la jeune fille en vérifiant son sac à main.
- Je...je veux dire, on peut trouver l'argent...ailleurs. Avec du temps et..
- On à PAS le temps ! Le proprio le veut DEMAIN, tu entends ? cracha Julie. Fiche moi la paix maintenant.

Castiel préféra se taire. Elle avait raison, bien sûr. Mais il se refusait à voir sa meilleure amie tomber dans les bas fonds de la prostitution. Ce n'était qu'un dîner après Tout, mais Castiel savait pertinemment comment ces choses-là commençaient. Il savait qu'il n'y avait qu'un faible écart entre la drogue et la prostitution, et les deux domaines étaient étroitement liés. Il suffisait d'une fois, un seule, et elle serait perdue.
Et il n'arrivait pas à croire que c'était lui qui l'avait inconsciemment emmenée vers ce choix.

- Fais juste attention à toi, ok?
- Mais oui, répondît elle, agacée.

Julie passa devant lui sans lui adresser un regard et se dirigea à pas rapides vers le centre ville.
Son cœur battait la chamade, ses gestes étaient saccadés et maladroits, et elle se surprit plusieurs fois perdue loin dans ses pensées à tel point qu'elle faillit se faire renverser en traversant la petite route qui l'amenait vers la place où se trouvait le Giovanni's.

Castiel lui avait dit que l'homme était assez âgé. Soixante ans, peut être plus, et qu'il saurait la reconnaître. Lorsqu'elle pénétra dans le hall qui se voulait luxueux, elle fut prise de vertiges. Elle s'adossa quelques secondes contre le mur froid, cherchant à prendre sa respiration.
Autour d'elle, dans la lumière tamisée du bar qui surplombait la salle de restaurant, quelques hommes étaient confortablement installés sur les sièges de velours et dégustaient leurs verres tout en bavardant. Pas d'homme âgé à première vue.

Julie reprit son souffle et alla prudemment s'assoir au bar, affreusement mal à l'aise. Elle croisa des jambes, et essaya de faire disparaître son air apeuré de son visage. Pour se donner contenance, elle commanda un verre de vin blanc, et le sirota en regardant de temps à autre sa montre.

Lorsque 22h30 sonna, Julie se leva, impatiente. Mais que faisait son client ? Avait il changé d'avis, finalement ?
Alors qu'elle s'apprêtait à payer et partir, une main se posa sur son épaule et une voix grave résonna dans ses oreilles.

- Bonsoir Mademoiselle Mercy.

Julie Tourna lentement la tête vers l'auteur de cette voix chaude et se retrouva face à deux grands yeux sombres.
L'homme était jeune, solidement bien bâti, et il avait un regard aussi franc que moqueur.
Le cœur de Julie rata un battement et elle voulut dire quelque chose mais il la devança :

- Je m'excuse pour le retard, dit l'homme en lui tendant la main. Mon père a eu un...contretemps. C'est donc moi qui le remplacerait.
- Je...vous êtes ?
- Votre client, dit tranquillement l'homme. Ryan Mcmullin.

Julie serra cette grande main tendue, les sourcils froncés.

- Le repas se tiendra dans l'arrière-pièce. Il s'agit d'un petit salon privatif, très agréable.
- Très bien, répandit elle maladroitement.
- Julie, c'est bien ça ? Questionna Ryan avec un petit sourire en coin.
- C'est ça.
- Voilà comment cela va se passer. C'est un dîner "privé". Tu te contenteras de sourire sans jamais parler, sauf si l'on te poses des questions, c'est clair ?
- Parfaitement, dit Julie, la gorge nouée.

Ryan lui adressa un sourire glacial.

- Bien. Et évite également de te rendre aux toilettes durant le diner. Mes clients pourraient mal interpréter...ce geste. Allons y.

Il avança une main vers les longs cheveux de Julie et coinça une de ses mèches derrières les oreilles. Il sourit plus largement lorsqu'il la sentit se raidir.
Gentiment mais fermement, il la seconda lorsqu'elle entra dans le petit salon aux allures intimistes.

Loin d'être rassurée, Julie prit une grande inspiration et avança. Elle n'était pas prête à jouer les postiches pour cet homme, et elle se sentait affreusement mal. Comme une petite fille que l'on emmène dans un endroit rempli d'inconnus, sans repères. Mais elle n'était plus une petite fille.

Le jour où...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant