Chapitre 14

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J'ignore totalement depuis combien de temps je suis ici, mais le temps commence à se faire long. Il veut peut-être me laisser pourrir ici, qui sait ? Me laisser mourir de faim, ou encore pire, me violer pendant que je suis bien affaiblie pour que je ne puisse pas me défendre. Mais pour ça, il va falloir attendre des jours et des jours. Je serai toujours prête pour me battre. Si ça se trouve, ça fait déjà peut-être des journées que je suis ici, vu que j'ai dormi j'ignore combien de temps.


Pendant que je me morfonds, réfléchis, un homme cagoulé arrive, et me met moi aussi une cagoule, pour que je ne puisse pas voir où je vais, ni repérer d'éventuels repères pour sortir d'ici. Il me détache les pieds, et je vise tant bien que mal sa mâchoire. Il pousse un râle de colère, me soulève en plantant ses ongles dans mon bras, et me jette violemment sur son épaule. Il est baraqué pour réussir à me porter comme ça sur son épaule, avec encore la chaise attachée. Il me pose sur le sol, et me rattache les chevilles.

Il m'enlève enfin la cagoule, et je vois apeurée, une bassine remplie d'eau. Avant que je n'ai pu dire ou faire quoi que ce soit, il me plonge la tête dedans.

J'essaye de me débattre, mais il est beaucoup plus fort que moi, et il a de l'avantage : je suis attachée. Je comprend qu'il ne sert à rien de me débattre, alors je cesse, et il m'enlève la tête de l'eau en prenant mes cheveux. Il me bascule la tête, et il me dit à la hauteur de mon oreille tout bas :

-Ne recommence pas ce que tu as fais tout à l'heure, compris ?

Je hoche maladroitement la tête, et il me relâche les cheveux violemment, manquant tomber. Il m'enlève la corde nouée aux chevilles, puis jette la chaise près de la bassine, dans l'herbe. Bizarrement, la phrase qu'il m'a dit était plus comme un conseil que comme un ordre.

-Qu'allez-vous me faire ? Demandais-je d'une voix qui se voulait assurée, mais qui était tout le contraire.

-Ne t'ai-je pas déjà dit d'arrêter de poser des questions à tord et à travers, inutiles ?

Je reconnaîtrai cette voix pleine de sous-entendus de violence entre mille. Il s'agit de mon père.

Je tourne ma tête vers lui, et je croise ses yeux bleus froids.

-Peut-être que si tu daignais répondre à mes questions, j'en poserai moins. Dis-je hautaine.

Il s'avance vers moi de sa grandeur majestueuse, et me regarde avec indignation.

-Tu es ma fille, tu me dois le respect, insolente !

-Malheureusement... Comme je souhaiterai ne pas l'être... raillais-je.

Il fronce les sourcils, et me flanque une gifle sur chaque joue. L'homme cagoulé tape l'arrière de mes genoux, et je tombe à terre, aux pieds de mon père. Humiliée, mais gardant une pointe de dignité, je crache à ses pieds, et je relève la tête avec un rictus.

L'homme s'avance – sûrement pour me punir en me replongeant la tête dans l'eau – mais mon père lui fait signe de rester là où il est.

-Non, Sébastien, pas la peine.

Sébastien ? Serait-ce... ? Je me retourne vers lui, et ses yeux bleus me transpercent de la tête aux pieds. Je me relève non sans peine, et je me plante devant lui en le menaçant :

-Comment oses-tu être de mèche avec papa ? Je savais que tu étais méchant, mais à ce point, jamais ! Déclarais-je brisée.

Il enlève sa cagoule, et me dévisage d'une expression inconnue.

Mon père me prend par le bras, et me tire brutalement vers lui. Je crus apercevoir les lèvres de mon frère bouger : « Désolé ».


Mon père me jette agressivement dans l'ancienne pièce, et je tombe à plat ventre. Il me relève, et me fait asseoir sur une chaise. Les néons me donnent mal aux yeux, et lui, reste debout assez loin de moi.

J'avale ma salive, prend mon courage à deux mains, puis commence à poser les questions qui me taraudent :

-Pourquoi Sébastien est de mèche avec toi ?

Il pousse un profond soupir d'exaspération, et me répond :

-Bon, vu comme tu es attachée à la vérité, et que tu veux tout savoir, je pense que le plus simple serait de te répondre à toutes tes questions. Sébastien est obligé de répondre à mes attentes. Il est le seul homme de la maison, il est normal qu'il m'obéisse.

Je crois comprendre de travers. Sébastien, lui si méchant avec moi, ne l'a jamais vraiment été en réalité. Il obéissait seulement aux ordres de papa.

-Et s'il n'obéissait pas ?

Il me regarde d'un œil entendu. J'ai alors tout compris. Si il n'obéissait pas, mon père lui faisait subir tout ce qu'il me faisait à moi. J'eus un frisson de dégoût.

-Et pour Victoria ?

-Oh, c'est juste une personne comme moi. Il n'a rien fallu pour qu'elle devienne comme ça, dit-il l'air fier.

J'ai une envie de vomir. Il est tellement horrible. Il veut simplement faire de ses enfants des robots qui obéissent à ses ordres. Le plus horrible, c'est qu'il les obligent à violenter leur propre sœur.

-Et pour Agathe... ? Pourquoi tu ne lui faisais rien ?

-Oh, elle... Peine perdue. Elle est trop jeune, et elle ne manquait pas de respect. Elle avait peur de moi, cela n'aurait pas été drôle. Tu es mille fois mieux, ma puce.

Le dernier mot sonna faux, et l'entendre le prononcer pour moi, me retourne l'estomac dans tous les sens.

Je marque une pause dans les questions, trop tourneboulée. Il effaça cet ange qui passe, en me disant :

-Tu dois sûrement te demander aussi, ce qu'il s'est passé à la maison.

Oubliant mes histoires de nausées, je relève la tête vers lui d'un coup. Un sourire de requin se dessine.

-Tu dois savoir que ceci n'est pas de mon invention, mais bien de ta stupide sœur, Agathe.

Un moment de frein dans les engrenages de mon cerveau. Qu'est-ce que Agathe a à faire là-dedans ? Comme si mon père lisait dans mon esprit, il répond à mon interrogation.

-Ta sœur, stupide qui plus est, s'est mis dans la tête de détruire toute la maison pour nous priver de toutes ses années qu'on t'a fais subir. En tous les cas, c'est comme cela que je l'ai perçu en voyant les dégâts. Elle avait raison ; cette maison, je l'avais construire du sol au plafond avec toutes mes économies étant jeune, et tu ne peux pas savoir le mal que ça m'a fait de la voir dans cet état, avec toutes mes affaires à l'intérieur complètement calcinées. Mais cette idiote, en mettant le feu, s'est tuée avec. Quelle triste journée était-ce, j'en ai la larme à l'œil. Dit-il sans aucune émotion.

Rouge de colère, je criais sans retenue :

-Comment oses-tu dire ça de Agathe ? Je l'aimais, c'était ma sœur ! Je l'ai éduquée comme vous n'aviez pas été capable de le faire, jamais. Comment peux-tu te montrer aussi peu abattu de son décès ? T'es vraiment un monstre créé par le diable.

Il s'avance vers moi, se cambre et approche sa tête très près. Je peux sentir son souffle.

-Je n'ai pas eu une enfance facile, moi non plus. Et chaque fois que tu me manqueras de respect, serre bien les dents.

Je ne compris pas tout de suite où il veut en venir, puis il m'asséna un coup de poing dans le nez qui me fit saigner. Je vois mon sang s'écouler telle une rivière de larmes. J'en ai plein partout sur mes vêtements, sur mes doigts. Il me penche la tête en arrière, et je sens le sang tomber dans ma gorge avec un goût de métal.

Il me relâche la tête après quelques temps, et le sang a séché sur ma peau. 

-N'oublie pas que tu paieras pour ta sœur. 

Indésirée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant