Chapitre 6

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Lorsque Julie descendit de la voiture de Kristine sous la pluie battante, elle avait mal au cœur, la nausée de devoir retourner dans cet endroit. Kristine lui adressa un sourire rassurant, et Kentin la serra fort contre lui, comme pour l'encourager.

- Ça ne durera pas longtemps, lui murmura t'il à l'oreille. C'est promis.

Julie ne sut quoi répondre, et leur adressa un dernier signe de la main avant de se diriger vers l'entrée du foyer. La gorge serrée, elle ouvrit discrètement la lourde porte d'entrée, en prenant garde à ne pas la faire claquer. Elle voulait éviter toute confrontation avec les sœurs. Hélas, sœur Marie Eunice semblait l'attendre de pied ferme. Sans un sourire, elle l'attrapa fermement par le bras, et l'entraîna vers le bureau de la directrice. Seuls le son des "clacs" que faisaient ses petits talons résonnait dans les couloirs vides et triste de l'ancien couvent.
La sœur ouvrit la porte à la volée, et jeta presque Julie sur la chaise. Mal à l'aise, la jeune fille se recroquevilla. Ce n'était pas la première fois qu'elle atterrissait ici. En vérité, les sœurs ne savaient plus quoi faire d'elle. Elle sortait quand bon lui chantait, fuguait des familles d'accueil dans lesquelles elle était placée, n'écoutait rien, ne fournissait aucunes explications. Elle n'était même pas insolente, au grand damn des sœurs qui auraient certainement préféré une gamine qui répond plutôt que silencieuse. Mais c'était ainsi. Julie était comme un fauve en cage. Elle avait besoin de la liberté de ses mouvements. Pour aller où? Faire quoi ? Seule elle le savait.

- Julie, soupira la Mère supérieure. Où étais tu hier ce week-end ?
- Chez une amie.
- Pourquoi ne pas nous avoir averties ?
- La réponse aurait été non, comme toujours.
- Le soucis, Julie, c'est qu'une ado en fugue, parce que oui, c'est comme ça que cela s'appelle, mérite un signalement, reprit la Mère d'une voix sévère. Alors dans ce cas précis, Lilou nous avait prévenues, mais....
- Alors tout va bien ? Coupa Julie en se levant. J'ai compris, la prochaine fois je dirais où j'irais.
- Tu n'iras nulle part sans autorisat...
- Oui, oui.

Julie était hermétique. Comme
Si ces fichues bonnes sœurs allaient l'empêcher de quoi que ce soit. Sans un mot, elle rejoignit sa chambre et ne porta aucune attention à sa partenaire de chambre. À part Lilou, elle n'avait aucune ami ici.
Elle sortit ses écouteurs et les plaça sur ses oreilles avant de lancer la musique. Dans la foulée, elle écrivit un message à l'attention de Kentin.

Julie(17h53) :
Merci encore

Kentin😎(17h57):
C'est quand tu veux 😜

Julie❤️(18h03):
J'ai passé le meilleur week-end depuis treeeeeeees longtemps 👌

Kentin😎(18h07):
Les bonnes sœurs t'ont pas fait chier ?

Julie❤️(18h13):
Le discours habituel lol. Elles ont l'habitude à force.

Kentin😎(18h15):
Ah ouais, avec tes fêtes et tout. C'était quoi d'ailleurs comme soirées?

Julie fronça les sourcils. Devait elle
Lui dire ? Que c'était des soirées...particulières ? Qu'il n'y avait pas que du beau monde ? Devait elle lui dire ce qu'elle avait fait là bas? Assurément non. Il ne comprendrait pas.

Julie❤️(18h17):
Tu sais, des soirées tranquilles. Avec des amis et tout.

Si Kentin la crut ou non, elle ne le sut pas puisqu'il ne lui répondit plus. Julie se laissa tomber sur son oreiller et ferma les yeux. Elle espérait que cette situation s'arrangerait vite. Le foyer était devenu une prison pour elle.
Lassée, elle s'endormit rapidement. Elle s'en moquait de sauter le repas du soir.

Les liens semblaient s'être ressoudés entre Kentin et Julie, car ils ne se quittaient plus d'une semelle. Si au départ, Castiel voyait cette amitié d'un mauvais œil, il fut au final très vite intégré à la bande avec Rosalya, Iris et les jumeaux. Il hérita même du surnom "Grincheux" affectueusement donné par Alexis, l'un des jumeaux.
Mais si la joyeuse bande semblait connaître son âge d'or, si Kentin et Julie étaient plus proches que jamais, c'était sans compter les Demons noirs de la jeune fille qui semblaient la poursuivre. Il fallut quelques semaines à Kentin pour s'apercevoir que quelque chose avait changé en elle. Elle paraissait épuisée, moins bavarde voire irritable. Ce qui ne lui ressemblait pas. Lorsqu'il en parla à Castiel en cours d'algèbre, son ami se contenta D' hausser les épaules.

- C'est ta meuf, mec, jpeux rien te dire, je la connais pas si bien que ça, marmonna t'il.
- Julie n'est pas ma meuf, se défendit Kentin.
- A d'autre, ricana Castiel.

Sachant qu'il n'obtiendrait rien de plus, Kentin, maussade se concentra sur ce stupide cours.

- On se voit ce week-end ? Demanda t'il à Julie à la sortie des classes.
- Hein? Oh...euh...jpeux pas ce week-end, répondit la jeune fille avec un sourire contrit. Samedi soir j'ai un truc de prévu.
- Sérieusement ? Quoi, une soirée ?
- Oui, Voila. Pour l'anniversaire d'une copine, j'avais promis d'y être... Tu m'en veux pas hein?
- Non, bien sûr que non...

Si Kentin resta dubitatif, il ne rajouta rien de plus.

- Eh mec, tu viens ce soir ?

Kentin se retourna et aperçut Castiel, cigarette en main, qui le regardait fixement.

- Où? Grogna Kentin en enfouissant ses mains dans ses poches.
- A la soirée de Marco !
- J'sais pas qui c'est.
- Un pote d'un pote. Viens, ça va être top. Y a des gars qui vont ramener pas mal d'alcool et un peu de fumette
- Non c'est bon, j'ai autre chose de prévu.

Castiel le regarda de haut en bas et éclata d'un rire ouvertement moqueur sous les sourcils froncés de Julie.

- Arrête de mentir, gros. T'as rien prévu, t'es juste trop peureux pour te pointer à un party comme ça. Toi c'est plutôt soirée Monopoly avec limonade !
- Fiche lui la paix ! Intervint Julie. L'écoute pas Kentin, de toute façon ces soirées, c'est jamais très amusant.
- Elle a dit quelque chose la sainte nitouche ? Railla Castiel. Mec, pour une fois dans ta vie viens t'éclater.
- Kentin ne viendra pas à cette soirée, s'emporta Julie.
- Ah ouais ? Et pourquoi ça, Blondie?
- Parce qu'il n'est pas comme toi, cracha Julie. Hors de question se quelqu'un le fasse fumer de l'herbe ou autre alors qu'il a jamais touché à une clope de sa vie ! Et tu sais très bien comment se terminent les soirées de Marco!
- Parce que toi tu le sais peut être ? Murmura Kentin, abasourdi.

Julie s'arrêta de crier, gênée et évita le regard noir de Kentin. Castiel lui, semblait bien s'amuser. Il avait croisé les bras et attendait la réponse de la jeune fille avec un rictus collé aux lèvres.

- Tout le monde connaît Marco à Detroit, reprit la jeune fille d'un ton calme. Je suis allée une fois à une de ses soirées pour voir, et ça finit toujours mal. Tout le monde sait ça.
- Ben voyons.
- Kentin...
- Je rentre. Amuse toi bien chez Marco, ajouta Kentin à Castiel d'un ton morne. Et toi Julie, bon weekend.

La dernière phrase sonnait de façon un peu trop sarcastique aux oreilles de la jeune fille qui ne put s'empêcher de jeter à Castiel un regard glacial.

- Eh quoi? Se défendit se dernier avec une moue moqueuse. Tu t'es grillée toute seule ma grande.
- N'importe quoi, soupira Julie. Ne t'avises pas de l'amener à des soirées comme ça.
- C'est vrai que toi, tu en sais quelque chose hein...
- Fiches moi la paix, Castiel.

Julie, agacée, s'éclipsa rapidement en direction du foyer. Apres tout, elle pouvait toujours annuler sa soirée pour aller chez Kentin, non? Comme Castiel l'avait deviné, elle n'allait pas chez une amie. Les soirées mensuelles chez Marco étaient devenues une habitude, tout le monde la connaissait là bas. Si Castiel n'y allait que rarement, elle l'avait tout de même croisé une fois ou deux, et visiblement il s'en rappelait. De toute façon, elle avait quelque chose à récupérer chez Marco. Elle pouvait toujours y faire un saut, récupérer ce qu'elle devait prendre, et passer chez Kentin ensuite.
C'était une bonne alternative.

Le jour où...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant