Chapitre 4 : Révélations

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Les jours se succédèrent. Puis les semaines. Julie n'avait toujours pas abordé le sujet de sa situation, et Kentin n'avait pas cherché à l'interroger. Entre eux, la relation était redevenue soudée. Mais loin d'être fraternelle, comme lorsqu'ils étaient enfants. Ils étaient loin des jeux innocents et des câlins enfantins de l'époque. Leurs mouvements l'un envers l'autre étaient marqués par une certaine gêne, comme une appréhension d'en faire trop ou la peur d'être repoussé.
Leurs sourires autrefois francs et directs n'étaient plus que des petites esquisses indécises d'affection partagée mais non dévoilée. Ils gardaient une certaine marge de sécurité entre l'un et l'autre, et même leurs discussions étaient sur la retenue. Kentin ne comprenait pas ce soudain revirement de situation. Il était heureux chaque jour de la revoir, et d'être de nouveau LA personne qui avait le monopole de son attention. Mais il ne saisissait pas son propre comportement. Il faisait attention à tout ce qu'il disait de peur de la faire fuir, il lui faisait des blagues mais jamais sans en faire trop, même ses étreintes se faisaient rares. Parce qu'il ne savait pas pourquoi il s'empourprait chaque fois qu'elle lui souriait, parce qu'il ne comprenait pas pourquoi son coeur s'emballait lorsqu'elle lui effleurait la main, parce qu'il ignorait pourquoi il se sentait planer lorsqu'elle lui disait : "on va faire un tour ?"
En revanche, ce dont il était sûr, c'est que c'était elle, elle et personne d'autre pour qui il ferait tout. Sous le regard bienveillant de Rosalya, il multipliait les petites attentions discrètes afin que Julie se sente bien. Il apportait un paquet de gâteau chaque matin par exemple, pour en donner à ses amis mais surtout à elle, parce qu'il pensait qu'elle mangeait mal au foyer. Il prenait souvent un pull en plus, ou une écharpe, parce qu'il savait pertinemment qu'elle le lui piquerait tant elle était peu couverte. Il allait même jusqu'à faire en sorte de la faire grignoter le soir, avant qu'elle ne rentre, en cas que le repas de la cantine de son foyer soit immangeable. Bien sûr, tout cela dans la plus grande discrétion.

Alors qu'ils étaient en cours, en cette journée grise du jeudi 17 décembre, Kentin se pencha vers son amie qui semblait absorbée par la fenêtre et lui murmura à l'oreille:

- Tu voudrais venir passer le week-end chez moi?

Julie sursauta et regarda Kentin droit dans les yeux. Il y lu un certain trouble. À vrai dire, il ne savait pas si elle avait le droit de sortir ou non, puisqu'elle n'en avait jamais parlé, mais il espérait de tout coeur qu'elle ne dirait pas non. Finalement, au bout de quelques secondes, elle accepta avec un grand sourire. Si Kentin garda un air stoïque, il ressenti un profond soulagement. Il était ravi de pouvoir passer un week-end avec elle. Et il savait que ses parents seraient ravis de l'accueillir.

Effectivement, lorsque sa mère vint les chercher le lendemain soir, elle sauta au cou de Julie. D'abord gênée, la jeune fille se laissa aller, et répondit à l'étreinte de cette femme qui fut comme sa deuxième mère. Étrangement ému, Kentin ne put que sourire devant cette scène. Et il fut amusé lorsque sur le trajet, les deux femmes ne cessèrent de bavarder, comme des pies, de tout et de rien.
En arrivant devant la magnifique bâtisse en rondins que Julie affectionnait tant, elle marqua un temps d'arrêt pour regarder attentivement les alentours. Rien n'avait changé. La cabane était toujours là, dissimulée par la lourde végétation environnante, les escaliers toujours à supporter le poids des innombrables pots de fleur et le lac, toujours aussi paisible qu'elle distinguait au loin. Avec un petit sourire, elle laissa Kentin la mener jusqu'à l'étage. Elle connaissait cette maison par coeur.

- Eh bien...dit il en se laissant tomber sur le lit. Fais comme chez toi, comme d'habitude quoi...

Julie eut un petit rire amusé, et elle s'assit aux côtés de son ami.

- Merci, chuchota t'elle en posant sa tête contre son épaule. Merci de m'avoir invitée. Tu n'imagines pas à quel point ça peut me faire plaisir.

Heureux, Kentin l'attira contre lui et lui rendit son étreinte. Ils passèrent toute la fin d'après-midi à se promener dans les endroits qui avait marqué leur enfance. Alors qu'ils avaient fini par s'asseoir face à la grande étendue d'eau calme pour discuter de tout et de rien, la mère de Kentin les appela pour le repas. En rentrant dans la jolie maison, Julie salua le père de Kentin qui était rentré du travail, heureuse de revoir ce visage si familier.

- Alors ma chérie, commença la maman de Kentin en faisant passer le plat de riz. Comment va ta mère ?

Ce fut si imperceptible que Kentin crut avoir rêvé, mais l'espace d'un instant, il aurait juré voir Julie s'immobiliser, les lèvres tremblantes. Pourtant, elle répondit avec un sourire :

- Bien. Un peu fatiguée en ce moment.

Menteuse.

- Cest vrai que son travail est éprouvant, continua Kristine, pensive. Passe lui le bonjour de ma part à l'occasion.
- Je n'y manquerait pas, assura Julie. C'est délicieux ! Ajouta t'elle en désignant le plat.

En rougissant, Kristine fit un léger geste de la main et continua à bavasser, sous le regard amusé de son mari. Apres l'excellent dîner, les deux amis remontèrent à l'étage. Songeur, Kentin n'adressa pas la parole à Julie pendant tout le temps qu'il préparait le matelas qui lui servirait de lit. Assise sur la chaise de son bureau, la jeune fille le regardait s'affairer, anxieuse.

- Kentin ? Risqua t'elle au bout d'un long moment.
- Mmh ?

Le garçon se retourna, curieux. Il n'avait pas le visage fermé, ce qui rassura Julie, mais son mutisme l'avait angoissée.

- J'ai fait quelque chose de mal ? Demanda t'elle.
- Quoi ? Non, pas du tout ! Pourquoi ?
- Tu ne me parle pas..

Gêné, Kentin se passa la main dans les cheveux. Tout en soupirant, il tapota le rebord du lit, invitant son amie à le rejoindre. En tailleur, il se mit face à elle, et lui prit une main dont il caressa distraitement la paume.

- Je ne veux pas que tu te sentes forcée, dit il prudemment. Mais je veux que tu comprennes que je suis là pour toi.
- Je ne comprend pas...
- Je sais que tu n'habite plus chez ta mère, lâcha t'il en la regardant droit dans les yeux.

Julie détourna aussitôt les yeux, et retira sa main. Elle passa un long moment à éviter le regard du jeune homme, cherchant frénétiquement quelque chose, comme pour se rassurer. En proie à un stress éprouvant, elle finit par se lever, et se diriger vers les étagères où elle tripota nerveusement les objets qui y étaient déposés. Finalement, elle se tourna vers son ami qui attendait patiemment et lui dit d'une voix sourde :

- Ecoute...je te propose un truc. Je vais t'écrire. Tout ce qu'il s'est passé depuis ton départ. Et tu ne liras que lorsque je serais endormie, d'accord ?

Kentin acquiesça silencieusement. Il prit son ordinateur portable et lança un film, tandis que la jeune fille, papier et style en main, s'asseyait à ses côtés et commençait à griffonner.

Le jour où...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant