C'est l'anniversaire de JaänaDa aujourd'hui. Je pense à nos naissances et à la renaissance. A nos corps en pleine mutation, les fleurs de nos raisons. Ces nénuphars qui vivent à l'intérieur. C'est Loup qui me parlait de cerner sa raison, mais peut-on la cerner quand on sait que le corps change de langage lorsqu'il est compris ? Peut-on cerner sa raison quand on sait qu'elle dépasse le corps, qu'il ne la contient pas, et que nous non plus. C'est mélancolique. Comme une fleur. C'est joli et beau à la fois. Et ça trompe l'œil. A ce propos, je me suis longtemps demandé comment un aveugle peut-il avoir conscience de son corps ? Sans regard, comment s'épuise sa confiance ? Toute cette question de perception a perdu son sens, et la relativité avec elle. Plus rien n'est projeté, plus rien n'existe dans l'espace. Il n'y a plus de reflet, mais bien que de l'ombre. Et l'œil ne fait son travail que de l'intérieur. C'est étrange quand on y pense, la vie d'un aveugle. S'il est comme moi parcouru de visions, de couleurs, il doit passer son temps à les voir se bousculer sans arrêt, dans un souffle constant, comme une étoile filante. Ça doit être doux, de faire affaire avec tant d'énergie tout le temps. La douceur aussi dépasse le corps, c'est ce qui fait la beauté d'une chose je crois, sa douceur. Et c'est ce que doit percevoir un aveugle. Un monde où il doit faire chaud tout le temps, imaginez-vous, un monde dépourvu de glaces.
Ça recommence, j'ai des frissons j'ai des visions. Je n'ai plus envie de rien faire que de me laissée parcourir de ces sensations. Je ferme les yeux. Le bruit de l'eau, qui frotte contre un rocher. Dans tous les sens ça dégouline. Et comme une étoile de mer, je plane. Je me remémore un vieux rêve. Je suis en visite d'un site archéologique, près d'un désert. Sur une île, on est plusieurs. Au moment de partir, il faut passer par une trappe (faites moi pensez à vous parler d'Alice), elle se referme devant moi. Je me retrouve seule, je décide de partir à la nage. J'arrive sur la plage voisine et une dune de sable attend que je l'escalade. Puis je change d'univers et me retrouve dans une ville, Paris ? Je rencontre un beau garçon puis je prends le bus, je me retrouve en compagnie de Custine et doit l'aider à poursuivre quelqu'un. Asia est complice. C'est étrange, tous ces rêves. Plus bizarres les uns que les autres. Où je fais tout ce que je n'ai pas le temps de faire en vrai, ou que je n'ose pas que sais-je, je ne dors pas je rêve. Je voudrais une pause, quelque chose qui s'étend dans l'espace à l'infini, comme un chewing-gum qu'on tire, un bien rose, bien mouillé. Je veux pas redescendre du manège, bon Dieu.
Un trou dans le temps, une ellipse spatiale.
Et cette phrase me frappe. Je revois le port d'Honfleur. C'est le fouillis dans mon crâne. La pesanteur et le drame. Je repense à Loup. Je n'ai plus que lui, dans mes idées du jour et la nuit dans mes rêves. Revoir sa gueule d'ange, les cheveux en arrière, le regard vaste et au plus profond du vide. Je repense à nous. Trouver l'extase en touchant la peau. La bouche, le désir qui se tord au bout des lèvres. Marcher dans Paris, les doigts emmêlés, les pas rapides, le regard loin, le silence autour, la nuit. Un soir, deux fois, l'une puis l'autre, apparition brutale de la beauté.
J'arrivais si bien à l'oublier, mais votre présence, cher ami, à ravivé en moi des sentiments bien profonds. Je suis indigne, cher ami, de votre amour. Je suis indignée, et je le concède, c'est ma faute peut être avant d'être la vôtre, mais peu importe désormais. Alors, c'est quoi ? Je l'aime sans infini. Ça dure et ça continue. Mais cher ami, voyez donc vous-même, je me pâme pour un mâle pourtant c'est lui, lui seul que j'aime. Comment faire, un tel prétentieux ? Je ravive des pensées mais trop vite elles sont ternies par d'autres. C'est automatique, pourrais-je l'enlever ? S'il vous plaît, rien n'est immuable, cher ami. Mais je me perds, je dérive. Je suis romantique. Et je repense à tous ces petits bateaux. Le port d'Honfleur,
c'est bleu.
Le temps a perdu sa vertu. Ce n'est pas comme d'habitude. Je suis libre désormais, et je suis perdue. J'avance en tremblant de côté. Je suis bancale, où est passée mon arme fatale. J'ai mal au deuxième cœur, à droite plus sur la gauche, voilà. Une forêt, et c'est le noir désir qui s'emmêle. Je ravive le feu au centre, c'est là que ça tire. Je rock and roll de l'intérieur. Et c'est bon de revivre, de Dieu, que c'est bon. Je ne vous ai pas encore parlé d'Alice. Pourtant elle est présente partout ces jours-ci. Je l'avais réclamé, je l'ai eueAlors, Alice, avec son bout du nez sale et ses petites dents. Sa bouche en m et ses regards charmants. Alice s'est perdue dans une forêt elle, aussi. Elle court après un lapin, ce qui n'est rien. Alice, tu aurais donc tout compris. Tu mets la naïveté à rude épreuve, ne lui concèdes-tu rien ? Et c'est le lapin qui se mord la queue tel un serpent. La déesse grecque est à terre, elle regarde le spectacle avec émoi et dédain. Que lui apprend-il qu'elle n'avait pas vu ? Tout était là. Merci, mais tu es trop jeune pour être si sage, que fais-tu de tes manies d'enfant, c'est elles qui rendent la vie si belle.
Elle se lève. Rideau.
Elle n'est pas redescendue du manège. Depuis Honfleur. Elle ne veut pas revoir tout ce qu'elle a vu. Les pleurs, les doutes, le conflit et les mensonges qui s'ensuivirent. A eux deux elle s'épuise. C'est toute la misère dans ses yeux, d'un amour qui se meurt. Dans son cœur c'est un puits qui se creuse, un creux baillant qu'elle essaye de remplir. Alors elle danse, elle danse. L'amour est l'amour, c'est le reste qui disparaît. Elle danse, sur son manège, elle suit la courbe, du haut en bas, elle saute les ponts avec grâce. Elle ne s'ennuie pas, sur son manège. C'est quand il faut reprendre ses esprits que ça ripe. Ça s'accroche, ça se noue, et ça reste là.
Pendue à ses drapeaux, elle fait une trêve. Mais ce qu'elle voit n'est pas nouveau, ce n'est pas intéressant. Mais ce qui par fuite, par trouble, n'est pas, ou pas encore tout à fait ; ça, ça a le mérite d'être étudié. Elle démarre ses rêves, ses yeux mi-clos tout seuls se ferment. Au firmament. Elle a le ventre bien rond comme ses pensées qui vont faire des boucles sur elles-mêmes. Elle le sait déjà, elle s'est rendue par avance. C'est le sort prodigieux du saut de l'ange.
***
C'est le mois des espagnols. Ils ont l'air bien, dans leur douceur. Alors je leur souris. Mon sourire se régale d'ailleurs.