— Monsieur Lescaux !
Adan se retourne et s'interroge sur l'identité de la femme qui s'approche à grandes enjambés sur le sable mouillé. Sous l'imperméable et l'uniforme de service, il la reconnaît malgré tout aux traits de son visage, mais ne lui trouve plus l'air aussi sympathique qu'il y a six mois.
— Lieutenant Moose, répond-il en lui faisant un signe de tête.
— Moi de même, répond la femme d'un ton plutôt glacial et méfiant. Je me disais justement que je devais vous trouver et...
— Me voici, complète Adan sur ses gardes.Un froid s'installe entre eux. On entend au loin les sirènes des dernières ambulances qui quittent et le bruit des camions de pompiers qui pompent l'eau de mer vers les brasiers. Adan ajoute en voyant le regard de la policière glisser vers son amie :
— Je vous présente Mademoiselle Jessie Gramies. Jessie, voici le Lieutenant Maria Moose, du Commissariat central, elle m'a toujours aidé lorsque certains de mes reportages avaient un pied en eaux troubles.
Adan sonde le visage de Moose, qui secoue brièvement la main de Jessie, mais il n'y détecte plus aucune connivence. Il scrute à tout hasard le poignet du Lieutenant, Jessie retenant la main un peu plus longtemps que de convenance, et il retient son souffle... le tatouage est là ! Jessie lui jette un regard apeuré qu'Adan feint d'ignorer. Il reprend d'une voix grave qu'il veut «normale» vu les circonstances :
— Êtes-vous en charge de ce sinistre Lieutenant ?
— En quelque sorte, dit-elle sèchement.
— Donc, vous pourrez m'informer sur les deux propriétaires de l'Auberge ?
— Je crois me souvenir que les propriétaires de cette Auberge sont de vos amis. Madame Laurenn Ortada et Monsieur Mikel Stanis, complète-elle en regardant ses notes. Ce qui peut expliquer votre présence impromptue ici ?
Adan acquiesce lourdement.
— À votre connaissance y avait-il d'autre personnes dans l'immeuble ce matin ? demande Moose avec un regard acéré.
Adan se sent épié. Il relève la tête et regarde franchement la Lieutenant.
— Je suis venu en visite hier soir. Il n'était que tous les deux. Aucun client. Je revenais ce matin car... j'avais oublié un dossier de photos.
— Vous étiez donc ici hier soir et ce jusqu'à quelle heure environ ?
— Assez tard je dirais.
— Nous avons veillé sur la plage, Adan et moi, confirme Jessie. Puis nous nous sommes quittés assez tard.
— Oui, ajoute Adan tristement. J'ai veillé ensuite sur la véranda avec Laurenn et Mikel. Jusqu'à plus de minuit je dirais.
— Rien de particulier à signaler ? Des inconnus, des rôdeurs ?
— Non, répond Adan en se posant véritablement la question.
— Et vous ? demande la policière en se tournant vers Jessie.
— Non, il n'y a pas grand monde sur la plage à cette époque vous savez, ajoute Jessie les yeux un peu vagues.
— Oui, heureusement. Désolé Monsieur Lescaux. C'est un drame je sais. Vous m'en voyez peinée, dit-elle en le fixant froidement. Nous trouverons l'origine de l'explosion de ce matin. Et nous communiquerons dès que les experts auront fini de fouiller... les décombres.
« Elle n'est pas dupe. Elle en sait bien plus. Danger. » pense Adan en prenant le bras de Jessie pour se donner une contenance. Puis il ajoute :
— J'ignore s'ils étaient dans l'Auberge. Ils avaient l'habitude, il y a un temps, d'aller marcher le matin sur la plage avant de commencer le service du midi.
— Sous cette pluie ? réplique la femme avec un rictus amer.
Adan baisse la tête de dépit, puis la femme ajoute en lui tendant une carte :
— J'apprécierais beaucoup si vous me teniez au courant de vos déplacements dans vos recherches. Car vous connaissant, Monsieur Lescaux, je sais que vous serez à l'affût. J'aimerais bien que vous m'en fassiez part, ajoute-t-elle avec un sourire forcé. Si jamais quelque chose d'important vous revenait à l'esprit.
— Je n'y manquerai pas Lieutenant Moose, répond Adan en lui serrant la main.
La femme, sans autre salutation, fait demi-tour et s'éloigne. Adan regarde la carte et la glisse dans sa poche en poussant un soupir.
— Quelle femme sympathique ! ironise Jessie.
— Elle est une autre de ces personnes qui a, comment tu as dit... « changée » ? C'est l'antithèse du Lieutenant Moose que je connaissais.
— Tu as vu ?
— Oui, le tatouage. Encore.
— Cela me fait peur.
— On doit chercher ce que c'est, lui répond Adan en la regardant dans les yeux. Ce tatouage et cette explosion... Je... Mon Dieu, murmure-t-il.
Adan pousse un soupir douloureux en fermant les yeux. Il sent sa tête qui élance. "Symptôme de manque" lui murmure sa conscience. Jessie l'étreint pour le consoler.
— Je suis là, Adan. On va trouver ce qui s'est passé.
— Mais sans la police cette fois... Du moins plus par mes contacts directs.
— Il y a Alva, pense tout haut Jessie.
— Mais où est-elle ? dit Adan qui s'éloigne en fouillant des yeux les environs.
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C-14 : L'Enfant sans ombre
Science Fiction*Fiction gagnante du Prix du Sabre Laser (1ière place) aux @X-Writor 2018 :)* « Dans la Baie de Santos, rien ne va plus. - Ne remettez plus les pieds dans cette firme, Monsieur Lescaux. Vous êtes personna non grata. M'avez-vous bien compris ? ...