12. La corvée de patates

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- Voilà, mon capitaine. On a tout bien fait comme vous avez dit.

C'est sur ces mots que Badorin rendit fièrement la série de quêtes que Darkill et lui venaient d'achever.

- Bravo, répondit le capitaine Torgnol. La Fédération peut être fière de vous. Vous avez bravement accompli votre mission, Badorin...

- Chouette ! Alors ça veut dire que le gamin...

- Mais ! continua le vieux soldat, il reste encore bien des périls sur la route de l'enfant. Accompagnez-le dans la suite de son voyage vers la maturité.

Badorin avait déjà fait quelques pas pour s'éloigner, et stoppa net en entendant le capitaine finir sa phrase. Dans un élan de frustration, il laissa échapper un court torrent d'injures, plus à destination du destin qu'à quiconque, mais cela ne plut guère au capitaine. Torgnol se leva vivement, contourna son petit bureau qui trônait au pied de la tour de guet, et attrapa Badorin par l'oreille. Vivement.

- Ouaïeuh ! Mais vous êtes taré ?! s'écria le guerrier, qui ne s'y attendait pas. Un PnJ n'était pas censé se conduire comme ça.

- J'veux pas de gros mots dans mon régiment soldat, hurla Torgnol. Trois jours de corvée de patates pour la peine !

- Je préfère son ton quand il énonce les quêtes, nota Darkill qui avait assisté à tout l'échange. Là, il est vraiment pas gentil.

Mis aux arrêt, Badorin fut conduit aux cuisines. On lui confia un tablier, un éplucheur à patate (lié quand équipé, +3 en dextérité) et bien entendu, un tas de patates qui semblait sans fin.

- Bon sang, se maudit-il. Je savais que j'aurai du apprendre la compétence "cuisine".

Sur Razemoth, on n'était pas "que" aventurier. On pouvait également apprendre tout un tas de métiers secondaires et participer ainsi à l'économie du pays. Cuisine, soin des blessure, pêche, travail du cuir, forge, dépeçage, couture, minage, herboristerie... Il y en avait pour tous les goûts. Naturellement, Badorin n'ayant pas ce genre d'ambition bas de plafond, il s'était contenté d'une compétence en minage et en forge qu'il n'avait jamais pris le temps d'améliorer. Avec son niveau 1 en cuisine, la corvée de patates allait être une véritable épreuve. 

- Euh... Bad' ? Je fais quoi, moi ? demanda Darkill qui n'avait rien eu de mieux à faire que de suivre son compagnon aux cuisines.

 Bad' ? Je fais quoi, moi ? demanda Darkill qui n'avait rien eu de mieux à faire que de suivre son compagnon aux cuisines

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Badorin s'énerva. Après tout, sans Darkill, il ne se serait pas retrouvé là.

- Tu te démerdes ! Je suis coincé ici pour trois foutus jours ! T'as qu'à trouver à t'occuper tout seul, pour une fois !

Darkill déguerpit sans demander son reste. Badorin resta seul, et constata avec dépit que dans son accès de colère, il avait broyé sa patate dans son poing. Il en pris une nouvelle, et se mit à l'ouvrage.

Livré à lui-même, Darkill partit livrer tous les combats qu'il put, sans peur, ou presque, face à la multitude d'ennemis qui s'opposait à lui. Mais il subit bien des revers dans son parcours héroïque. Il fut pourchassé, acculé, décédé, bien plus qu'à son tour. Fidèle à son absence d'esprit stratégique, il accumula les aggros, et ses fuites se transformèrent bien souvent en décès prématurés. Ceci dit, il ne se rendit jamais, et même dans les pires moments, il fit face de son mieux, sans se rendre, même si la mort était la seule issue.

Car la mort, on l'a déjà dit, ne faisait pas peur aux guerriers. À un certain point, il devint même ami avec l'esprit du cimetière qui le voyait venir et repartir régulièrement.

- Fai chié ! A chak foi, fo se retapé le trajé juska son cor, s'agaçait Darkill qui, loin de Badorin, était moins vigilant sur l'orthographe.

- Si tu n'as pas peut de souffrir du mal de la résurrection, proposa l'esprit, je peux te ramener à la vie ici.

- C koi, le mal de rénérection ? demanda Darkill qui s'était encore emmêlé les doigts sur son clavier.

- Et bien, tu vas perdre 75% de tes capacités pendant 10 minutes, ainsi que 75% de durabilité sur ton équipement.

- t ouf, toi !

Darkill avait déjà du mal à survivre avec son plein potentiel, il savait qu'il ne ferait que quelques mètres si on réduisait ses capacités et que son armure était en lambeau. Il refusa l'offre, d'autant qu'un autre souci se posait.

- Pis on marche enkor moins vite vivant ke mort.

Il n'avait toujours pas de monture, et courir à 2 à l'heure le saoulait déjà prodigieusement. En spectre au moins, il pouvait rejoindre son corps à une vitesse fantomatique un peu accélérée.

Au même moment, dans les cuisines de la tour de guet, Badorin, au sens de tact si subtil, tentait de retourner la corvée de patate à son profit, en menaçant le cuistôt. Avec un peu de chance, il l'effraierait assez pour échapper à sa punition quelques heures avant l'heure prévue. Il étala ses arguments avec pédagogie.

- Bon ! Je t'ai fait des frites, des pommes sautées, des pommes au four, des pommes noisettes, et tu vas toujours pas me donner un niveau 2 en cuisine ?!

- Bon ! Je t'ai fait des frites, des pommes sautées, des pommes au four, des pommes noisettes, et tu vas toujours pas me donner un niveau 2 en cuisine ?!

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On en revenait toujours à prendre des niveaux. Quitte à bosser, Badorin espérait au moins en retirer quelque avantage.

- C'est à dire qu'il faudrait encore faire des pommes de terres rissolées. Et le capitaine voudrait du rabiot de frites.

Le cuisinier, suspendu à la poigne de badorin qui l'avait attrapé par le col et soulevé de terre, n'en menait pas large.

- Je vais lui coller quelque part, les frites moi, au capitaine ! Il a de la chance que je veuille ce niveau de cuisine, maintenant que j'y suis !

Devant la tour, Darkill vînt enfin rendre ses quêtes durement accomplies. Il posa ses comptes rendues d'activité sur la bureau de Torgnol.

- Comment ça, il a toujours pas fini ?! s'étonna-t-il. Ça fait 3 jours, non ?

- Il lui reste une dernière tâche à achever, répondit le capitaine. Ça vient, ces frites ?! hurla-t-il à l'adresse des cuisines.

- Et moi, je fais quoi ?

- Tu m'as l'air d'un gars bien. Tu vas m'apporter ça à Critempête.

Torgnol tendit un parchemin à Darkill, enroulé et cacheté de cire. Darkill s'en saisit, et appréhenda le très long trajet qui le séparait de la capitale. L'aller-retour à pied allait être interminable. Le capitaine se leva et lui indiqua un enclos au pied de la colline.

- Pour le voyage, pas besoin d'y aller à pied. Tu n'as qu'à te présenter au maître des griffons, juste à l'extérieur du village.

Son premier vol en griffon ! Darkill exulta. Après ce baptême de l'air, il pourrait emprunter à sa guise les trajets aériens entre les points géographiques qu'il aurait visité, et gagner ainsi un temps fou. I dévala la colline et se précipita avec entrain.

Après tout, qu'est-ce qui pouvait mal se passer ?

WaoW, tome 1 - Les CrèveminesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant