Vampire Consultant

3 - Psycho consultant

Colibri finit par nous chasser brusquement, décrétant que nous lui avions suffisamment fait perdre son temps. Pour être honnête, c'est dans de pareils instants que me prend l'envie irrésistible d'étrangler cette jeune femme. Y croiriez-vous, sincèrement ? Elle m'avait fait revenir d'Osaka en vingt-quatre heures, pour l'unique plaisir d'étudier une moitié de macchabée – et celui, je l'admets, de devoir faire la conversation avec Jayvart. Ce fut d'ailleurs ce dévoué commissaire qui me ramena chez moi. Enfin, qui se proposa pour le faire. Il disait préférer être sûr que je rentre à bon port, plutôt que de prendre un Noctilien.

Lorsqu'il s'arrêta devant les locaux de la P.J., après un court voyage passé dans le silence le plus complet, je soupirai :

- J'eusse dû me douter que votre sollicitude dissimulait quelque noir dessein.

- Arrêtez avec vos salades.

- Le plus-que-parfait du subjonctif n'est à ma connaissance par une plante potagère, mais...

- Ne vous payez pas ma fiole, gronda Jayvart. Je veux savoir pourquoi Coli vous a fait revenir de l'autre bout de la terre. Pourquoi, alors que de simples photos auraient suffi.

Je vous avais dit qu'il n'était pas stupide...

- Elle a dû penser que les procédures légales ne le permettraient pas.

La moustache jaunie par le tabac de Jayvart s'agita sous un rire ironique.

- Colibri ? Embarrassée par des procédures légales ? Je vous ai déjà demandé de ne pas vous payer ma fiole, Heath.

- Jamais je ne me le permettrais.

- Elle avait une raison de le faire. Elle avait aussi une raison de ne pas le faire dans mon dos.

- Pourquoi ne pas lui demander la vérité, tout simplement ?

Jayvart ne répondit rien. Il serra les dents et ses larges mâchoires se contractèrent.

- Je vais vous coller en garde-à-vue pour possession de méthamphétamines, lâcha-t-il.

Je n'avais pas prévu une telle sortie. Exhalant un soupir nerveux, je m'intriguai :

- Comment...

- J'ai eu accès à votre dossier médical.

- Alors vous devez avoir compris que je ne...

- Le temps que la procédure aboutisse afin de vérifier que oui, votre consommation est justifiée, je pourrais peut-être en profiter pour vous coller dans l'aquarium et vous tirer les vers du nez.

Je gardai le silence. Jayvart était excellent en manipulation mentale. Mais moi, j'avais l'avantage de l'expérience. La pluie commença à tomber.

- Vous m'auriez déjà fait enfiler des menottes, si vous aviez le droit de me mettre en garde-à-vue. Allez droit au but, Jayvart, ce sera plus facile.

- Je veux savoir ce que vous fichez dans les pattes de Colibri. J'ai fait des recherches sur vous et vous n'êtes absolument pas celui que vous prétendez être.

- Tiens donc ?

- Vous n'avez reçu vos papiers français qu'il y a dix ans. Avant, rien, nada, pas une trace de vous, nulle part. Même l'ambassade de Roumanie ignore votre existence.

- Est-ce que je suis en règle, selon vos critères ?

- Ce n'est pas la question, Heath. Colibri n'était pas dans son état normal, ce soir.

- Vous trouviez ?

- Elle voulait quelque chose. Elle avait... elle avait peur, et elle essayait de le cacher !

Je plongeai mon regard dans celui de Jayvart. Le commissaire n'eut pas le temps de faire disparaître l'expression angoissée qu'il portait sur le visage. D'une certaine manière, cela me le rendit plus sympathique. En réalité, ce bon vieux commissaire, tout raciste, machiste et agressif qu'il fût, s'inquiétait très sincèrement pour son médecin-légiste. Je respirai lentement, calmement, puis je déclarai :

- La raison pour laquelle elle était nerveuse, je l'ignore, commissaire. Si elle avait peur de moi, elle ne m'aurait pas fait revenir du Japon, où je comptais rester bien plus longtemps. En revanche, je peux répondre aux questions que vous vous posez sur mes origines. Sur la raison pour laquelle j'ai changé d'identité.

Jayvart pinça les lèvres et s'adossa à son siège. Il ne s'attendait sans doute pas à des aveux si rapides...

- J'ai vécu en Roumanie et en Turquie. Je viens d'une famille aux mœurs disons... complexes. Mon frère aîné, après la mort de mes parents, a semble-t-il... perdu la raison. Il est responsable de dizaines de morts violentes. C'était un sociopathe. Un prédateur. Il est mort, fort heureusement, mais je ne tiens pas à ce que l'on m'associe à lui. D'où le changement d'identité opéré. Ensuite, si vous craignez que j'aie hérité des mêmes tares que mon cher frère, autant l'admettre : c'est probable. Je n'en doute pas, moi-même, mais ma maladie m'empêche de ressentir des émotions fortes, sous peine de cataplexie immédiate. Donc pour ma part, pas de montagnes russes, pas de maison hantée, pas de vie amoureuse et encore moins de tueries en série. Cela vous satisfait-il, commissaire ?

Je ne le regardai pas sur le champ, préférant fixer un point imaginaire, loin devant moi. Remuer le passé faisait toujours aussi mal, même après tout ce temps. Je devais d'abord me calmer. Jayvart a émis un grognement.

- Mouais, a-t-il fini par dire. Colibri...

- Elle sait. C'est sans doute pour cette raison qu'elle m'a fait revenir. Elle pensait certainement que je pourrais servir de... comment dit-on ? De consultant en psychopathes, certainement. Et elle devait se sentir coupable du fait que je faillis... que j'ai failli faire un malaise.

Un ange s'invita quelques instant dans la Clio – donner le nom d'une muse à cet engin, vraiment, quelle idée...

Jayvart tourna la clef de contact et démarra le moteur.

- Je vous ramène, soupira-t-il. Pas un mot sur cette discussion à Colibri, c'est clair ?

Je ne pris pas la peine de répondre.

*

Ce cher commissaire me ramena chez moi, comme promis. J'entrai dans le hall de l'immeuble, j'attendis qu'il démarrât et disparût pour ressortir à mon tour sous la pluie battante. Il était deux heures du matin.

Et je savais qu'il n'y avait que peu de chances pour qu'à cette heure Sophie Colibri fût déjà couchée.

*

Merci d'être passé ! :-)

Et doublement merci aux reviewers et aux voteurs ^^. C'est un peu le facebook de l'écriture, ce truc !

N'hésitez pas à faire la moindre critique. Je pense que je devrais peut-être en rajouter sur la maladie de Gélineau. Ou alors les symptômes déjà présents et ceux qui suivront vous suffiront ? Je ne sais pas !

A bientôt !

Sea

PS : ah, j'allais oublier, la page facebook de cette fiction qui sera sans aucun doute le best-seller 2017 (je me laisse un peu de marge, je sais) est  la suivante :

https://www.facebook.com/heathisavampire/

Si vous likez et/ou que vous la partagez aux êtres qui vous sont chers, vous aurez fait votre BA de la journée. "Idéal, non ?"

PPS : je me suis proposé de monter la fiction à la façon d'une série, comme beaucoup font déjà ! Donc le premier "gros" épisode découpé en plusieurs parties est le pilote. Ensuite je pense tenter d'écrire de plus gros chapitres pour ne pas trop couper les "épisodes" et publier une fois par semaine, qu'en pensez-vous ?