CHAPITRE X - CONCILIATION

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Marina, Astroport de Vancouver, planète Terre, 23 mai 2356.

La navette libéra ses passagères non loin de la silhouette globuleuse du Moonshine Runner. Mirella lança un regard en biais vers sa compagne : Becka s'était montrée étrangement taciturne durant le reste du trajet. La mécanicienne arborait une expression préoccupée qui ne lui ressemblait guère. La jeune fille, de son côté, avait retrouvé une certaine forme de sérénité. La confiance qu'elle plaçait dans l'équipage du Moonshine – et Jerem en particulier, lui donnait bon espoir de ne pas être abandonnée sur Terre. L'ancienne runner toucha du bout des doigts la bande argentée à son poignet : elle s'étonna une fois encore de ne pas même la sentir. La texture soyeuse était presque la même que celle de la peau douce et mate.

Becka ne prit pas la peine de s'annoncer. Elle déverrouilla la porte et gravit la passerelle inclinée qui menait au sein de leur microcosme familier. Mirella, à quelques pas derrière, ne distinguait d'elle qu'un dos aux muscles crispés, une nuque raidie. Ses mouvements ne montraient rien de leur habituelle souplesse.

Le premier, Jerem se porta à leur rencontre, un large sourire éclairant son visage, les yeux brillants de soulagement. Il laissa son regard glisser sur sa mécano pour se poser sur l'enfant prodigue du jour. Il saisit l'épaule de Mirella et la contempla gravement des pieds à la tête, comme pour s'assurer qu'elle était bien entière. Satisfait de ce qu'il voyait, il sourit de nouveau, pressant affectueusement le bras de la jeune femme.

« Eh bien, tu peux te vanter de nous avoir fait peur ! », lança-t-il d'un ton de reproche, démenti par l'éclat de ses prunelles bleu-gris. Derrière lui, Josse se matérialisa soudainement. Le vieux travler poussa un hululement d'allégresse avant d'envelopper la revenante dans l'étreinte vigoureuse de ses bras noueux : « Hey, Gal ! J'ai jamais été aussi heureux de te voir ! »

Mirella ferma les yeux, attendant stoïquement que l'enthousiasme du vieil extraterrien retombe avant de se dégager en douceur : « Je pourrais dire la même chose, Josse. Je n'aurais pas supporté une minute de plus de l'hospitalité des Blackies. »

Les yeux pâles de Niemeyer s'élargirent : « Ils ne t'ont rien fait, au moins ?

— Non, ne t'inquiète pas... Tout va bien. »

Comme pour en obtenir confirmation, Josse se tourna vers Becka, qui demeurait en retrait, étrangement silencieuse : « T'es la meilleure, Chef !

— Je n'y suis pour rien, Josse », répliqua la mécanicienne d'un ton brusque.

Trois regards convergèrent vers elle avec étonnement.

« Tu es sûre que tout va bien ? » demanda Jerem avec une pointe d'inquiétude.

Mirella soupira et, levant son poignet gauche, exhiba la bande brillante qui le ceignait : « Il y a juste ce petit souci. »

Elle laissa retomber son bras et bougea nerveusement son poids d'un pied sur l'autre. Les sourcils de Jerem se froncèrent : « Ils ont quelque chose à retenir contre toi ? »

Elle baissa la tête, incapable soudain d'affronter leur regard : « Ils ont trouvé sur moi mon ancien décodeur, avoua-t-elle. Il n'était même pas réactivé, il n'y avait plus rien dedans depuis des lustres... Ils attendent juste de voir si je suis liée à leur... investigation...

— Ce qui n'est pas le cas ? », demanda son capitaine d'un ton pressant.

La jeune femme se redressa, offusquée : « Bien sûr que non !

— Sauf, objecta Becka, prenant spontanément la parole pour la première fois depuis leur retour, si cette enquête est liée de près ou de loin à Mika. »

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