Chèvre Blanche

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"-Tu peux pleurer tant que tu veux petite trainée, cette fois, tu ne t'en sortira pas. J'y veillerais."

L'air semblait fléchir quand il parlait, se plier lui aussi douleureusement à la volonté de l'incube. Sa voix, cinglant l'air une fois de plus, s'était implacablement élévée au milieu du silence assourdisant, remplissant l'espace et étouffant la jeune femme. Comme une noyée, elle chercha du regard quelque chose auquel se raccrocher, une bouée de sauvetage qu'elle pensait trouver en la personne de Lysandre. Mais celui-ci maintenait résolument les yeux baissés vers le sol en parquet massif, la position du soumis parfait somme toute. Il ne voulait surtout pas se faire remarquer outre mesure par Raven dont il sentait l'aura menacante lui picoter le dos. Lysandre était donc légèrement vouté, laissant ses cheveux cacher son visage comme un rideau doré qui le protègerait de l'extérieur. C'était tellemnt candide de sa part, comme si le monstre ne pouvait pas le voir alors qu'il le dominait de toute son épouvantable splendeur.

Raven n'avait pas vraiment eu de mal à repérer Lysandre dans la foule des participants de la de la fêtej. D'abord parce qu'il avait cet air de chiot perdu cherchant sa mère, mais aussi parce qu'un simple frôlement avec le jeune homme lui avait permis de capter l'odeur de Drina. Or, Lysandre ne faisait ni partie des clients de la beauté blanche, ni de ses connaissances, ce qui avait amené l'incube à interroger le pauvre blondinet qui n'aspirait qu'à être tranquille.

Drina, elle aussi, ne pouvait se résigner à soutenir à nouveau le regard de Raven, préférant se consacrer à l'observation du corps secoué de tremblements de Lysandre. Il sanglotait en frissonant comme s'il avait froid alors qu'un feu brulait copieusement dans la cheminée. Drina savait particulièrement ce que le jeune homme redoutait : la torture, autant mentale que physique.

Pendant des années il avait souffert de toutes les façons que l'esprit humain pouvait concevoir, les cicatrices qui parcouraient son corps et le déformaient en était le plus poignant témoignage. Brulé à l'acide, violé à plusieurs reprise depuis l'enfance, battu, affamé, humilié... Lysandre était le survivant d'une vie qui ne lui avait jamais fait de cadeau. Il s'était éveillé au monde quand son dernier maitre était mort et qu'il avait trouvé Drina, mais en cet instant Raven lui rappelait ce pourquoi il avait été formaté enfant : la soumission.

Drina leva de nouveau ses yeux vers Raven en remarquant que son protégé s'était mis à pleurer de stress, anticipant une possible punition. Elle vit en Raven que cette position de dominant incontesté lui procurait un plaisir malsain à peine contenu, un plaisir mélé de quelque chose que la jeune femme ne parvenait pas à identifier.

"- Raven... S'il te plait, Lysandre n'a rien à voir avec ça."

Sa voix sonna comme une complainte, un requiem bien funeste, aux oreilles de l'incube qui frémit. Ses yeux se plissèrent imperceptiblement, jaugant de la peur des deux jeunes gens, la tournant et la retournant dans sa bouche comme le plus exquis des bonbons. Sa colère ne semblait pourtant pas faiblir, s'abreuvant de son désir et le consumant comme le plus efficace des combustibles. De nouveau, son timbre si riche résonna, l'ironie était presque palpable.

"- Il n'a rien à voir avec ça ?"

Il semblait réfléchir à la question et partit d'un rire hystèrique en obligeant Lysandre à douloureusement relever la tête.

" - Tu te fiches de moi, c'est ça ? Il n'a rien à voir avec ça ?! VRAIMENT ?!

- Raven... Je...

- LA FERME, DRINA, LA FERME."

L'entendre hurler de la sorte lui coupa toute envie de répartie qui aurait pu germer dans son esprit. Elle tenta vainement de trouver la formulation la plus appropriée pour le calmer, ou éviter d'attiser son courroux. A quoi pouvait-il bien penser ? Elle plissa imperceptiblement les yeux, comme si cela aurait pu lui permettre de mieux lire en Raven, mais elle ne vit que la colère. Une colère tellement palpable qu'elle en frissonnait. Une rage qui se transmettait dans tout le corps de l'incube qui se tenait tel un pantin animé par les fils de la tension et les doigts de l'hystérie. Mais comme précédemment, Drina ressentait quelque chose d'autre, une jalousie qui relevait sa vicieuse tête et s'imissait dans l'esprit de Raven comme le plus pernitieux des maux.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 17, 2017 ⏰

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