Chapitre 1

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Il doit être cinq heures trente du matin, aucun bruit à l'horizon, même pas le roucoulement d'un hibou, ou d'une chouette, aucun bruit dans la maison - ce qui est extrêmement rare - aucun tapage nocturne des voisins, aucuns maux de tête, et pourtant, je n'arrive pas à fermer l'œil... Je décide de descendre les escaliers, et de me poser sur mon piano. Je veux vraiment en jouer, malgré que mes parents dorment.
Mes mains et mon âme me prient pour que je commence à en jouer, et que les magnifiques notes de cet instrument embaument la maison entière. La pression et l'envie sont trop fortes, je décidai alors de poser mes doigts et la musique majestueuse m'emplis de joie et d'excitation. Ma voix ne peut se retenir de s'échappait de ma bouche. Je commençai alors à chanter. Je restai un bon moment comme ceci : les yeux fermés, mes doigts possédés chevauchaient les noires des blanches. Si bien que, je n'entendis pas les pas précipités de mes parents - enfin de ma mère - dans les escaliers pour venir me gronder.
Maman est une femme d'un mètre quatre-vingt, une morphologie en H, des bras, des jambes et tout le corps assez costauds. Ses cheveux noirs parsemés de blancs et de gris lui tombent aux hanches. Elle a le nez pointu, la peau grisâtre, les yeux bleus perçants, les pommettes et les seins qui tombent. Elle n'a pas une silhouette très flatteuse, c'est d'ailleurs pour cela qu'elle fait peur. Elle arrivait sur le perron, les mains sur les hanches, comme pour dire : « Ici, tu es chez moi, alors tu m'obéis ! »
- Ce n'est pas bientôt fini, Anyssa ? Demanda ma mère.
- Quoi ? Je n'ai même pas le droit de jouer du piano, maintenant ? Répondis-je, en haussant les épaules.
- Non, pas à cinq heures du matin, cria-t-elle. Ton père, ton frère et tes sœurs dorment encore.
- Eh bien tant mieux pour eux, alors. Parce que moi, je n'ai pas trouvé le sommeil. Dis-je tout bas.
- Je n'en ai rien à faire que tu ne trouves pas le sommeil ! Pas de piano à cinq heures du mat' et c'est tout ! Va te coucher, ou fais tes devoirs. Tant que tu ne fais pas de bruit, ça me va ! Vociféra-t-elle, en remontant se coucher.

Je ne pourrai jamais me rendormir, c'est sûr et certain. Je décidai de prendre mon petit-déjeuner. Je mis du lait de vache dans la casserole à chauffer. Je préparai mes tartines ; l'une avec du beurre, et l'autre avec de la pâte à tartiner aux noisettes. Je versai mon jus d'orange et de mangue dans un grand verre, et servis mon lait chaud dans ma tasse beige avec des pois blancs. 
Une fois fini, je nettoyai les ustensiles que j'avais utilisé, et je montai dans la salle de bain me laver les dents. Ensuite, je me mouillai le visage avec de l'eau, je mis mon gel nettoyant et purifiant, puis mis ma crème de jour. Je brossai mes longs cheveux noir corbeau étincelants de lumière qui m'arrivent à la taille, et me fis un messy bun. Je ne me changeais pas : je restai en pyjama. Je m'assis sur mon lit, et lu un livre.
Je n'arrive pas à me concentrer, je n'arrête pas de regarder les alentours de ma chambre, la moindre fissure, la plus petite des bosses, et les minuscules bestioles mortes dans ma lampe. Vers sept heures du matin, j'entendis les pieds de quelqu'un qui s'avancèrent vers la porte de ma chambre. « Pitié, pitié, pas mon père, priai-je. »
La porte s'ouvrit en grand, mon père me dévisagea avec mépris. Il fait bien plus froid dans le dos que ma mère ; grand - voire géant - robuste, méprisant, un visage carré, un grand front, des yeux couleur métal, et une force surhumaine. Vous pensez que j'exagère ? Pourtant, il existe bien plus de personnes comme ça dans notre Monde, plus que vous ne l'imaginez.
- Ta mère m'a raconté ton expédition à l'aube, commença-t-il en s'approchant de mon lit.
- Ce n'était pas une expédition, je voulais jouer du piano, répondis-je.
Il rigola d'un son aigu à réveiller les morts, et plongea ses yeux dans les miens :
- Ce n'est pas une raison pour réveiller la maison entière. Tu peux faire du piano quand bon te semble, nous ne t'interdisons jamais !
- Heureusement ! C'est bien la seule chose que vous m'autorisez à faire, rétorquai-je.
Il me flanqua une gifle, me regarda avec indignation, et sortit de ma chambre en claquant la porte. Je m'écroulais sur mon lit, en réfléchissant à ce que j'avais bien pu faire pour mériter des parents comme ça. Et encore, celle-ci ne faisait pas si mal que ça ; j'ai connu bien pire.
Quelques minutes à peine plus tard, ce fut ma sœur Agathe qui rentra dans ma chambre :
- Il s'est passé quoi ce matin ? Demanda-t-elle en s'asseyant près de moi.
Je crois que Agathe est la plus gentille de toute la famille, et ça me change. Malheureusement, elle ne le montre seulement quand elle est avec moi.
- Rien de spécial, j'ai juste joué du piano, répondis-je en haussant les épaules.
-C'est pour ça qu'il t'a baffée ? demanda-t-elle en soulevant les sourcils.
-Tu sais bien que papa frappe pour rien, soufflai-je.
- Surtout avec toi, Any.
C'est la seule qui m'appelle comme ça ici, et l'entendre prononcer ce surnom d'une manière si douce, ça fait tellement du bien.
Elle s'allongea sur mon lit :
- Je crois que je n'arriverai jamais à comprendre. Pourquoi nous on est pas comme les autres ?
- Comment ça ? Demandai-je en me redressant.
- Eux ils sont méprisants, ils te battent, Vic et Sébastien aussi.
-Pas Victoria ni Sébastien. Ils ne me frappent pas. Enfin, de toute façon ils n'ont pas intérêt... rétorquai-je.
- Ça c'est sur qu'il vaut mieux pas qu'ils te cherchent ! Rigola-t-elle.
- Dis-moi sérieusement, que fais-tu réellement ici ? Interrogeai-je en fourrant mes yeux verts émeraude dans son regard noisette.
Elle craqua ses doigts, regarda ses pieds, puis arracha ses peaux mortes de sa lèvre supérieure avec les dents, et me rendit enfin mon regard.
- Je suis venue voir comment tu allais, c'est tout.
- Réellement, Agathe !
- C'est énervant, souffla-t-elle, on peut rien te cacher ! C'est maman, elle voulait que je te dise de descendre dans la cuisine...
- J'ai comme un mauvais pressentiment...
- Je veux pas qu'il te fasse du mal, Any, souffla-t-elle, puis elle se blottit contre moi.
Entre Agathe et moi, c'est elle la plus petite. J'ai dix-sept ans, et elle en a quatorze. Je pense que c'est parce que je suis l'avant-dernière que c'est moi qui me fait taper. Ils n'oseraient pas taper Agathe, parce qu'elle n'a jamais manqué de respect, ou essayé de leur tenir tête, ce qui, j'ai fait depuis l'âge de six ans. Oui, onze ans que cela dure. Ensuite, les deux autres diables qui me servent de frère et de sœur, ils ont toujours été odieux avec tout le monde - surtout avec moi depuis que je suis née - et du coup, ils ressemblent beaucoup aux parents. Jamais ils ne pourraient faire ça à leurs enfants chéris.
- Non, ne t'en fais pas, susurrai-je, je saurai être forte.
Je l'embrassai sur le front, et sortis de ma chambre pour aller retrouver mes parents.

Le bois du parquet craque sous mon poids. Je passe ma tête à l'encolure de la porte, et je vis mon père assis sur la chaise à bascule au milieu de la pièce à m'attendre. J'inspire un grand coup, souffle, puis entre dans la salle.
Mes pieds me trahirent, et mon père se retourna vers moi. Il me regarda d'un regard noir, et sourit d'un rictus méprisant. Je ne pus réprimer un frisson.
- Alors ? Que me veux-tu ? Ma voix se brisa.
Il se leva, et s'avança vers moi.
- Oh, rien... Vraiment. Juste discuter. Tu sais, les mots, tout ça... ?
- Tu... Pourquoi tu m'as frappée tout à l'heure ? Demandai-je en reculant.
Il rigola d'un rire sarcastique, puis un silence s'ensuivit. Puis, d'un coup, comme une tempête, il m'empoigna le poignet. Il rentra ses ongles dans ma chair nue. J'ai envie de crier, je peux presque voir le sang jaillir. Il relâcha un peu son étreinte, et me regarda dans les yeux :
- Ne me redemande plus jamais pourquoi je t'ai giflée. D'accord ? Si je l'ai fais, c'est qu'il y a eu une bonne raison. Et c'était de ta faute, comme d'habitude. Ne t'en prends qu'à toi, insolente ! Cria-t-il.
Il me libéra le poignet, et me donna un coup de poing dans l'épaule. Sa force monstrueuse me fit vaciller.
Je ne pus que regarder mon poignet qui était rouge avec la marque de ses doigts autour, avant de pouvoir réussir à courir à ma chambre, ce dont je me félicitai.

Indésirée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant