« Ce qui ne te tue pas te rend plus fort » . S'il était admis que cette phrase était une vérité quasi universelle aussi vérace que « la terre tourne », Drina, elle, venait souvent à en douter. Elle avait lu tantôt que dans son acceptation banale et contemporaine, cette phrase était une belle connerie. L'auteur avait écrit qu'au quotidien, la souffrance n'endurcit pas, au contraire elle use, fragilise, affaiblit celui qui y fait face. L'âme humaine n'est pas un cuir qui se tanne avec les épreuves, c'est une membrane sensible, vivante, délicate. En cas de choc, elle reste meurtrie, marqué, hantée.*
Mais nous aimons y croire car cela nous pousse à aller plus loin, à ne pas baisser les bras à chaque épreuve aussi durs qu'elles soient. Alors en un sens, cette phrase devenait vraie, elle ne prenait sa signification et son ampleur que grâce à la motivation humaine. Ou plutôt à l'obstination de l'homme qui refusait de se voir mourir à petit feu. Mais Drina était épuisée de devoir se battre en ce moment. De se battre pour sa liberté, et de se battre contre le pouvoir politique.
"Prince-régent". Ces deux mots étaient connus de tous et ce dans tout l'empire. Chose étonnante, voire fascinante, que le pouvoir que deux pauvres mots pouvaient avoir sur une population toute entière. Pour beaucoup ils rimaient avec puissance , richesse et mort. Derrière la façade dorée et grandiloquante que le fameux Prince-régent donnait à voir se cachait un être abject , sans aucune moralité, et bien étranger à la misère que sa prise de pouvoir avait engendrée. Prise de pouvoir étant par ailleurs un magnifique euphémisme pour désigner le renversement, du masssacre radical et odieux du pouvoir alors en place.
Drina n'avait jamais été excellente en Histoire, se contentant des bases acceptables pour tenir une conversation avec le client, mais n'en sachant pas trop au risque de passer pour plus intelligente que les phallocrates auxquels elle s'adressait le plus souvent. Qu'une prostituée soit plus cultivée qu'un homme -qui plus est riche- était loin d'être acceptable. Délaissant alors l'Histoire la plus ancienne, Drina était devenue une experte en géopolitique. La connaissance des ambitions des hommes qui voulaient votre corps se faisait vertu quand on projettait de les maitriser.
Alors si le prince-régent voulait la voir, elle viendrait jusqu'à lui. Même si elle répugnait à le faire, Drina n'était pas folle au point de mettre sa propre vie en danger. La vie des autres lui importait peu, elle s'en servait comme bon lui semblait pour parvenir à ses fins, mais jamais elle ne se mettrait en péril sciemment. Elle savait qu'un refus de sa part auprès de Dazen la conduirait de toute evidence à une mort certaine et douloureuse ou à une entrée pure et simple dans le harem de ce cher prince- régent.
Le harem, c'était comme l'enfer. Un enfer secret et extrêmement bien gardé. Certaine femme se battaient pour y rentrer, pour se faire baiser par l'homme le plus puissant du continent et bien sûr espèrer lui donner une descendance. Foutaises. C'était tellement réducteur de ne vivre que pour être une poule pondeuse. Drina exécrait ce genre de femme, elle les méprisait de plus profond de son être, elle qui s'était battue pour ne plus être un objet sexuel.
Tandis que la teinture noire s'écoulait de sa chevelure pour choir dans le baquet aux pieds de Lysandre, Drina réfléchissait. En réalité, elle réfléchissait depuis la veille et l'ouverture de la maudite lettre. Lettre qui avait subit les foudres de la jeune femme et gisait maintenant sur le sol en multiples petits morceaux. Pourtant, elle ne pouvait pas vraiment reculer et tout était prêt pour la soirée infernale du Prince-Régent.
Ne pouvant dès lors plus reculer, elle remonta ses cheveux blancs sur sa tête pour dégager da nuque à la peau laiteuse. C'était une coiffure à la mode dans la "haute" société qui se contentait de maintenir la chevelure de ces dames avec des rubans, la règle à respecter étant de paraitre "décoiffée" alors que l'exécution de la coiffures prenaient de longues minutes. Drina enfila par la suite la robe que Raven lui avait offert et qu'elle n'avait porté qu'une seule fois. Cette tenue était de circonstance, un magnifique drapé qui laissait apercevoir l'espace entre ses seins par un décolleté qui trouvait écho par une échancrure dans le dos. Les fils d'or luisaient sous la lumière, le corps de Drina semblait plus parfait dans cette robe qu'il ne l'avait jamais été, c'était là que la comparaison avec une déesse prenait son sens.
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Le Rossignol Blanc
FantasyDrina, la lumineuse et célèbre prostituée, cache un lourd passé que tient d'une main de fer le propriétaire du Rossignol et geôlier aussi sombre qu'impitoyable. Entre haine et passion, le Rossignol se fait le cadre de l'histoire d'incubes et succube...