Alchimie littéraire

33. Camping

Une telle tristesse sur son visage me frappe dès que je la trouve presque effondrée sur le canapé.

— Judith... ?

— Emy, sourit-elle en me faisant une place à côté d'elle.

Elle m'offre un regard brouillé de larmes et je touche ses boucles brunes. Je veux la rassurer et je pense qu'elle comprend le message que je souhaite lui faire passer. Je serais toujours là pour elle comme elle l'a été pour moi. C'est à ça que servent les amis, non ?

— Raconte-moi.

— Je viens de me faire virer.

— Comment ça se fait ?

— J'ai fait tomber un verre et il m'arrivait de me tromper dans les commandes au début. Cette salope a sauté sur l'occasion pour me virer. J'avais déjà entendu entre les employés que quelqu'un de compétent avait postulé il y a presque trois mois, mais je ne pensais pas que c'était mon remplaçant.

Judith travaille dans ce café depuis près de deux ans. Elle a été victime des crasses de ses collègues, mais de là à ne pas lui dire que quelqu'un d'autre est en lice alors qu'elle a remplacé plusieurs de ses collègues en galère, c'est encore pire. C'est comme si le monde entier se retournait contre soi.

— Dis-moi comment je peux t'aider.

— Tant que tu es là, ça ira.

— Tu es sûre ?

— Certaine. Voyons le bon côté des choses, elle me laisse de choix de démissionner ou d'être virée. Y'a que Mary qui a essayé de plaider en ma cause, mais rien à faire. Je vais trouver un autre travail, hors de question que tu payes tout le loyer.

— Je peux le gérer, ne t'en occupes pas.

Elle essuie ses larmes et je croise son regard vert. Je n'y lis que de la détresse.

— Si je te laisse tout faire, ce n'est pas bon pour moi. Depuis Dallen, j'ai l'impression de ne plus vraiment vivre, alors ça... Non, je vais chercher un travail. Et éventuellement un mec ? Je te jalouse là-dessus, ajoute-t-elle en ricanant.

— Je connais quelqu'un d'assez bien qui m'a déjà parlé de toi, intervient Elijah à l'entrée du couloir.

— Non mais tu ne vas pas lui faire rencontrer quelqu'un, il lui faut du temps ! m'offusqué-je.

Il me paraît sérieux et je comprends qu'il a quelque chose en tête. Mais et si ce quelqu'un brisait encore mon amie ? Et comment peut-il être certain qu'il lui plaise ?

— Responsable, calme -ce qui m'énerve souvent parce qu'il ne cherche jamais les emmerdes-, et affreusement sincère quand ça concerne une nana, continue-t-il.

Je hausse un sourcil, Judith se réinstalle sur le sofa et elle cligne des yeux. Qui pourrait croire qu'il est en train d'organiser un rencard entre une de ses connaissances et ma meilleure amie ?

— Seth Hayes. Tu connais ? enchaîne-t-il en passant sa main dans ses cheveux.

Judith répond négativement en reniflant.

— Je te le présente demain, décrète-t-il.

— Et maintenant tu es spécialiste en rencard, c'est ça ? raillé-je.

— Quoi ? Tu veux que je t'en organise un aussi ?

— Pourquoi pas ? le tenté-je.

— Elijah Sandoval, tu connais ?

— Mmh non, ça vaut le coup ?

Judith m'observe avec amusement et il hausse un sourcil, me défiant de rajouter une couche. Il attrape mon poignet, passe son pouce sur ma lèvre et un raclement de gorge nous ramène sur Terre. Nous tournons la tête vers mon amie, armée de son téléphone pour nous prendre en photo.