Alchimie littéraire

14. Un médecin, s'il vous plaît ?

Elijah n'est pas à la fac depuis vendredi matin et nous sommes samedi. Je suis au cours de théâtre avec Lukas, mais je trouve que le cours est moins intéressant que d'habitude. Je réalise que mes chamailleries avec Elijah me divertissent beaucoup. Il faut que je me reconcentre.

L'acte I est terminé, les comédiens désignés connaissent leur texte par cœur et nous attaquons l'entracte pendant que les deux acteurs de l'acte II révisent leurs prises de parole.

Au bout d'une heure, je ne tiens plus, j'ai une terrible envie d'envoyer un message et je m'éloigne pour prendre mon portable dans mon sac. Je veux savoir la raison pour laquelle il a disparu depuis que j'ai rompu avec Adam. En parlant de lui, je l'ai aperçu hier avec une blonde et ils avaient l'air assez proches. Je ne suis pas blessée, je regrette juste d'avoir fermé les yeux sur sa fidélité.

Je suis tellement nerveuse en déverrouillant mon téléphone que mes mains en tremblent. J'écris douze messages avant de les effacer et décide d'envoyer le treizième. Je ne veux pas être trop collante ou intrusive, mais j'aimerais savoir ce qu'il fabrique depuis deux jours.

* Tu es malade ?

Je ne m'attends pas vraiment à ce qu'il me réponde, mais mon portable vibre dans ma main avant que je ne le remette dans mon sac. Mon cœur bat fort et mes oreilles bourdonnent. Je respire en fermant les yeux et tourne le dos à la scène, persuadée que je suis rouge comme une tomate.

* Complètement. Je suis presque en train de mourir. J'ai besoin d'un médecin au 23 bis Colfax Street, tu me l'amènes ?

Je ricane, embarrassée. S'il me donne son adresse de cette façon, c'est qu'il a envie que je pointe chez lui et évidemment, je vais y aller, la curiosité et le besoin de le voir l'emportent haut la main. Je lui réponds sur le ton de la plaisanterie :

* Je verrais s'il est disponible.

Je mords ma lèvre et range mon téléphone dans mon sac sous une table. Durant l'heure qui suit, je n'arrête pas de penser à mon après-midi avec Elijah et j'ai du mal à rester en place. Ce n'est pas normal.

— Bon weekend ! lancé-je en laissant les autres sortir.

Je range mes affaires et verrouille la porte avec Lukas sur les talons. Je rends les clés de me précipite vers l'extérieur en lui tirant le bras. Il est au courant de tout ce qu'il s'est passé avant-hier avec coq Adam et coq Elijah, alors il n'est pas trop surpris par mes réactions excessives.

— Aller, crache le morceau.

Je pince un sourire et lui montre la micro-conversation avec Elijah.

— Est-ce que tu sais où c'est ?

— À l'autre bout de Denver, tu veux que je t'y emmène ? Je ne suis pas trop loin de cette rue.

Je hoche vivement la tête et nous attendons de bus passant près de la fac. Ça ne veut peut-être rien dire, ce message, mais je ne pense pas qu'il soit si entreprenant avec n'importe qui. Le message est clair et net, il veut que je vienne le voir.

J'avertis Judith de mon absence et elle me répond qu'elle va sauter sur l'occasion pour amener Dallen. Ces deux-là sont devenus inséparables. Nous arrivons à l'arrêt de bus près de Colfax Street et Lukas m'explique que je dois prendre la première rue de gauche et marcher jusqu'à la bonne porte. Je le remercie gentiment, descends avant lui et le salue en agitant la main. Le quartier semble calme, ce sont des lignes de blocs modernes regroupant quatre appartements. Je repère sa voiture sur le parking et monte sur le palier. 23 bis. Nous y sommes. J'hésite longuement avant de frapper et dès que je me lance, une voix cassée se fait entendre à travers le bois.