8. Collines de Denver

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Je le suis sans poser de questions et essaye de me convaincre que Lukas a raison à son sujet. Il n'a pas été déplacé et je ne me sens pas agressée. Presque rassurée d'être en sa compagnie alors qu'il ne me parle même pas.

Il rentre dans le centre commercial du centre-ville et je reste assise sur une des immenses jardinières en béton sur le bord du trottoir. Il m'a demandé, du moins ordonné, de l'attendre ici ; je ne sais pas trop pourquoi j'obéis à quelqu'un qui m'horripile sans ronchonner. Le voilà avec sa veste en jean sur je dos, il me cherche et son regard se verrouille au mien avant d'arriver à ma hauteur.

— T'aurais dû attendre plus loin encore, grogne-t-il.

— Si tu n'es pas content, je rentre chez moi. Je te rappelle que je devais justement y être pour bouquiner.

— Est-ce que je peux en conclure que ce monsieur Winslet a eu mieux à faire que rester avec toi toute la journée ?

— Et toi ? Ta vie est si nulle que tu te mets à voler des livres et en harceler les propriétaires ?

J'entends un petit rire amusé et je me lève promptement en croisant les bras. Il me tend un des deux petits sacs en papier kraft, glisse sa main dans ses cheveux et je regarde ce qu'il y a dedans : un sandwich, une canette et un verre en plastique. Je le fixe sans parler alors que ses yeux sont rivés sur le ciel. Décidément, il m'étonne de plus en plus.

— Merci, susurré-je.

— On mangera en haut.

— Qu...

Je ne termine pas mon mot puisqu'il engage le pas et file devant moi. Les filles rougissent et gloussent de gêne en le croisant, il serre la main d'un homme de notre âge et je le suis à distance raisonnable. Nous quittons le centre-ville et il change de direction sur un sentier terreux, au pied d'une colline couverte de feuilles mortes. Plus précisément devant une pente raide et une grille avec un panneau sur lequel est écrit « Défense d'entrer » et « Danger : effondrement de motte de terre ».

— Je ne monte pas là-haut. C'est dangereux, pointé-je du doigt les panneaux.

— Tu n'as pas le choix de toute façon, réplique-t-il en m'attrapant les jambes.

Je hurle, il me coince sur son épaule, m'arrache le sac kraft des mains, ouvre la grille et je lui donne des coups pour qu'il me repose à terre. Mon cœur bat à cent à l'heure, il arpente le chemin et me dit de la boucler avant qu'il ne s'énerve.

— Lâche-moi, merde ! Je vais tomber ! braillé-je.

— Ferme la, putain.

Dans son dos, j'y vais désormais avec les poings, mais il ne réagit pas, au contraire, il avance plus vite et au bout d'une vingtaine de minutes de combat fastidieux et pitoyable, il me lâche et je remarque que nous sommes montés en altitude.

— T'as le vertige ? ricane-t-il en voyant mes yeux écarquillés.

— Tu n'es pas quelqu'un de normal ! Ce n'est pas vrai ! crié-je.

Il sort une cigarette, la place entre ses lèvres, l'allume et je m'assieds en tailleur, dos à lui. Les sacs en papier kraft à côté de moi, je sens mon portable vibrer et soupire en lisant le message d'Adam. Il m'annonce qu'il n'est pas rentré avant 20 h. Super génial.

— Pourquoi m'as-tu amenée ici ?

— Pour que personne ne vienne nous déranger.

— On aurait pu aller dans un parc, ou j'en sais rien moi, mais pas ici. En plus, personne n'a le droit de monter ici !

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