Pyramidae

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La complexité de la structure pyramidale de son état de nervosité commence à prendre forme dans toute sa splendeur. L'énergie dispensée par les particules neutrino envahissent ses membranes à l'instar d'une glace naturelle, terriblement chaude par effet contrasté. Sa peau emplie de papules se gonfle au fur et à mesure que le frisson se répand, annihilant ses défenses. Blanche, elle semble attendre en silence que la vie reprenne. Evacuant le reste du monde, concentré sur les émotions sensibles, il ferme ses yeux en biais, doux marron, profonds et tristes.

Je l'avais rencontré avec ses yeux, sans remarquer leur devise et leur assiduité. Mais leur expression nette. Comme une auréole se greffant sur son front, il devenait majestueux, la richesse pleine d'un gourou princier. Son visage confine au conflit d'un autre monde. Il était traversé. Et je posais ma bouche, suçais son dos, lénifiante.

Mon intérêt avait changé de cible. Je reposais désormais toute mon attention sur lui. Les rêves avaient repris, la peur aussi malgré tout, incontrôlée, de ne pas savoir satisfaire. J'argumentais ma théorie par mon expérience passée, les douleurs au ventre, le nez engourdi, les larmes faciles, la sensation éternelle d'appartenir à une autre surface. Je ne jugeais l'amour que sur l'émotion. La pression de ses doigts, les fourmis qui traversent mon corps de l'intérieur, les artères s'élargissent et le flux sanguin redouble pour construire une montagne de sable et un trou béant au milieu, une géode dans mon abdomen. Amen. Je lui concède, je reconnais en lui quelque chose de doux sauvage qui m'avait tant manqué. Et ses dents abîmées qui rendent son sourire encore plus dévastateur. J'ai toujours trouvé plus belles les dents cernées. Sa mâchoire est carrée comme un glacier. Souvent, je le regarde et puis je ris. Grande nouvelle. Je ris de sa lèvre frémissante, son regard perçant qui semble courir des plaines en feu pour en sauver les herbes folles, son expression sardonique toute entière provoque mon rire franc mais je ne joue pas. Au fond je doute, mais lui-même m'a appris m'a répété sans cesse ce que l'on m'avait déjà dit, douter des autres c'est d'accord mais de soi « jamais-non ». Je ne sais pas de qui je doute à ce moment-là. De lui ? De moi ? De l'exactitude de nos sentiments ? Où est la marge ? J'évanouis mon cerveau, les pulsations sont plus douces, le rythme est dansé en dedans. On s'enlace à se faire fondre. Les reins se soulèvent, les hanches qui cassent, le bruit frotté des draps. Je flotte. Je me lèverai le lendemain en attendant la nuit.

Ce petit amoureux miaule comme un chat et grogne comme un lynx. C'est un loup en définitive. Je le revoyais une semaine après en avoir été séparée, pour mon plus grand bonheur. Incapable de m'énerver devant tant de silence. On aurait dit qu'une fusée avait été envoyée pour se coller à nos lèvres. J'avais le ventre suave rien qu'à le regarder, une beauté improbable, une sensualité folle. Il me faisait un effet dingue, et j'en étais désarçonnée. J'aurais pu tout quitter pour ne vivre plus que ça. Je repensais à ce même courant qui pouvait m'emporter, et ne pouvais m'empêcher de vouloir m'y substituer par peur de la même finalité. Je m'en retournais à ces mêmes réflexions, cornéliennes à souhait. Que vaut-il mieux choisir ? De s'en aller vivre partout ailleurs où la vie est douce d'eau, polie comme un rocher de plage. Ou la voie royale du solitaire moderne, avec un travail qui régale, dans tous les sens du terme. Mêmes problématiques, même cerveau éconduit, même saveur dans la bouche. Le feu dans les veines gorgées de chatterie. Il me demandait de penser au futur, il voyait ce que j'avais dans les yeux, me voyait rougir dans le noir. Excité de tant de frénésie qu'il pouvait me saisir, il m'embrassait de plus belle. Et je frisais l'armistice dans ses bras. J'étais dans un état de plénitude parfaite. Il ne manquait plus qu'une pinède au bord de l'océan, et j'aurais vécu un prodigieux songe. Je ris en écrivant cette phrase, comme je ris dès que je le vois, avec sa petite bouche charnue que j'aime tant avaler dans la mienne. Et comme à chaque fois, je ferme les yeux de grâce.

J'ai la chaleur de son souffle dans ma nuque. Il s'est mis là, son front tropical contre l'orée de mes cheveux. J'essaye de m'endormir, bercée par sa respiration, mais l'odeur de sa peau m'enivre et je ne pense qu'à une seule chose. Je reste immobile, nos mains enlacées. Il soupire, frémit. Ses muscles se détendent et vibrent dans le lit. Je sursaute. Je ferme mes paupières plus fort, cherchant le noir derrière mes yeux, mais il est transpercé de lumière. Je me lève, me recouche, parle à Morphée. Je lui susurre des mots doux, implore sa gratitude. Puis lui dit que je m'en fous, après tout, je me passerai volontiers de lui. Je réfléchis, je réfléchis à arrêter de réfléchir. Je fléchis mon genou, je change trente-six fois de position, je me relève. A petit pas de petits pieds, je vais scruter mon reflet dans le miroir de la salle de bain. Je n'ai même pas l'air fatiguée. Très bien. Je retourne m'enfouir sous les draps. Je touche ses hanches. J'essaye de m'imaginer ses rêves. Sa mélopée me comble. Je m'endors.

Le désordre des ombresWhere stories live. Discover now