PARADIS XXIV

CHAPITRE XXII - LIBERATION

Banlieue de Vancouver, planète Terre – Quartier général des ISOSF, mercredi 23 mai 2356.

« Tu en es sûre ?

— Pas à cent pour cent, non... avoua Berry en repoussant une longue mèche de ses yeux. Mais rien de ce que j'ai pu trouver dans la biographie de Muhunga n'explique ce niveau de confidentialité. Personne dans sa famille ou son entourage proche n'occupe une fonction à responsabilité majeure. Et aucun des postes qu'elle a occupés n'était assez sensible pour le justifier. »

Lock pianota soucieusement sur la surface glacée de son bureau : il espérait que cette piste ne se révélerait pas sans issue. Tant qu'une possibilité n'était pas confirmée, elle ne demeurait rien de plus. De toutes les façons, la découverte de Berry comportait au moins un point positif : la jeune femme lui parlait de nouveau.

« Une raison médicale, peut-être ?

— Elle est dans l'armée, Lock... répliqua la comptech d'un ton ennuyé. Si elle souffrait d'une pathologie particulière, elle aurait été réformée.

— Pas forcément : elle remplit des tâches administratives. Elle peut aussi être porteuse saine d'une anomalie génétique non rectifiée. »

Berry se recula dans le fauteuil, bras et jambes croisés, une moue contrariée sur le visage : elle n'avait manifestement aucune envie de voir ses belles théories réduites à néant par une explication toute simple.

« Il y a un moyen de vérifier ? demanda-t-elle enfin, le regard décidé.

— En passant par Natacha. En tant que directrice du centre médico-psychologique de l'ISO, elle possède les compétences et l'habilitation nécessaires à l'examen de données médicales. Mais pour cela, nous devons effectuer une demande officielle auprès de la hiérarchie. »

Berry secoua la tête :

« Trop long. Il y a d'autres manières... »

Lock appuya les avant-bras sur son bureau et se pencha vers la jeune femme :

« Pas question, déclara-t-il en détachant chaque syllabe. Comme tu le sais, j'ai eu assez d'ennuis avec les affaires de confidentialité médicale. Même si le contexte n'était pas le même, je ne veux pas de ça. C'est bien compris ? »

La jeune femme piqua du nez et eut la grâce de paraître juste un peu contrite.

« C'est compris, Lock, fit-elle avec résignation. Je vais solliciter l'aide de Natacha, si tu es d'accord pour valider la demande.

— Aucun problème, du moment que tu suis la procédure. »

Berry se leva, la mine contrariée à l'idée de se plonger dans les redoutables formulaires de service, mais elle hésitait visiblement à partir. Le capitaine haussa un sourcil interrogateur.

« Des nouvelles des autres ? lança-t-elle enfin.

— Un appel de Cid : Tob et elle devraient atterrir dans une heure.

— Et Rag ?

— Toujours à Marina.

— Qu'est-ce que tu comptes faire, quand il rentrera ? »

Les yeux pâles de la jeune femme le vrillaient, scrutateurs. Avec ses capacités hors-norme et sa réserve, Rag était la dernière personne que l'on aurait songé à protéger. Pourtant, Berry veillait sur lui comme une louve, surtout depuis qu'il avait failli mourir en la couvrant lors de cette dramatique mission sur Arcadia. Lock passa une main sur le bas de son visage, tentant de dissimuler sa contrariété. Il détestait ce genre de conversation et s'il avait des comptes à rendre, ce n'était certainement pas à la jeune comptech.