Wellington, Terre, mercredi 16 mai 2356
Un espace flottant au milieu d'un océan d'étoiles, de galaxies et de nébuleuses... L'illusion projetée par les écrans recouvrant les quatre murs de la salle troublait les perceptions, effaçant tout repère concret dans la douce semi-pénombre des lumières tamisées.
« Ce que vous essayez de me dire, prononça soigneusement la femme d'une voix tranchante, c'est que vous n'avez toujours pas d'informations sur la situation ? »
Elle se pencha en avant, les mains à plat sur la surface glacée de la table de verre. Ses yeux noirs et élégamment fendus d'Orientale brillaient comme deux pierres froides dans son visage lisse et sans âge, sous le casque luisant de courts cheveux sombres. Son interlocuteur, grand et grisonnant, tourna à contrecœur vers elle le tranchant de son visage étroit :
« Notre agent devrait bientôt nous contacter, Madame. »
Le troisième occupant de la pièce s'agita nerveusement sur sa chaise profilée. Plus révélateurs que l'uniforme banalisé, son cheveu ras, ses épaules carrées et ses traits rudes et déterminés trahissaient le militaire de carrière :
« Que peut faire un seul individu contre une vingtaine d'hommes d'équipage ? Nous aurions dû prévoir une embuscade, directement à la sortie de la phase... »
La mince silhouette en combi-tailleur se redressa comme une vipère insultée et le coupa d'un ton sec :
« Et attirer l'attention de la moitié de l'Intermonde ? »
Sa main fine esquissa un geste d'agacement :
« Réfléchissez, Colonel. L'écho énergétique d'un combat serait perçu dans le secteur, même par des vaisseaux en phase supraluminique. »
Un sourire étira ses lèvres, sans s'étendre à son regard :
« Nos amis ont commis l'erreur de rassembler un équipage presque uniquement constitué de Spartans d'un même naissain. Leur signature génétique commune permettra à la toxine d'entraîner une apoptose foudroyante. Autrement dit, la destruction de leur ADN.
— Et elle n'affectera pas notre homme ? demanda le militaire en haussant un sourcil sceptique. Vous avez modifié son génome ? »
En dépit de sa tension apparente, l'homme aux cheveux gris ne put réprimer une moue de satisfaction :
« C'est inutile. Il est immunisé par des bio-défenses nanotechnolo-giques. Une fois la toxine libérée, le reste sera un jeu d'enfant. Il n'aura plus qu'à activer la fréquence protégée.
— Nous nous contenterons alors de cueillir le vaisseau... », ajouta la femme en souriant.
Son visage reprit sa sévérité :
« ... et de nous assurer que le Projet A2-12335 ne nous échappe plus. »
***
Dans l'Interspace, mercredi 16 mai 2356
Le Spartan assis dans le poste de pilotage rentrait la programmation du prochain saut quand une fine brume jaunâtre s'échappa des conduits d'aération, vite dispersée dans l'espace confiné. Dans la minute, ses mains hésitèrent sur les touches de l'ordinateur de vol. Il secoua la tête, comme pour dissiper une légère somnolence, puis reprit sa tâche, plus laborieusement cette fois.
Dans l'une des coursives, deux militaires au visage presque identique ralentirent légèrement leur allure avant de tituber. L'un d'eux prit appui sur la paroi et se tourna vers son compagnon qui venait de tomber à genoux sur le sol métallique.

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PARADIS XXIV
Science FictionLe capitaine Phillip "Lock" Lockhart , officier des forces spéciales de l'ISO (Interworld Security Office), est chargé avec son équipe d'enquêter sur la disparition de plusieurs Spartans, des soldats génétiquement modifiés. A l'autre bout de l'espac...