Chapitre 6

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Au bout de quelques jours, le constat s'imposa aux yeux de Michiya : si toutes les règles imposées étaient suivies, la vie au pensionnat était d'un ennui plus que mortel.

Les journées étaient à la fois épuisantes et répétitives. La consigne était simple : il lui suffisait d'être une pensionnaire modèle pendant quelques mois et elle pourrait rentrer chez elle. Seulement, être une pensionnaire modèle passait aussi par le fait d'avoir de bonnes notes et plus elle écoutait en classe, moins elle avait l'impression d'être intelligente. Les professeures étaient assez quelconques mais semblaient en vouloir à Liz en particulier : elle avait, disait-elle, une réputation d'élément perturbateur.

Michiya ne tarda pas à se rendre compte que toutes les fillettes du pensionnat considéraient Liz avec une sorte de crainte mêlée de respect, et que cette considération la concernait également, étant donné que les deux jeunes filles passaient tout leur temps libre ensemble. Cela la mettait un peu mal à l'aise mais elle était fière d'arpenter les couloirs du manoir aux côtés de sa nouvelle amie, sous le regard admiratif des autres filles. Elle en oubliait un peu qu'elle n'avait pas de nouvelles de Zoï ou de sa famille.

Alors Michiya jeta l'éponge. Pour passer le temps, elle et Liz étaient en rébellion permanente. Elle se forçaient à ne pas écouter les cours, adoptaient délibérément une attitude insolente. Elles n'étaient pas très appréciées des éducatrices mais leurs délits n'étaient jamais assez graves pour être punis sévèrement.

Un soir, alors que les élèves se préparaient à aller dormir, sous le regard de deux surveillantes, une petite poussa un cri aigu : une goutte d'eau lui était tombée sur la nuque. Toutes les filles levèrent la tête vers le plafond couvert de tâches d'humidité et découvrirent avec stupeur qu'une fuite s'était déclarée. La petite fille se recroquevilla sur le sol et se mit à pleurer.

« J-je veux ren-trer à l-la maison ! gémit-elle.

-T'en fais pas, Lua, tu seras chez toi bientôt, la rassura une de ses amies.

-J'en ai marre de ces bâtiments hors d'âge ! s'écria une troisième fillette. Je veux retourner dans une vraie Cité !

-Silence, mesdemoiselles ! beugla une des éducatrices. Vous rentrerez chez vous si vous vous comportez bien ! Maintenant, allez dormir. Je vais chercher un seau, pour la fuite.

La cinquantaine de jeunes filles se mit au lit, pendant que la surveillante revenait avec un seau en métal. La lumière s'éteignit et l'on n'entendit plus que les respirations d'enfants qui peinaient à trouver le sommeil, et le son de gouttes d'eau qui tombaient bruyamment dans le seau.

Le lendemain, durant une heure d'étude, Liz s'assit près de Michiya et les deux amies ne tardèrent pas à aborder l'incident de la veille.

« J'ai pas pu fermer l'œil de la nuit, soupira Michiya, les traits tirés. Le toit doit être vraiment vieux.

-Il l'est, marmonna Liz, mais la fuite ne s'est pas créée toute seule.

-Comment ça ?

-C'est pas la première fois que ça arrive. Toutes les filles qui débarquent ici sont habituées au confort de leurs Cités, alors quand il y a un pépin, elle se mettent à chouiner et généralement, leur maison leur manque tellement qu'elles deviennent de bons petits soldats en quelques jours.

-Mais ce genre d'incident, c'est....

-...entièrement calculé. Ces harpies provoquent des fuites d'eau, des pannes de courant, ou bien scient les lattes des lits et accusent les termites. Tout ça, c'est juste pour pousser les gamines à obéir aveuglément pour pouvoir rentrer chez elles. Ca fait trop longtemps que je suis ici -je fais quasiment partie des meubles- alors ça marche pas sur moi, j'ai presque aucun souvenir de là d'où je viens. »

La Cité de l'InjusticeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant