Mia

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Mia jouait tranquillement avec ses poupées de porcelaine dans sa chambre. Elle s'amusait à échanger les vêtements de Katherine et de Jade, de Lucille et de Margareth. La robe jaune bouffante de Katherine coinçait au niveau de la taille de Jade et Mia s'appliqua durant de longues minutes à l'enfiler sans la déchirer.

Une fois qu'elle eût terminé, elle disposa ses quatre poupées en ligne devant elle et les admira d'un regard plein de fierté : sa poupée préférée était Lucille, et c'est vrai qu'elle avait tout pour plaire avec ses soyeux cheveux auburn et ses yeux vert pomme. Mia l'avait habillée d'une robe vert d'eau qui mettait en valeur l'éclat frais de ses prunelles.

Mais la petite fille aimait aussi énormément ses autres poupées : Jade, avec ses cheveux noirs à la garçonne et ses yeux charbonneux, Katherine, ses belles boucles rousses, ses yeux vert sombre et sa robe grise empruntée à Jade et Margareth, sa deuxième poupée préférée, qui la ravissait de ses longs cheveux blonds ondulés et des ses yeux bleus comme un ciel d'été. Elle l'avait vêtue pour la journée d'une légère robe blanche sans manche, un de ses vêtements préférés.

Mia sourit de bonheur devant ses mignonnes petites poupées et deux fossettes se dessinèrent sur ses joues rosées. La petite file se leva, ce qui secoua ses courtes boucles blondes et souleva un nuage de poussière à l'endroit où sa longue jupe avait fouetté.

Elle observa la chambre de son regard bleu pâle : tout était grisé par cette couche de poussière omniprésente, l'immense armoire qui lui faisait face n'avait pas été ouverte depuis longtemps, son lit dans son dos était si bien fait que Mia n'avait osé le toucher, si bien qu'une fine pellicule de poussière le recouvrait telle un drap et la lumière filtrée par la grande fenêtre cintrée éclairait les particules poussiéreuses qui flottaient dans l'air. Mia tapa des pieds sur le tapis et observa les retombées de cette laine grise et filandreuse avec amusement.

Elle jeta un dernier coup d'œil vers ses poupées toujours bien alignées et sortit en sautillant gaiement de sa chambre. Sa longue jupe frottait contre le parquet, emportant avec elle la poussière et laissant la marque de son passage.

Après la porte de sa chambre, Mia déboucha sur le couloir de l'étage qui comportait deux portes de chaque côté et un grand escalier de bois qui conduisait au rez-de-chaussée. Il y avait également une échelle raide d'un côté de l'escalier qui permettait de monter au grenier. Exactement en face de l'escalier, une immense fenêtre cintrée apportait une clarté grisâtre à l'endroit.

Une fois de plus, Mia s'étonna de la quantité de poussière qui se déposait dans la maison en si peu de temps ; elle était moindre dans sa chambre car la fillette y passait le plus clair de son temps, mais les pelotes et les moutons de poussière stagnaient volontiers là où Mia n'allait jamais. La petite fille n'osait imaginer l'état du bureau, où ses parents lui interdisait d'entrer, et encore moins celui du grenier, où personne ne se rendait plus depuis bien longtemps et surtout pas Mia, qui craignait qu'un fantôme n'y habitât.

Mia poussa un soupir qui résonna faiblement dans le vide de la maison. Elle décida de descendre voir dans le salon et la salle à manger si ses parents n'étaient pas revenus. Elle s'inquiétait un peu plus chaque jour de leur retour depuis leur départ.

Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait vu leur visage, entendu leur voix. Parfois, elle rêvait qu'ils revenaient à la maison, la calèche avançant en cadence sur l'allée de pierre qui menait à l'entrée depuis le grand portail, ses parents s'extasiant de la beauté du jardin entretenu avec soin par le jardinier italien, apercevant Mia sur le pas de la porte, son père la soulevant de terre et la faisant tourner dans des bras, sa mère l'embrassant sur le front, la famille enfin recomposée entrant dans la maison, son père remerciant le majordome anglais de s'être si bien occupé de sa petite fille, sa mère félicitant la bonne pour la propreté de la maison et enfin la famille réunie autour d'un bon repas de la cuisinière espagnole. Mais tout cela n'était que rêve et Mia ouvrit brusquement les yeux, rompant le charme.

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