WaoW, tome 1 - Les Crèvemines

07. Une histoire d'orc

Pendant que Badorin canalisait tant bien que mal Darkill, son jeune apprenti, un autre duo s'en venait quelques régions plus loin. A l'orée des Rougemines, région orientale humaine célèbre pour ses montagnes écarlates et ses mines riches de minerais, deux orcs avaient franchi la frontière et s'aventuraient bravement en territoire ennemi. Si la vision de deux orcs, ces créatures vertes, massives, pleines de dents et de muscles, avait en général tendance à faire fuir les humains à plusieurs lieues à la ronde, ces deux-là étaient d'une toute autre catégorie. C'est un fait unanimement reconnu : les humains ont tendance à considérer ce qui ne leur ressemble pas comme sauvage et primitif. Les orcs ne font pas exception, alors que pourtant, ils ont énormément en commun. Et parmi les choses que ces espèces ont en commun se trouve le désir de faire du commerce et d'exporter des biens.

Nos deux orcs, répondant aux noms de Grimflarg et Grotang, étaient en effet de simples marchands désireux d'ouvrir un nouveau pôle commercial. Appuyé sur sa canne, Grimflarg, le plus âgé des deux, contemplait en contrebas la cité de Dûché de l'Eau, où les humains vaquaient paisiblement à leurs occupations.

- Nous y voici, mon cher ami. C'est dans cette ville que nous établirons notre premier poste de commerce avec les humains.

- Tout à fait, lui répondit Grotang. Hâtons-nous, il me tarde de faire affaire.

Grotang était un orc vigoureux, bien plus jeune et musclé que son mentor. Mais il était idéaliste, rêvait d'un monde en paix. Il avait donc adopté avec enthousiasme les idées pacifiques de Grimflarg, que d'aucuns considéraient en général comme un vieux fou inoffensif. Grotang portait un simple pagne, des bottes de cuir parées de fourrure d'ours, et une énorme hache, cadeau familial, qui lui donnait belle allure, du moins chez les orcs. Il pénétra dans le village, salua en brandissant sa hache bien haut, souriant de tous ses crocs démesurés, et s'adressa aux humains.

- Salutations, nobles humains. Nous venons en paix !

Par un malheureux concours de circonstances, il se trouve que les espèces de factions opposées ne peuvent pas se comprendre entre elles car elles ne parlent pas la même langue. Et il n'y avait pas plus opposé que les orcs et les humains. Aussi, quand Grotang déclama son offre de paix, les humains ne virent qu'un orc aux crocs retroussés, agitant une hache vers eux en hurlant :

- VANURFL ZLOTA ! RULGABASH !

Un vent de panique envahit le village humain, et tout le monde se mit à fuir. Quelques aventuriers qui trainaient par là perçurent la menace, la relayèrent sur les canaux de défense de la région, et très vite, tous les joueurs fédérés rappliquèrent pour combattre les deux pauvres orcs qui n'avaient rien demandé. En pénétrant sur le territoire du village, ils énervèrent aussi les gardes civils qui s'ajoutèrent aux aventuriers déjà énervés. Devant cette levée de boucliers, et d'épées, les orcs ne comprirent pas tout de suite ce qui s'était passé.

- Mais enfin ?! Ils sont fous ? s'étonna, paniqué, Grotang, qui refusait de lever la main sur les chétifs humains.

- Défendons-nous, Grotang, nous n'avons pas le choix ! lui intima son maître, qui comprenait la nature réelle de la menace.

La mort dans l'âme, Grotang et Grimflarg battirent en retraite de leur mieux. Mais devant l'afflux ininterrompu des assaillants, ils finirent par tourner les talons et fuir comme des gueux.

- Grotang, mon ami, je crois que nos races ne sont pas encore prêtes à commercer... se désola Grimflarg.

- Maître ! Permettez-moi de rester dans la région et de tenter d'établir un contact.

- Ce sont des sauvages, Grotang, tu n'arriveras à rien.

- C'est le choc des cultures, maître. e suis certain de pouvoir inverser la tendance. Faites-moi confiance.

Ainsi, son maître reparti vers leur pays natal, Grotang resta-t-il en territoire humain, à la recherche de soutiens commerciaux, ou au moins amicaux. Il ne voulait pas rester sur un échec, et commença une longue prospection.