Marina, Astroport de Vancouver - Poste de contrôle, planète Terre, dimanche 20 mai 2356.
« Garret Pryce... Né à New York, le 31 mai 2336..." déchiffra le garde de sécurité de l'astroport sur le passe qu'il examinait.
« Ce n'est pas la peine de me faire la lecture, lança insolemment le jeune homme en face de lui. Je connais tout ça. »
Le garde introduisit la carte dans son lecteur, observa le contenu sur l'écran, la désengagea et la retourna encore deux ou trois fois. Enfin, il leva un regard brûlant de mépris sur le garçon.
« Si j'étais toi, je ne pousserais pas ma chance, runner, siffla-t-il. Un de ces jours, on aura à nouveau le droit de faire des rafles. Et là, tu ne feras plus le fier... »
Le jeune homme se contenta de lui lancer un regard profondément ennuyé sous ses cils baissés, lourdement chargés, comme sa courte chevelure, de cosmétique argenté. Des lentilles réfléchissantes transformaient ses yeux en d'inquiétants miroirs. Avec les implants de synthéchair métallique qui épousaient ses pommettes et redescendaient le long de ses joues pour encadrer ses lèvres teintes en noir, il semblait à peine humain. Le garde en avait vu d'autres : les runners prenaient un soin tout particulier à adopter une apparence aussi offensante que possible pour les honnêtes citoyens.
« De toute façon, on te retrouvera crevé au fond d'un container bien avant, peut-être même avant tes vingt ans », poursuivit-il avec hargne.
Il lança le passe au visage du jeune trafiquant, qui l'attrapa habilement avant de lui adresser un sourire d'autant plus carnassier que ses canines avaient été recouvertes de jaquettes d'acier en forme de crocs.
« Vous êtes tellement aimable... Je me souviendrai de vous », susurra le runner en rangeant la carte dans une poche intérieure de son long manteau noir, dont toute la surface avait été décorée d'arabesques de fils électriques et de câblages. Il pivota sur les talons surélevés de ses bottes plaquées de fragments de métal et se dirigea vers les quais.
« Comme si tu me faisais peur, maugréa le garde. Saleté de vermine... »
* * *
Marina, Astroport de Vancouver, planète Terre, dimanche 20 mai 2356.
En quittant le poste, Garry ne put réprimer un petit rire. Le garde aurait pu essayer toutes les vérifications possibles, il n'aurait trouvé aucune fraude décelable. Le jeune homme avait un vieux compte à régler avec les brutes décérébrées que les astroports employaient pour assurer un semblant de sécurité. Quelque chose à voir avec un pistolet déchargé presque à bout portant sur sa poitrine, trois ans plus tôt, à la suite d'une rafle qui avait mal tourné. Il stoppa net, ferma les yeux et prit une profonde inspiration, tentant de bannir ce souvenir oppressant de sa mémoire – du moins à courte échéance. Même le fait de savoir que la garde en question avait eu des ennuis – de gros ennuis – qui avaient prématurément mis un terme définitif à sa carrière n'était pas particulièrement réconfortant.
À cette époque, il n'était encore qu'un rat de caisse, un de ces gamins laissés pour compte qui survivaient de chapardage et d'expédients dans les astroports. La plupart des rats de caisse n'atteignaient pas l'âge de la majorité. Le taux de longévité des runners n'était pas meilleur. Il ne se passait pas un jour sans que le corps d'un des jeunes trafiquants qui hantaient Marina ne soit retrouvé derrière un hangar ou dans les eaux de la baie. La police de Vancouver n'enquêtait même plus et pour la sécurité de l'astroport, chaque cadavre de runner... ou de rat de caisse était un problème en moins. Personne n'avait envie d'interférer avec un système qui profitait à pas mal de monde à tous les niveaux, sauf le plus bas, bien entendu.
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PARADIS XXIV
Science FictionLe capitaine Phillip "Lock" Lockhart , officier des forces spéciales de l'ISO (Interworld Security Office), est chargé avec son équipe d'enquêter sur la disparition de plusieurs Spartans, des soldats génétiquement modifiés. A l'autre bout de l'espac...