Alchimie littéraire

16. "Let Me Down Slowly"

La semaine précédant le bal d'hiver passe très rapidement. Elijah vient me voir quand je suis seule et à l'écart et il monopolise toute mon attention lors du théâtre le lundi et le samedi. J'ai même revu Mila dans la semaine, nous avons pas mal discuté sur le parvis. Elle est toujours au lycée, elle passe son bac cette année et vit avec son autre frère, Roni, à Broomfield à vingt minutes de Denver. Elle ne m'a rien dit de compromettant sur Elijah, si ce n'est qu'il est aussi insupportable que Roni quand il n'est pas en train de travailler au bar du coin. Au moins, on peut dire qu'être ronchon, c'est de famille...

Lukas et Dallen arrivent ensemble à l'appartement pour nous emmener au bal d'hiver. Une règle a dernièrement été rajoutée : la soirée est masquée. Et je dois bien avouer que ça me rassure vis-à-vis d'Elijah. En y repensant, il ne m'a pas dit s'il s'y rendait ou non et s'il apprend que j'ai menti...

J'ai trouvé une robe bleu ciel en soie, accordée à mes yeux clairs. Elle est échancrée laissant mon dos nu, une fente sur la jambe gauche partant du genou et elle m'arrive aux chevilles. À cela, j'ai mis des escarpins blancs. Judith m'a coiffée d'un magnifique chignon banane et quelques boucles au fer à lisser pendent sur mes épaules. Judith, elle porte une robe pouf plus courte et de couleur vert anis, comme ses yeux verts.

Les garçons ont revêtu leur plus beau costume et leur masque sont sur leur tête. Je m'accroche au bras de Lukas en lui souriant, il dépose un baiser sur ma tempe et Judith referme l'appartement derrière nous. Nous nous engouffrons dans l'ascenseur puis dans la voiture et Dallen nous conduit jusqu'au gymnase. Je commence à être un peu stressée à l'idée de croiser Elijah, je n'aurais pas dû lui mentir par peur et pour me protéger, mais je n'ai pas trop réfléchi sur le coup. J'avais la trouille qu'il me demande d'y aller avec lui, ça signifierait beaucoup de choses si j'y allais avec lui.

— Tu te sens bien ? chuchote Lukas en mettant mon masque blanc.

Je hoche la tête contre son épaule, nerveuse, et nous nous engouffrons dans le gymnase bondé d'étudiants. Les gradins sont condamnés, le sol est constellé de confettis et deux boules à facettes sont suspendues aux paniers de baskets. La musique est déjà forte à 22 h, les gens sont déchaînés et je transpire déjà sous mon boléro. Nous buvons un verre avant de danser ensemble et je reconnais Laura avec un étudiant au milieu de la foule. Je croise quelques connaissances et les salue, je me fais aborder par certains hommes, dont l'un d'eux me met la main aux fesses et Lukas vient me sauver.

En aucun cas, je croise Elijah. Quelque part, je suis déçue de ne pas être avec lui, je voulais le voir encore un peu... Il me manque sincèrement.

— J'espère que tu me pardonneras.

Je me retourne brusquement et vois Lukas s'éloigner et disparaître dans la foule. Qu'est-ce que ça voulait dire, bon sang ? La musique bat son plein dans tout le gymnase et je danse avec des inconnus en essayant de comprendre ce que ça signifie. Pourquoi le pardonnerais-je s'il n'a rien fait ? Je manque de trébucher et me dis qu'Elijah ne sera pas là pour m'éviter une troisième chute. Même à une soirée, je pense à lui ! Je souris en me remémorant tous les contacts qu'on a pu avoir depuis qu'on se connait et je danse seule au milieu d'autres étudiants.

Je grignote des apéritifs salés sur la grande table, je me serre un verre de soda et pars à la recherche de Lukas. Ça fait un moment qu'il est parti en me laissant pantelante sur la piste, je veux savoir ce qu'il voulait dire tout à l'heure. J'ai perdu Judith et Dallen de vue, ils doivent être ensemble quelque part dans la foule. Ça m'inquiète quand même, je suis toute seule, là.

— Est-ce que tout le monde est là ? hurle l'homme aux platines.

La foule lui répond en criant son soûl et je me laisse transporter par la musique. Je chercherais mes amis plus tard, j'ai envie de m'amuser sans me prendre la tête ce soir. On se croirait dans un film et pourtant c'est vrai de vrai. Mes membres sont engourdis, je danse encore avec mes talons me faisant mal aux pieds. Une longue heure passe, je bois deux verres de bières en grimaçant et file sur la piste en levant les bras.