J'eus à peine le réflexe de réaliser une torsion d'esprit sur les secouristes et les policiers dépêchés sur les lieux. Je n'eus sans doute pas apprécié de devoir être séparé de Sophie pour croupir en garde-à-vue. Aussi éculée cette comparaison soit-elle, je vécus le reste de la soirée comme si mon corps entier se trouvait plongé dans l'ouate. Je ne pouvais rien faire pour mon amie, rien. Par mon égoïsme et mon besoin de compagnie, je l'avais jetée entre les griffes de l'un de mes ennemis. Je pensai à envoyer un mail à Jayvart, expliquant brièvement la situation et ajoutant l'adresse de l'hôpital où les secouristes emmenèrent la jeune femme. Je sus seulement qu'ils la plongeaient dans un coma artificiel et qu'elle fut conduite en réanimation. Pour ma part, j'errai dans les couloirs de l'hôpital, incapable de m'asseoir ou de manger. Elle pouvait mourir, même si l'âme fourbe et cruelle de l'orphique avait sans doute planifié un destin plus terrible pour le médecin-légiste. Je vous avoue que je me morfondis longtemps et que je sombrai dans une sorte d'auto-apitoiement particulièrement lamentable. Si je n'avais coupé les contacts avec elle... si je ne m'étais autant emporté face à elle ce soir-là... si je n'avais pas été un tel lâche ! Je l'avais abandonnée, et je savais fort bien qu'il s'agissait pour elle de la pire blessure que j'eusse pu lui infliger.
Je passai deux jours entiers à survivre dans l'établissement où Colibri avait été prise en charge. Je tentais d'obtenir régulièrement de ses nouvelles, mais si son état avait été stabilisé, les médecins n'avaient pas jugé bon de lui faire reprendre conscience et – quoiqu'ils l'aient depuis longtemps tirée du coma – l'assommaient à la morphine.
Le troisième jour, ils la déplacèrent dans une zone où les visiteurs avaient loisir de vaquer. Je m'assis dans le couloir, fourbu et sans plus prendre garde à tordre l'esprit de soupçonneux. Elle était seule, dans sa chambre. Je n'avais pu voir ses jambes, cachées sous des draps blancs tendus, mais son visage était affreusement marqué : les yeux auréolés de noir, les trais décharnés et le teint cireux. On eût dit un cadavre. Je n'osai pas, lâche que je suis, demander à un médecin de passage quel était l'état de ses jambes. Une grande horreur m'envahit lorsque la pensée me frappa qu'elle pouvait avoir été amputée. Ces noires pensées me tourmentaient, alors que je gardais la porte de sa chambre, assis sur une chaise, lorsqu'une ombre me recouvrit. Je levai la tête et quelle ne fut pas ma surprise en reconnaissant la bedaine et la moustache jaunie de Jayvart ! Mal rasé, l'œil rouge et fulgurant, il piétinait devant moi. Je bondis sur mes jambes :
- Vous, ici !
- Imbécile ! cracha-t-il. Vous ne pouviez pas regarder votre téléphone, oui ?! Je vous ai envoyé trois cent cinquante mails et autant d'appels ! Espèce de petit salopard ! Où est-elle ?!
Sa présence, étrangement, me rassura. Il représentait la normalité. Le Monde Réel. Il était invariable. Je savais fort bien qu'il eût été malvenu de ma part de lui répondre avec l'insolence pour laquelle je plaide coupable et lui indiquait sans parler la porte de la chambre de Sophie. Il me bouscula et entra sans hésiter, claquant la porte derrière lui. Une infirmière inquiète lui courut après en lui criant dans un mauvais anglais de s'arrêter et entra à sa suite. La porte de la chambre se referma et je restai seul sur le palier, incapable de trouver le courage d'affronter la réalité.
Jayvart finit par sortir après plusieurs minutes, suivi par l'infirmière dont l'œil compatissait visiblement. Le commissaire fit un signe de tête qui pouvait aussi bien dire « Merci » que « Partez » et la femme disparut dans les couloirs d'un pas vif. Le Français, quant à lui, resta la tête baissée, impavide, les poings serrés sur un chapeau et une écharpe qu'il avait ôtés. Lentement, et toujours sans manifester la moindre émotion, il les posa sur la chaise, près de la porte. Puis il me fit face, sans croiser mon regard.
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Vampire Consultant
FantasyUne petite médecin-légiste au caractère bien trempé fréquente sans connaître sa véritable nature un séduisant vampire, frère du prince Dracula... Le jour où elle se fait enlever par une organisation étrange, tout bascule. Sa vie est détruite et ell...