Noir corbeau

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Raven n'avait pas entendu tout de suite les cris de Drina. En vérité, il avait inhibé ses sens comme il le faisait chaque soir pendant son seul moment de calme. Ses journées étaient constituées du flot incessant des futiles émotions humaines qui l'assaillaient de toutes part et le frappait comme une mer déchaînée. Il ressentait toutes émotions, les absorbait comme une éponge et se nourrissait tout particulièrement du désir sexuel, raison pour laquelle il tenait une maison close. Alors pour ne pas perdre pieds et se noyer, il s'enveloppait d'un cocon protecteur qui le coupait de cet extérieur humainement dégoûtant. Mais, dans ce cocon, il n'avait plus d'usage de ses sens, il était seul face à lui-même, ses pensées et ses démons.

Il était assis devant sa cheminée finement ouvragée, regardant le feu qui consumait lentement la grosse bûche qu'il avait pris soin de placer dans l'âtre. Les braises rougeoyaient lentement et projetaient un jeu d'ombre et de lumière sur son visage qui semblait aussi irréel que la fumée qui montait doucement dans le conduit. Ses longs cheveux cascadaient le long de son épaule blanche dénudée par sa chemise qui avait glissé le long de son bras, sa tête s'appuyait mollement sur ses jambes repliées contre son torse, et ses yeux à demi clos semblaient songeurs.

Mais son cocon sembla se fissurer un instant, un petite fissure à laquelle Raven ne prit pas attentionau début tellement elle était insignifiante. Il ferma les yeux pour consolider son havre de paix, néanmoins la fissure ne disparut pas et s'agrandit même jusqu'à devenir inquiétante. Lui que rien ne pouvait perturber frissonnait devant sa monumentale cheminée : quelque chose n'allait pas. Son cocon explosa en millions de paillettes d'énergie pure, c'est de cette manière qu'il le ressentit : comme une explosion douloureuse qui n'était pas de son fait. Le trop plein d'émotions extérieures avait eu raison de ses défenses.

Drina. Ce fût le premier mot qui vint à son esprit. Il entendit une réminiscence de son appel au secours, de son vif désespoir le frapper si fort qu'il en eut le souffle coupé. Elle l'appelait lui, elle voulait de sa protection à lui. Loin des considérations sur ce que cet état de fait provoquait en lui, Raven s'élança vers sa beauté blanche comme une tornade. C'était là l'image la plus adaptée pour décrire l'aura dont il s'était enveloppée et la vitesse à laquelle il parcouru les trois étages qui le séparaient de Drina.

« Aaaaah... Raven avait raison... Tu es tellement délicieuse ! Je vais tellement profiter de toi... Ma petite proie. »

Il ne prit pas le temps d'analyser la scène qui se déroulait sous ses yeux, dont la sclérotique avait disparue sous un noir aile-de-corbeau intense, et se jeta littéralement sur Silver. Le choc de leurs deux corps fit craquer le mur qui se fendilla en de multiples endroits d'où la peinture se décolla. Mais le pire fût la collision de leurs auras qui fit perdre à Raven le lien avec Drina et une partie de sa raison. Il agrippa le cou de Silver et y planta ses griffes en grognant.

« - Tu n'avais pas le droit de la toucher ! JUSTE DU SEXE ! Il rugissait maintenant en se retenant de le massacrer, Tu n'avais pas le droit de la goûter ! Elle est à MOI.

- Elle est tellement bonne ! Autant à baiser qu'à charcuter. Tu aurais dû entendre ses gémissements et sentir sa peur ! Tu pensais vraiment pouvoir la garder pour toi tout seul ?! Le territoire n'est même pas marqué, aurais-tu peur de la tuer comme tu les fais avec toutes ces putes ? »

Raven perdit pieds en entendant la voix rocailleuse de Silver le provoquer de la sorte, il oublia d'un coup son amitié pour lui, on ne touchait pas à ses proies. Jamais. Son masque de perfection tomba aussi facilement que s'il n'avait jamais été présent. Son visage se tordis en un rictus animal qui n'avait rien d'attirant, sa lèvre supérieure se retroussa sur des crocs acérés, l'humanité qui s'accrochait à son visage en dépit de son état reflua et il redevint le démon qu'il était. Alors son animalité se déchaina contre Silver : il frappa. Il frappa le vampire de toute ses forces, il frappa en écorchant sa peau de ses griffes, il frappa jusqu'à sentir les os du crâne exploser et le sang tacher le mur. Le visage de Silver n'était plus qu'un trou béant d'où suintait à gros bouillons le sang qui transportait avec lui des morceaux de chair arrachée, d'os brisés et de cervelle massacrée.

Le Rossignol BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant