PARADIS XXIV

CHAPITRE XIII - TRANSMISSION

Astroport de la cité de Candida, planète Lumen – navette Paragon, lundi 21 mai 2356.

Sur l'écran de communication, le Marine General Jan-Thor Carsen reposa la tablette de lecture qu'il tenait à la main et examina l'image que lui transmettait son propre moniteur ; il inspecta les cheveux sombres lâchés sur les épaules, le discret pendentif d'aventurine, la combi-robe épousant les courbes du corps mince, le maquillage subtil...

Enfin, il déclara :

« Tu es sur Lumen.

— Oui, fader. »

Les vigoureux sourcils blonds se froncèrent :

— Tu n'es pas de service ? »

Cid se crispa légèrement, en espérant que sa gêne d'avoir à mentir échapperait au regard implacable de son interlocuteur :

« Non... Des amis m'ont proposé une virée expresse sur Lumen et Gaïa. Je pensais refuser, mais le capitaine Lockhart a accepté de m'accorder quelques jours. »

Jan-Thor Carsen pencha légèrement la tête sur le côté et plissa les paupières :

« Vraiment, Cidryn ? Je me suis pourtant laissé dire que ton équipe effectuait une enquête des plus... sensible. »

Au moins avait-il eu le bon goût de ne pas s'étonner qu'elle prétende avoir des amis. Elle se pencha légèrement en arrière dans son siège et passa la main dans sa chevelure :

« C'est vrai. Mais pour le moment, nous sommes bloqués par des considérations juridiques. Mon absence ne changera pas grand-chose... »

Elle se félicita de ce ton désinvolte presque convaincant. Dans l'angle mort du champ de com, elle vit Rag esquisser à son attention un signe d'encouragement, pouce en l'air.

Le Marine General se pencha en avant, les bras croisés sur son bureau :

« Voilà qui est fâcheux. Cela dit, j'ai toujours pensé qu'il serait bien plus simple que la Marine règle ses propres problèmes. »

Cid serra les dents devant tant d'hypocrisie. Son père avait critiqué leur intervention auprès de leur propre supérieur et volontairement bridé leurs capacités d'investigation au sein de l'ISM, leur laissant pour seule marge d'action le recours à des méthodes peu orthodoxes.

« Reconnais-le toi-même, poursuivit-il dans une ostensible manifestation de sagesse paternelle, ton capitaine n'a pas la moindre idée des usages en vigueur dans nos rangs. Il y est resté trop peu de temps... Un temps qu'il a surtout employé à tout faire pour quitter la Marine. Je ne prétends pas qu'il n'est pas compétent, mais ce n'est pas son domaine ! »

Il secoua la tête avec une expression ennuyée :

« Regarde... Il n'a pas hésité à laisser un... un Archange interroger un de nos sous-officiers. Comment crois-tu que cette femme a pu ressentir le fait d'être questionnée par un genhum ? Et toi, ajouta-t-il avec un regard accusateur, tu n'as rien fait pour l'en dissuader. Tu aurais dû intervenir. »

Elle le fixa, incrédule. Une dizaine de répliques, irritées, acerbes, lui vinrent à l'esprit. Pour calmer le tremblement nerveux qui s'était emparé d'elle, elle serra ses poings posés sur ses cuisses, jusqu'à sentir ses ongles pénétrer dans ses paumes. Elle força un sourire pincé :

« Oui. Vous avez raison, fader, j'aurais dû remettre en cause mon supérieur direct devant le personnel de la Marine et questionner les capacités de mon coéquipier. Ce qui va certainement dans le sens de tout ce que vous m'avez appris. »