Chapitre 5 :

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Après la lecture de cette lettre bouleversante, Kentin risqua un regard vers la jeune fille endormie à ses côtés. Sans un mot, elle lui avait donné ce papier, et s'était allongée pour regarder avec lui la suite du film. Malgré son impatience, Kentin avait respecté sa demande et avait attendu qu'elle se soit endormie pour parcourir avidement les mots écrits d'une main tremblante.
De rage, Kentin serra les poings. Comment la mère de Julie avait elle osé abandonner sa fille ? Avait elle si peu de considération envers elle ? Et le beau père ? Julie était restée très discrète le concernant, Kentin ignorait les traitements qu'il avait pu lui infliger. L'avait il battue ? Insultée ? Touchée...? Et lui qui n'avait rien vu ! Kentin s'en voulait terriblement. Comment avait il pu être aussi aveugle ?
Même dans son sommeil, Julie paraissait tendue. Le plus doucement possible, Kentin s'allongea aux côtés de son amie, et enserra sa taille de ses bras musclés. Du mieux qu'il pouvait, il l'aiderait.
Julie gémit doucement, et agrippa la main de Kentin. Il la laissa faire, et remit en place discrètement une mèche de cheveux mordorés qui barrait son visage.
Troublé, Kentin finit par s'endormir, serrant ce corps fragile contre lui.

Quand Julie se réveilla le lendemain, elle marqua un temps d'arrêt. Collée contre le torse puissant de Kentin, coincée dans ses bras, elle comprit qu'elle avait passée la nuit à ses côtés. Elle prit le parti d'attendre patiemment qu'il se réveille. En naviguant sur son téléphone, elle répondit distraitement à une fille du foyer qui lui disait que les sœurs s'inquiétaient.

De Julie à Lilou :
"Je suis chez une amie. Je rentre demain. Rassure les."

Julie n'avait normalement pas le droit de sortir sans autorisation. Mais il était hors de question qu'elle se prive d'un week-end pour leurs beaux yeux. Elle avait minimisé la chose en faisait croire qu'il s'agissait d'une amie. Sinon...bonjour le drame ! Julie grimaça en imaginant la scène que lui ferait sœur Marie-Eunice en apprenant la vérité, et elle retint un rire étouffé.
Finalement, après un long moment, voyant que Kentin ne se réveillait toujours pas, elle se dégagea le plus doucement possible de lui, s'habilla rapidement et descendit dans la cuisine.
Kristine était déjà là, s'activant pour le repas du midi. Elle l'accueillie avec un grand sourire, et lui servit une grande tasse de café.

- Dis moi Julie...commença t'elle soudainement en s'asseyant en face d'elle. Tout va bien à la maison ?

Interdite, Julie posa doucement sa tasse sur la table, et leva ses yeux vers la mère de Kentin.

- Je te connais depuis que tu es toute petite, se justifia Kristine avec un petit rire. Et je trouve que tu as mauvaise mine.

Julie se mordilla la lèvre inférieure, affreusement gênée. Ne rien dire à Kentin avait été assez facile pour elle. Mais les yeux bienveillants de Kristine la désarmait. Elle se sentait acculée et ne savait comment se dépêtrer de la situation.

- Je...euh..
- Julie, tu sais bien que tu peux me faire confiance, continua Kristine d'une voix douce. Tu es comme ma fille.
- C'est très compliqué, balbutia Julie, les yeux humides.
- Peut être pourrais je parler à ta mère ? Pour lui demander de t'accueillir plus souvent ici ?
- Je doute sincèrement qui tu y arrives...
- Pourquoi ?
- Parce qu'elle n'est plus en Angleterre depuis un an.

Abasourdie, Kristine lui jeta un regard franchement étonné. Julie ne voulut pas en dire plus, mais le mot "foyer" lui échappa malgré elle. Kristine ne l'interrompit pas mais lui demanda une seule et unique chose. Le numéro de sa mère, que Julie accepta de lui donner. Elles furent interrompu par Kentin qui se levait, les cheveux encore en bataille, les yeux endormis. Il embrassa sa mère sur la joue, et fit un baiser sur le front de Julie.
Stressée, la jeune fille ne lui posa pas de questions sur la lettre, et regarda Kristine s'éclipser de la cuisine, pendant que Kentin avalait sa tasse de café, les yeux dans le vide.
Un lourd silence avait prit possession de la pièce, et Julie se tripotait nerveusement les cheveux, ne sachant comment aborder le sujet.
Finalement, apres un long quart d'heure, Kentin se leva et fit signe à son amie de le suivre.
Toujours en silence, il l'amena dans la forêt qui bordait le lac, et ils commencèrent à marcher.

- Qu'est ce qu'il t'as fait ?

La voix grave de Kentin troubla le silence apaisant du bois, et Julie baissa la tête, en s'arrêtant.

- J'ai pas envie d'en parler, murmura t'elle.
- Après tout ce que tu m'as dit, je suis en droit de savoir...commença Kentin.
- Et moi je te dis que je ne veux pas revenir là dessus. C'est suffisamment dur à gérer, je ne veux pas y penser, coupa Julie d'une voix dure. S'il te plaît.

Kentin soupira, Et regarda le lac tranquille, l'air songeur.

- D'accord, concéda t'il. Et au foyer? Comment ça se passe ?
- Bien. Aussi bien que possible. On est par chambre de deux, avec des horaires précises et un couvre feu... Rien de plus. En attendant de trouver une famille d'accueil ou que nos parents reviennent nous chercher.

La voix de la jeune fille se brisa, mais elle continua néanmoins.

- Comme des chiens dans une SPA, dit elle amèrement. Que veux tu que je te dise ? J'sais pas si je vais retourner en famille d'accueil, ou rester dans cet établissement jusqu'à ma majorité. J'en sais rien. Je sais même pas si je vais avoir des revenus pour payer mes études après, des bourses ou je ne sais quoi.
- Tu seras pas seule, coupa Kentin.

Julie lui adressa un sourire mais resta pensive. Elle ne savait pas si la mère de Kentin allait l'accepter, cela restait malgré tout une grave décision et un nouveau choix de vie.

Du côté de Kentin, autre chose le tourmentait. Julie avait mentionné à plusieurs reprises des "soirées" chez des inconnus. Hors, la population de cette ville n'était pas franchement la plus fréquentable. Beaucoup de quartiers mal famés dominaient la ville, sans parler des trafics divers. Julie ne faisant pas partie de la "haute", soit il s'inquiétait pour rien et elle allait aux soirées organisées par des étudiants lambda, soit...eh bien Julie n'avait pas fréquenté du joli monde.


Kristina tapotait la table du bout de ses ongles Manucurés, impatiente, le combiné vissé sur son oreille. Finalement, la voix de la messagerie lui indiqua que le correspondant que essayait de joindre n'était pas disponible. Agacée, elle laissa un message plus froid qu'elle ne l'aurait voulu, intimant la personne qui n'était autre que la mère de Julie de la rappeler.
En effet, la maman de Kentin était préoccupé par le sort de la jeune fille. Cette jolie blonde qu'elle connaissait depuis maintenant plus de 13 ans.
Kristine avait eu des différents avec Ashley, sa mère, mais les deux femmes avaient toujours fait en sorte que leurs enfants puissent se voir sans souffrir des relations tendues de leurs parents.
Kristine reprochait à Ashley sa dureté envers Julie, et les rapports qu'elle entretenait avec sa fille qui étaient toujours trop formel. Sans mentionner le beau père, John, qui selon elle était invivable.
Pour faire simple, même son mari ne voulait plus les accepter chez eux.
Alors quand Julie avait réapparu la veille, avec un air constamment tendu, elle avait décidé de réagir.

"Hors de question de savoir cette môme en foyer ou en famille
D'accueil, songeait elle."

Le jour où...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant