Je regarde sa poitrine qui ne se soulève plus, son souffle arrêté, et ses yeux grands ouverts. Le choc, ce sont les commissures de ses lèvres qui forment un sourire. Un sourire glacé, mais un sourire. Sa peau est livide,encore plus blanche qu'elle ne l'est d'habitude. Assise à côté d'elle, les mains sur les siennes croisées et gelées – même si pourtant les flammes chaudes continuent de crépiter - , les larmes ruisselantes, je ne peux m'empêcher de lui chanter une chanson que j'ai inventé sur mon piano, la voix embrumée et tremblante. Je rajoute quelques phrases pleines de sens pour ce moment tragique.
Juste une envie de m'échapper,
De partir loin des meurtriers,
Des pleurs, de mes douces pensées,
On me fait du mal depuis que je suis née.
Tu es partie,
Je sais que tu ne veux pas être suivie,
Mais tu vas me manquer,
Et je n'arrive plus à rêver.
Jet'envie tellement d'être loin,
Tu dois être si bien,
Seule,aimée, à jamais.
Je te rejoindrai, je te promets.
Tu es libre
Comme une feuille d'automne.
Je te laisse vivre,
Les canons tonnent.
Tu dois partir,
Les cloches sonnent.
L'heure de ton départ est arrivé,
C'est le moment de pleurer.
Je ne t'oublierai jamais...
Mes lèvres tremblent,et comme je l'ai prédit, je pleure encore en secouant son petit corps vide de vie. Je lui ferme ses yeux de poupée, puis pose mon front contre le sien. Je l'embrasse, et lui avoue :
-Je t'aime, Agathe. Je ne t'oublierai jamais.
Je passe mes mains sous son dos, la pose sur mes genoux, et je la berce comme je le faisais quand elle faisait des cauchemars petite. J'ai vraiment été comme une mère pour elle. J'ai perdu la seule personne de ma famille qui m'affectionnait. J'ai perdu ma sœur, et je la pleure. Des souvenirs refont surface dans mon esprit. Ses petits doigts quand elle était petite qui m'agrippaient, ses yeux noisettes qui me fixaient, son sourire éblouissant qui s'illuminait quand j'arrivais. Jamais plus je ne la verrai sourire, pleurer, grandir, rire aux éclats. Son doux rire, il me fait encore sourire. Des larmes perlent aux coins de mes yeux en me remémorant ces souvenirs lointains mais si proches en même temps.
La Mort est vraiment cruelle, et j'en fais des cauchemars. Arrachée une si jeune fille de la Terre à une mort terrible qui plus est. Elle est décédée envoyant sa seule maison s'effondrer, et n'a même pas pu dire« adieu » à qui que ce soit qui l'aimait. Elle ne pourra pas grandir, aller au lycée, avoir de petits copains, d'enfants, de petits-enfants, ne pourra pas se marier, et ne pourra jamais – si ça revient comme avant – revoir le Monde tel qu'il était autrefois. Elle s'est maintenant éteinte pour toujours, et ne verra plus rien de la Terre. Peut-être est-ce mieux ainsi ? Elle doit être beaucoup plus heureuse là où elle est, où elle n'entend plus de gros mots, et où elle ne risque pas de se faire taper à ma place. Avant de mourir, elle n'a même pas pu avoir des parents qui l'aimaient, ni de sœurs ou frères. Seulement une.
D'un côté, je l'envie tellement, j'ai vraiment envie de laisser ma chair ici aussi, à côté d'elle, et qu'on se rejoigne pour toujours. Je n'ai aucune envie de rester sur Terre, Indésirée.
Pendant un moment, je repense au couteau que j'ai pris discrètement de chez Diane, et j'envisage cette solution. Au moment où j'agrippe ma fermeture éclair, et le manche du couteau, je reçois une violente décharge au niveau du crâne, et je m'effondre de tout mon long sur l'herbe noire.
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Indésirée.
Mystery / ThrillerLa peur, l'angoisse, le dégoût de ses parents, les frappes de son père, et les injures de ses parents et frère et soeur sont tout le mal-être d'Anyssa, dix-sept ans. Uniquement soutenue par sa petite soeur, Agathe et sa meilleure amie, elle devra fa...