Chapitre 23 : Relais

34 9 1
                                    

« Donne-moi accès à cette créature... »

Les yeux d'Alva brillent à nouveau de cette lueur qui a tellement effrayé Adan.  La Máo bīng voit les lieux qui l'entourent teintés de cette lueur ambrée.  Elle est toujours sur l'Adrienne avec près d'elle ses trois compagnons inertes.  Elle tend ses doigts vers le cou de Broot :
— Broot ?
Il lui semble si pâle, si faible. Sont-ils ?
« Morts ? »
La jeune fille tente de trouver le pouls d'Adan ou de Jay Jay.   Mais, dans l'état de choc où elle se trouve, rien ne semble pulser sous ses doigts . Elle tente de parler mais sa gorge est tellement serrée que seul un croassement s'en échappe.  Elle ne réussit plus à discerner quoique ce soit. Sa vision est nimbée d'or et pailletée par ses larmes comme un kaléidoscope.
« Non, ils sont toujours dans leur enveloppe organique.   Il me reste à décider ce que nous ferons des deux terriens. »
— Qu... quoi ?
« Je veux savoir pourquoi tu te sens si liée à eux.  C'est ce lien qui m'a retenu d'agir contre eux lors de ta descente vers moi. »
— Agir par moi ?  Tu n'as pas le droit de me contrôler.
Alva se concentre et repousse l'intrusion de l'être qui tente de contrôler ses actions et pensées.
— Sors de ma tête !
La pression diminue, les yeux pâles de la jeune fille s'éteignent.
« Je suis toi et tu es moi.  Mais tu es différente, imparfaite.  Mais cette différence t'a permis de te lier avec les organismes de cette planète.  De pouvoir vivre avec eux.  J'examine cette espèce depuis mon arrivée.  Je ne voyais pas comment me joindre à eux.   Mais je me demande maintenant si c'est vraiment une bonne initiative.  Ils se croient supérieurs et exploitent à leur avantage tout ce qu'ils trouvent.  Ils n'ont pas respecté votre nature.   Ils t'ont modifié ainsi que le jeune Sibanwl, vous n'êtes ... »
— Siobaw ?
« Sibanwl.  Comme moi.  Enfin comme je l'étais avant que nous échouions ici. »
— Nous ?  Vous êtes plusieurs ?   Des Máo bīng , des Sibanwl ?
« Il ne reste que moi. Mais je ne suis plus vraiment un Sibanwl
— Qu'es-tu ?
«Une réminiscence, une empreinte de ce que je fus.  Je garde ces lieux en attendant qu'on nous retrouve et maintenant j'ai un autre but : te sauver.   Vous sauver tous les deux.  Je veux vous aider.  Vous êtes ce qui se rapproche le plus de ce que je suis. »
— Nous aider !  En nous emportant de force ici et en risquant de tous nous tuer ?
« Les moyens m'importent peu. J'ai attendu assez longtemps.  Je protégeais mes descendants en stase.  Puis ils sont venus les enlever. C'était les derniers. »
— Vos descendants : qui les a enlevés ?
« Ceux que tu nommes terriens, comme ceux qui t'accompagnent. »
— Quand cela s'est-il passé ?
« Je n'ai plus de notion de temps comme avant.   Dans l'état où je suis, le temps ne s'écoule plus comme avant. Tout ce que je sais, c'est que je n'ai ressenti votre présence familière que récemment. »
— Tu n'es pas de cette planète ?
« Non.  Je me dois de t'aider.  Tu es moi et je suis toi. »
Alva met de l'ordre dans ses idées.  C'est une évidence qu'elle est liée à cet être qui communique avec elle.  Cette voix qui l'a déjà appelée et qui a aussi communiqué avec Broot . Il est un être d'ailleurs ?  Il l'a reconnait comme étant comme lui.   Pourtant, elle est le fruit d'une expérience génétique de clonage... des gènes Aliens !   Comme Broot !   Les cocons, la respiration sous l'eau, la transmission de pensée, l'action sur certains métaux, les connaissances du petit : elle y voit une explication... incroyable mais possible.
« Aide-moi à comprendre et à t'aider »
— Ai-je le choix ?
« Jamais je ne pourrais t'obliger à faire contre ta volonté.  Mais, je dois en premier lieu te protéger de ces créatures car tu es moi... »
— ... et je suis toi ! Je sais, réplique Alva.  Mais, je fais confiance aux humains.   Ils ont été présents pour moi depuis toujours.  Mon père est l'un d'eux.   Il m'a protégé, soigné... aimé.  Et là, tu me demandes de t'aider... mais est-ce contre eux ?
Silence.
« Ton père... c'est lui ? »
La silhouette du Professeur Schäfer apparaît devant Alva, en un hologramme onctueux.   Les grands yeux pâles de la jeune fille miroitent de joie à cette vision si réelle.
Vati... souffle-t-elle en portant ses doigts sur la joue barbue de l'apparition qui se dissout doucement.
La jeune Mao Bing ressent un léger fourmillement dans sa tête.   Elle laisse le Sibanwl naviguer en surface de ses souvenirs.
« Je ressens ton sentiment pour lui.  Il est véridique mais... eux étaient-ils sincères ? »
— Oui, comme ceux qui sont avec moi, réponds Alva en posant sa main sur l'épaule d'Adan.
« Et pourtant, je n'ai pas ressenti beaucoup de respect pour la vie chez cette espèce.  Ils prennent ce qu'ils désirent sans regard envers les autres.   Ils mentent, volent, détruisent, tuent... parfois sans respect de leur propre vie. »
— Comment peux-tu affirmer cela ? Tu es dans le fond d'un abysse.
« Ils sont venus jusqu'ici.  Ils ont détruit, tué, volé... éliminé mes compagnons, m'ont obligé à devenir ce reflet de moi-même... Je ne peux les laisser se réveiller.   Je dois protéger les Sibanwl.»
Alva demeure sidérée alors qu'elle discerne les intentions de son interlocuteur.
— Non !  Tu vas les tuer ?   Tu les as tués ?   Je t'en empêcherai ! affirme-t-elle en lançant toute sa volonté pour protéger Adan et Jay-Jay.
« Ils sont vivants... en stase profonde mais toujours en vie.   Alors, nous revoici au point de départ : Donne-moi accès à cette créature afin de me permettre de mieux les comprendre. »
— Et si je refuse ?
« Je ferai une inquisition de force de leur conscience, sans savoir m'y prendre mieux, je ne peux garantir leur bien-être et ... leur survie. »
Alva voit alors Adan et Jay qui s'agitent, sous des influx qui les assaillent et qu'elle ne peut freiner.  Elle se penche vers le journaliste et pose une main sur son front :
— Non !  Arrête ! ... J'accepte...
Les deux humains se calment.
— Tu me donnes ta parole de ne pas leur causer de séquelles ?
« Oui, tu as ma parole Alva, fille de Sibanwl »
— Quel est ton nom ?
« Je suis... j'étais Niabor. »
— Alors, allons-y Niabor.
Elle s'agenouille en prenant la main froide de Lescaux entre les siennes : « Pardon Adan, c'est pour votre bien.   Pour le nôtre. »
Elle se détend alors qu'elle ressent Niabor qui passe par elle.  Elle ferme ses paupières en tentant de faire le vide. Elle n'est qu'un canal...

Les yeux d'Alva brillent d'une lumière froide qui transperce la mince peau qui recouvre ses yeux.

C-14 : L'Enfant sans ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant