Chapitre 5

91 7 0
                                    

  Des heures que je cherche une issue, en vain. Des heures ? Je n'en ai en fait aucune idée. Ici, je perds complètement la notion du temps.
Tellement qu'il fait noir, je ne sais même pas où je mets les pieds. Quoi que je préfère ne pas le savoir, en fin de compte. Au moins une centaine de fois que je fais le tour de cette pièce. Elle est close, sans fenêtre, sans lampe, sans armoire, sans rien. Juste la porte où papa m'a fait passé. Fermée.
Cette pièce doit faire maximum la taille d'une salle de bain normale. C'est-à-dire contenant une douche – ou baignoire – des toilettes, une commode pour les serviettes, et un lavabo.
Je me recroqueville sur moi-même une fois de plus, et attends patiemment qu'on revienne me chercher.
Et si on m'oubliait ? S'ils le faisaient exprès pour ne plus avoir à me supporter ?
S'ils me laissaient mourir de faim, de soif ? Que je mourrai d'ennui ?
J'aimerai tellement en parler à Diane. Mais soit elle ne me croirait pas, soit elle ferait tout pour me sauver. Malheureusement, elle se mettrait dans de beaux draps en voulant m'aider.
Elle a déjà assez de soucis comme ça. Ses parents ont commencé par fumer quand elle est née – il paraît que c'est sa faute, vu qu'elle est fille unique – puis à boire vers ses trois ans. Mais pas boire juste une bière par soir, mais plutôt une dizaine.
Ses parents ne sont pas aussi dangereux que les miens. Pourtant, les miens sont à jeun. En fait, ses parents n'en ont juste carrément rien à faire de leur fille.
Tout ce qui compte, c'est leur argent, boire comme des ivrognes, et aller faire des choses dans le lit.
Du coup, Diane s'y est mise aussi. Elle a commencé à fumer à ses dix ans, quand son père faisait une énorme dépression, et à boire deux ou trois bières par soirées à ses quinze ans, lorsque sa mère a fait une fausse couche.
En plus de ça, elle change de copain de chambre toutes les semaines. Elle n'est plus vierge depuis ses treize ans. Franchement, j'ai vraiment beaucoup de peine pour elle. Ce qui est surprenant, et extrêmement courageux, c'est qu'elle sourit toujours, et ne faiblit jamais malgré ce qu'elle vit au quotidien. Elle pense que ce n'est pas grave, et que tout le monde a déjà bu une bière et fumer avant ses dix-huit ans.
Oui, mais elle ne sait pas qu'elle peut mourir avant ses trente ans.
J'essaye toujours de la résonner, de cacher ses boîtes de cigarettes, mais elle en rachète, et ne m'écoute juste l'espace d'une seconde.
Elle fume et boit pour échapper à la « réalité de sa vie » comme elle dit. Elle fuit les problèmes, en quelque sorte. Elle pense que ça ira mieux.
L'ennui, c'est qu'elle pourra arrêter pendant quelques jours sous mes conseils, mais ses parents recommenceront à avoir des embrouilles quelconques, et du coup, Diane replonge pour se sauver des problèmes.
Encore une fois, personne ne fait attention aux jeunes consommateurs. On voit des publicités, mais c'est une illusion, comme tout le reste de la société. On n'aide pas assez.
C'est compliqué, c'est sûr, mais je pense que personne ne veut vraiment voir les problèmes. La plupart des personnes ne s'intéressent qu'à leur argent et leur travail. Mais qu'y a t-il derrière ? Des enfants, des adolescents, des adultes qui ont mal.
Cela me fait penser un peu au harcèlement scolaire, par exemple. On en parle un peu dans les écoles, mais pratiquement rien aux médias. On raconte juste que c'était l'histoire d'une jeune personne qui se faisait injuriée par ses camarades chaque jours. Depuis, elle s'est donnée la mort en espérant abréger ses souffrances.
On dit que ce n'est pas la réponse à la situation, qu'il faut le régler autrement.
Pourtant, nous n'ignorons pas, personne, que des jeunes se donnent la mort chaque année à cause de harcèlement. Que faisons-nous, encore ? Rien... Nous restons les bras ballants. Pouvons-nous faire quelque chose pour y remédier ?
Je l'espère fort.  

Indésirée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant