L'homme, tout sourire, prend l'enveloppe que la femme lui tend alors qu'elle se dirige vers le mur vitré derrière son bureau. Finalement, la soirée barbante, organisée à la demande de ses investisseurs, aura eu de bons côtés. Il garde un instant les yeux sur la silhouette, ombre découpée sur les lumières de la ville, vingt étages plus bas. La vue est agréable il est vrai : son bureau, qui ne possède pas la plus grande superficie de l'immeuble de la Walton Corporated, il l'a choisi pour cela. Mais le coup d'œil appréciateur qu'il lance en ce moment ne concerne nullement le paysage. Un peu jeune peut-être mais elle a de la classe. Aussi articulée, intelligente que jolie, avec ces yeux si pâles sous sa chevelure noire - un style asiatique mais sans l'être vraiment - ce Shen Liang a du goût.
— Vous pouvez vérifier le montant si vous le désirez, fait la voix teinté d'un accent chinois de son interlocuteur assit devant lui.
L'homme d'affaire quitte sa distraction et se redonne une contenance en replaçant ses verres sur son nez.
— Monsieur Shen Liang, votre réputation vous précède. Vous êtes un investisseur avisé, je n'en doute pas.
— Je vous en prie, faites Monsieur Walton, ajoute l'homme avec une courbette de la tête, je tiens à ce que les choses soient limpides entre nous.
Ken Walton ouvre l'enveloppe richement identifiée et en sort un chèque dont le montant lui fait pousser un discret soupir d'agrément. Ce n'est pas qu'il est radin, mais les liquidités entrantes sont un peu moins présentes depuis un moment.
— Je ne m'en attendais pas moins, monsieur Liang. Vous serez un partenaire d'affaire très comblé, je vous en donne ma parole.
— Je n'en doute point, monsieur Walton, réplique le chinois en avançant son athlétique silhouette sur le bout de son siège et en posant une main à plat sur le bureau.
C'est le signal. La jeune femme s'approche doucement de Walton, une main derrière le dos.
— Je tiens cependant à vous prévenir, murmure le chinois en le tenant de son regard d'onyx, que ce chèque n'aura aucune valeur monétaire à moins que vous ne fassiez exactement ce que je vous demande.
— Que voulez dire ? C'est du chantage ! réplique Ken outré, en se raidissant.
« Pas encore... » pense-t-il.
Ce disant, doucement, sous le bureau, le bout de son pied tatillonne vers la droite, cherchant le déclencheur d'alerte.
— Tss Tss, reproche la femme.
Elle roule la chaise pour l'éloigner un peu du bureau et, de derrière son dos, elle exhibe et pointe un revolver sous le menton de l'homme d'affaires. Puis, d'une voix douce et calme, elle rajoute près de son oreille, tout en glissant un œil vers son acolyte :
— Nous ne désirons pas de compagnie.
— Vous n'obtiendrez rien de moi. Vous êtes sous surveillance depuis votre arrivée à cette soirée. Il y a des caméras partout et des vigiles...
— Désolé, rajoute les lèvres rosées près de son visage, mais nous avons un ami qui a bousillé... quelque peu votre équipement. Vos vigiles observent des images vieilles de trente minutes. La soirée donnée pour vos investisseurs bat son plein, monsieur Walton, mais nous n'en sommes pas.
— Nous sommes des fantômes, rajoute Liang.
Il glisse un œil malicieux vers sa complice :
— Bien jolis, d'ailleurs.
La femme lui rend un sourire entendu.
— Monsieur Liang, vous faites une grave erreur ! clame Walton en tentant de se lever mais la femme le repousse, avec une force surprenante, au fond de son siège.
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C-14 : L'Enfant sans ombre
Science Fiction*Fiction gagnante du Prix du Sabre Laser (1ière place) aux @X-Writor 2018 :)* « Dans la Baie de Santos, rien ne va plus. - Ne remettez plus les pieds dans cette firme, Monsieur Lescaux. Vous êtes personna non grata. M'avez-vous bien compris ? ...