03. Darkill

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Badorin arpentait les longs couloirs de la citadelle, cherchant par où accéder à son point de rendez-vous. C'est qu'en ce temps-là, voyez-vous, tout ce dont un héros disposait pour savoir où effectuer ses quêtes, c'était d'une direction très générale sur son parchemin. À partir de cette information fragmentaire, il lui fallait parfois tourner en rond un sacré moment jusqu'à ce qu'il trouve l'objet de sa recherche. Après un petit moment, Badorin vit enfin sur sa carte s'afficher le point d'exclamation indiquant la présence d'un donneur de quête. Il se dirigea vivement vers l'endroit et pénétra dans la bibliothèque royale. Il s'inclina et salua les PnJ qui l'attendaient. 

- Je vous salue, nobles seigneurs, entonna-t-il.

Attendant qu'on l'autorise à se relever, Badorin les observa du coin de l'oeil. Il y avait là 4 vieux croûtons en toge, barbus, bien évidemment, dont un grand chauve tout ridé qui semblait être le chef. Le point d'exclamation au-dessus de sa tête indiquait d'ailleurs clairement son statut. C'est alors que Badorin remarqua la présence d'une cinquième personne, dissimulée par les quatre vieillards. Affichant un air ahuri se tenait là un gamin d'une douzaine d'année. Il ouvrait de grands yeux stupides, souriant largement, et portait une tenue défraichie composée d'une armure de cuir et d'une cape élimée. Observateur, Badorin nota également les tâches de rousseur qui constellait les pommettes du jeune garçon, ainsi que le filet de morve qui lui coulait d'une narine.

"C'est quoi cet avorton ? C'est la journée des bizus, ou quoi ?" se demanda-t-il. Il en était déjà à détester cet enfant rachitique, maugréant en silence, quand la voie du patriarche le ramena à ses affaires.

 Il en était déjà à détester cet enfant rachitique, maugréant en silence, quand la voie du patriarche le ramena à ses affaires

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- Nous te saluons, noble Badorin. Nous avons entendu parer de tes faits d'armes et de ta grande bravoure, et nous allons comme convenu te confier une quête qui emplira ta éputation d'encore plus de gloire.

- Je vous écoute, conseiller, répondit Badorin en affichant une humilité de circonstance.

- Nous manquons cruellement de jeunes recrues compétentes, continua le patriarche. Vous le savez, Badorin. Aussi, nous vous faisons tout confiance pour guider et éclairer le jeune Darkill, qui aspire à devenir un guerrier de talent.

- Le jeune qui ? s'étonna Badorin, qui s'attendait à tout sauf ça.

Comme c'était à craindre, le patriarche désigna le jeune garçon qui s'avança gaiement.

- B1 mwa koi ! S'lu !

Badorin du s'y reprendre à plusieurs fois pour déchiffrer la suite apparemment illogique de lettres que le blondinet avait énoncé.

- Quoi ? Il parle quelle langue, là ? s'agaça-t-il.

Réfrénant une envie subite de faire subir à ce Darkill le même sort qu'au Nain qui l'avait défié un peu plus tôt, Badorin se redressa et regarda le patriarche. Mais en tant que PnJ, celui-ci avait dit ce qu'il avait à dire, et restait muet. Badorin tenta de le faire réagir.

- Et je dois en faire quoi, moi, de ce merd... de cet enfant ?

"Suivez votre route, Badorin. Nous savons que vous vous en sortirez" fut la seule réponse qu'il obtînt. Il insista un peu, juste au cas où.

- Nan mais, il m'accompagne, il me regarde, je dois lui apprendre des trucs ?

- Suivez votre route, Badorin. Nous savons que vous vous en sortirez.

- Je dois aller où, je dois faire quoi ?

- Suivez votre route, Badorin. Nous savons que vous vous en sortirez

Le PnJ, limité par son intelligence peu développée, ne dirait pas un mot de plus tant que l'objet de la quête ne serait pas accompli. Badorin maudit les concepteurs du jeu, insulta le patriarche histoire de se défouler, puis, renonçant, "suivi sa route puisqu'ils savaient qu'il s'en sortirait".

Ainsi quitta-t-il la citadelle, morose, avec le jeune Darkill qui le suivait comme un chien. N'ayant pas la moindre idée de ce qu'on attendait de lui, Badorin décida de continuer ses quêtes à lui. Le gamin n'aurait qu'à en prendre de la graine, et tant pis si ça ne lui convenait pas. Dans la vraie vie, on ne demandait pas leur avis aux stagiaires.

- On fé koi alors ? C qand kon se fé un donj' et tout ?

Badorin stoppa net. Il ne s'attendait pas à ce qu'un PnJ, objet de quête de surcroit, ne l'interpelle de façon aussi naturelle, et avec autant de fautes par mot prononcé. L'agacement étant plus fort que la raison, il ne prit pas la peine de réfléchir à sa réponse.

- Excuse-moi, gamin, tu t'es bien regardé ?! T'es stuffé (équipé) n'importe comment !

D'un clic, Badorin afficha l'équipement de son nouvel acolyte, et le résultat était plutôt désastreux.

- Plastron troué : armure 1

- Cape déchirée : esprit 1

- Épée rouillée : Force 0,5

- Pantalon de cuir mité : endurance 1

- Bottes de seconde main : agilité 1

C'était aussi terrible niveau caractéristique qu'esthétique

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C'était aussi terrible niveau caractéristique qu'esthétique. Darkill ressemblait à un pouilleux qui aurait piqué les habits d'un SDF. Sans compter que pour un aspirant guerrier, il avait la carrure d'un asticot.

- Tu comptes aller loin, comme ça ?

- Bah... Fo fair de l'XP, non ? Et de la thune. donc fo fair des donj.

- Un inconscient... maugréa Badorin. Nan ! Faut faire des quêtes, et des petites, tant qu'à faire, pour commencer.

- MÉ MOA, JE VEU ME BASTONNÉ !

L'apparence, l'attitude, l'orthographe, c'en était trop pour Badorin qui, déjà peu porté sur la pédagogie à la base, explosa d'un coup.

- Hey bonhomme ! T'es à Critempête, là ! Les bêtes dehors sont au moins de level 9, et toi, t'es level 1. Tu vas faire quoi tout seul ?! Avant toute chose, tu vas me faire un effort pour causer correct, sinon je t'abandonne aux loups !

- Ok, ça va, j'ai compris... Ça te va, si je parle comme ça ?

Badorin fut surpris par la rapidité d'adaptation de Darkill. Ce petit coup de gueule ne lui avait pas déplu. Il s'adoucit un peu, mais juste un peu.

- Bien. Ça va m'éviter de devoir acheter un décodeur. Et que je ne t'y reprenne pas, sinon c'est la mandale.

Le dialogue et les règles étant établies, Badorin s'interrogea sur la manière d'accomplir cette quête. Il avait horreur de jouer en groupe, et voilà qu'on le forçait à se trainer un boulet. Ce qui le dérangeait le plus, c'était de ne pas réussir à savoir si Darkill était un PnJ, ou un joueur comme lui. Mais il n'allait pas s'abaisser à le demander, et décida donc d'agir comme de rien n'était. Il aiderait le gamin à gagner des niveaux, le plus vite possible. La réponse lui apparaissait clairement à présent : plus vite Darkill gagnerait des niveaux, plus rapidement il pourrait s'en débarrasser !



WaoW, tome 1 - Les CrèveminesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant